Biotechnologie : Treefrog Therapeutics dévoile sa première installation industrielle

La startup Treefrog Therapeutics vient d'inaugurer ses nouveaux locaux à Pessac (Gironde/Bordeaux Métropole), déployant sa première usine sur 1.200 m2. Suffisant, grâce à sa nouvelle technologie, pour fournir la France et l'Europe en cellules souches pluripotentes induites ! En attendant le feu vert des autorités médicales, Treefrog Therapeutics développe des partenariats au Japon, pays phare en biologie cellulaire, et aux Etats-Unis. Parce que la technologie de cette jeune entreprise bordelaise est appelée à transformer le marché mondial.
Jean-Luc Treillou, Kevin Alessandri et Maxime Feyeux lors de l'inauguration, hier jeudi, au côté de leur animal totem (c'est-à-dire frère) : la rainette (treefrog).
Jean-Luc Treillou, Kevin Alessandri et Maxime Feyeux lors de l'inauguration, hier jeudi, au côté de leur animal totem (c'est-à-dire frère) : la rainette (treefrog). (Crédits : Appa/ Eric Barrière)

Les cofondateurs de la startup Treefrog Therapeutics (thérapies de la rainette -NDLR) -  Maxime Feyeux, biologiste et président de l'entreprise, créée en 2018, Kevin Alessandri, physicien et directeur général - et Jean-Luc Treillou, docteur en pharmacie et président du conseil d'administration ont inauguré leurs nouveaux locaux ce jeudi 3 septembre.

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Des locaux où la startup, jusque-là hébergée à l 'École nationale supérieure de technologie des biomolécules de Bordeaux (ENSTBB), sur le campus universitaire, a réussi à emménager il y a quelques mois, en pleine période de confinement.

"Avec ce premier site industriel, d'une surface de 1.200 m2, nous avons créé un démonstrateur qui va nous permettre de produire des cellules souches pluripotentes induites [CSPI] pour des phases de tests. Grâce à la version alpha de la machine à encapsuler les CSPI, que nous avons développé depuis le début avec notre partenaire australien Invetech. Nous mettons ainsi en place une capacité industrielle de production de cellules souches pluripotentes induites en Europe", précise Maxime Feyeux à La Tribune.

En finir avec des lots à 10 millions d'euros le kilo

Pour mieux comprendre il faut rembobiner le film quelques mois en arrière, quand Treefrog Therapeutics a commencé à porter l'innovation révolutionnaire baptisée C-Stem, qui permet de cultiver dans des conditions optimales les cellules souches pluripotentes induites. Des cellules capables de fabriquer n'importe quel type d'organe humain, qu'il s'agisse de foie, de peau, de tissus cérébraux ou encore d'os. Ces CSPI ne sont pas obtenues, comme auparavant, à partir d'embryons humains mais par un procédé de rétro-ingénierie, qui permet de faire régresser des cellules adultes, de peau, de cheveu ou autre, à leur état primitif et pluripotent.

Treefrog Therapeutics inauguration 2

La machine encapsuler de Treefrog Therapeutics (crédits : Appa/Eric Barrière)

Une séquence spécial "retour vers le futur" qui a valu à ses auteurs, les professeurs Shinya Yamanaka, de l'université de Kyoto et le Britannique sir John B. Gurdon (Université de Cambridge), le prix Nobel de Médecine en 2012. Avec son innovation Treefrog Therapeutics ouvre la voie à la culture à grande échelle de CSPI. Parce qu'actuellement ces dernières, qui pourraient par exemple permettre de remplacer les neurones détruits par la maladie de Parkinson, sont quasiment introuvables sur le marché, au point que le kilo de cellules souches pluripotentes induites se négocie à 10 millions d'euros ! Pour une raison simple : personne n'est capable de cultiver les CSPI à grande échelle. Parce que ces dernières ne supportent pas l'élevage dans des boîtes de Pétri, ces cylindres remplis d'éléments nutritifs qui fonctionnent d'habitude très bien mais où les cellules souches pluripotentes induites se suicident en masse (apoptose).

143 millions de CSPI livrées avec succès l'an dernier

Avec ses capsules en trois dimensions spécialement conçues pour permettre aux CSPI de commencer à fabriquer dans les meilleures conditions l'organe qui leur a été assigné, C-Stem élimine cette mortalité et permet de dupliquer avec une qualité génomique maximale les lots de CSPI qui lui sont confiés.

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Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, à gauche, avec Kevin Alessandri, face à l'unité de production (crédits : Appa/ Eric Barrière).

La jeune entreprise innovante, sélectionnée dans le programme d'accélération French Tech 120 début 2020, veut ainsi diviser par dix la surface au sol et les ressources humaines nécessaires pour arriver à une production industrielle de CSPI de taille critique. Avec l'ambition de diviser à terme les coûts de production de ces cellules par 100. Treefrog Therapeutics a réussi en avril 2019 à livrer avec succès un premier lot de 143 millions de cellules souches pluripotentes induites à l'institut hospitalo-universitaire (IHU) parisien Imagine, spécialisé dans les maladies génétiques.

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"La machine d'encapsulation que nous avons développé avec notre partenaire australien nous permet de produire entre 1.000 et 5.000 capsules de culture de CSPI à la seconde, en fonction des besoins. Actuellement nous travaillons sur la culture de CSPI de grande taille, ce qui ramène notre production à 1.000 capsules à la seconde", recadre Maxime Feyeux.

Les Bordelais feront aussi tester la faisabilité à Boston et Kyoto

En raison de leur avancée scientifique en biologie cellulaire, le Japon et les Etats-Unis sont les deux pôles géographiques incontournables pour la startup bordelaise. Ce qui a conduit, depuis déjà plusieurs semaines, Maxime Feyeux et Kevin Alessandri à multiplier les contacts dans ces pays.

"Nous avons des partenaires industriels et académiques à Boston et Kyoto qui s'exprimeront bientôt à ce sujet, quand ils l'auront décidé, parce qu'ils gèrent très bien leur image. Avec la mise en service de la version 1 de notre machine, nous mettons aussi en place toute une chaîne de production. Une fois que la machine à encapsuler sera totalement au point, nous en enverrons un exemplaire au Japon et un autre aux Etats-Unis. Cette première version de la machine est semi-automatique. Nous devons l'automatiser, la doter d'une capacité de production conforme aux attentes commerciales et la rendre conforme aux bonnes pratiques de fabrication d'ici fin 2021", déroule Kevin Alessandri.

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La production de capsules de culture de CSPI se joue à l'échelle microscopique (crédits : Appa/Eric Barrière).

La démonstration de faisabilité (ou preuve de concept) de la technologie française C-Stem va ainsi être à la fois menée en Europe, au Japon et aux Etats-Unis.

Une usine taillée pour les marchés français et européen

La pharmacie n'ayant rien à voir avec l'industrie automobile cette machine d'encapsulation, qui doit permettre de produire jusqu'à 80 milliards de cellules souches pluripotentes induites par an, est considérée en France comme un médicament. Elle va donc être soumise quasiment au même parcours du combattant qu'un médicament pour obtenir son autorisation de mise sur le marché (AMM).

"Cette première usine que nous venons d'inaugurer a été conçue pour pouvoir répondre aux besoins des marchés français ou européen. Là où ailleurs il aurait fallu mobiliser 30.000 m2 pour obtenir un résultat comparable, ici 1.200 m2 nous suffisent, grâce à C-Stem, éclaire Kevin Alessandri. Pour obtenir notre AMM, poursuit-il, nous allons nous lancer dans les tests cliniques, de phases 1, 2 et 3. N'oubliez pas que les compagnies qui arrivent sur des phases de tests cliniques chez l'homme, sont déjà de très grosses sociétés".

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Treefrog Therapeutics, qui a levé 7,1 millions d'euros en 2019 pour se lancer, avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, de Bpifrance, de la Banque Populaire et de BNP Paribas s'est au final doté d'un site industriel qui n'a pas coûté plus de 2 millions d'euros.

Ne pas se transformer en vendeurs de machines...

Une nouvelle levée de fonds, articulée au plan local, national et international devrait avoir lieu d'ici 2021. Epargnée par l'impact destructeur de la pandémie de Covid-19, Treefrog Therapeutics, qui vient de porter son effectif à 31 personnes, avec des thésards et ingénieurs principalement recrutés à  l'ENSTBB (Ecole nationale supérieure de technologie des biomolécules de Bordeaux) - "on se les arrache dans le monde entier" précise le directeur général - poursuit sa route avec confiance. Et pour réussir à s'imposer sur le marché mondial, comme le souligne Kevin Alessandri, la jeune société va multiplier les partenariats pour s'appuyer sur une dynamique de co-développement.

"Nous avons les compétences clés et il n'est pas question que nous devenions de simples vendeurs de machines. D'autant que les énormes gains de productivité générés par notre C-Stem vont nous permettre de développer cette technologie en France", relève le directeur général.

Une stratégie de co-développement qui semble bien lancée puisque les partenaires japonais et américains de Treefrog Therapeutics ont déjà confié à la jeune entreprise des expériences à développer.

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