"95.000 TPE et PME passent à côté des aides fiscales à l'innovation"

Créée à Bordeaux en 2016, Self&Innov guide les dirigeants de PME, TPE et startups à s'y retrouver dans le maquis des aides à l'innovation. Sa méthode ? S'appuyer sur une plateforme web pour les aider à faire eux-mêmes une partie du travail, alléger la facture et ainsi rendre le conseil en financement de l'innovation accessible aux petites bourses. Le marché est encore vierge, mais les débouchés sont immenses.
L'équipe de Self&Innov installée à Bordeaux
L'équipe de Self&Innov installée à Bordeaux (Crédits : Self & Innov)

"Qui paie 30.000 €, le prix d'une bagnole, pour une étude de marché de 40 pages ?" Le constat, brut de fonderie, est sorti de la bouche de Matthieu Bacquin il y a quelques années. Après avoir gravi les marches dans le métier du conseil, il ne cesse alors d'être éberlué devant les tarifs totalement hors de portée des PME proposés par certains cabinets de conseil. Si les grands groupes n'ont pas de difficultés à se positionner, les petites structures, elles, n'en ont évidemment pas la possibilité. Associé dans un cabinet, Matthieu Bacquin tombe par hasard sur un article mentionnant l'émergence des "consultech", nées du croisement entre le monde du conseil et celui de la technologie et des plateformes web.

"J'ai ouvert cet article en mode « Qui sont ces barbares ? » et je l'ai refermé en me disant que la digitalisation du conseil, ce n'était pas cela. Ce n'était pas ces acteurs qui ressemblaient plus à des CVtechs, des outils de pilotage des ressources humaines. Ma conviction en revanche était qu'il était possible de proposer quelque chose aux petites entreprises innovantes qui n'ont pas recours au conseil."

En élaborant le concept de Self&Innov, son président Matthieu Bacquin emprunte volontiers à des sociétés qui n'ont rien à voir avec cet univers :

"Nos modèles, ce sont Decathlon ou Héma, des acteurs proposant des tarifs accessibles et qui ont fait l'effort d'une démocratisation de leur savoir-faire. Le métier du conseil en financement de l'innovation ne faisait aucun effort pour se démocratiser, justement. Ce conseil, c'est 20 % de temps passé à faire du jus de cerveau, la partie noble du métier. Les tâches à faible valeur ajoutée occupent 50 à 70 % du temps restant. Or, ce qui caractérise un patron de PME, c'est d'avoir une grosse force de travail. Comme chez Ikea, Self&Innov propose donc à ses clients, pour être moins cher, de faire eux-mêmes une partie du travail. A la différence qu'on parle de fiscalité et pas de montage de meubles, donc nous contrôlons tout derrière !"

La société bordelaise se positionne donc "comme un éditeur de logiciels" en mettant à la disposition des dirigeants de PME et startups des outils leur permettant de réaliser eux-mêmes des tests d'éligibilité à certains dispositifs fiscaux et de monter des dossiers. "Il y a toujours une intervention humaine d'un de nos experts en fiscalité de l'innovation pour vérifier que tout colle", insiste Matthieu Bacquin.

Une méconnaissance, plusieurs facteurs

Née en 2016 à Bordeaux, Self&Innov est focalisée sur trois aspects : l'obtention et la sécurisation du crédit d'impôt recherche, du crédit d'impôt d'innovation et du statut de Jeune entreprise innovante. Le marché, lui, est immense :

"Le statut de Jeune entreprise innovante est désormais bien connu. Le crédit d'impôt recherche est dans le paysage français depuis 1983 mais il compte moins de 20.000 bénéficiaires. Quant au crédit d'impôt innovation, réservé aux TPE et PME, moins élitiste car il ne demande pas de faire de recherche fondamentale et embrasse une définition plus large de l'innovation, il est utilisé par à peine 4.000 entreprises ! On peut considérer que 95.000 TPE et PME passent à côté des aides fiscales à l'innovation. Or, on parle quand même de montants d'environ 50.000 euros directement injectés dans la trésorerie..."

Est-ce la peur du contrôle et potentiellement du redressement qui donne naissance à cet "océan bleu" qui n'est pas adressé ? Matthieu Bacquin y voit plutôt la conséquence de plusieurs facteurs : "Le coût prohibitif des cabinets de conseil, la méconnaissance de la générosité du système français et le manque de pédagogie. Même sur le site ministériel, le crédit d'impôt innovation n'est pas du tout mis en valeur !" Le cofondateur de Self&Innov résume la population à deux composantes : "Les entreprises qui ne comptent que sur elles, leurs clients et leurs équipes, qui sont focalisées sur leur business, la partie qui les motive bien plus que la paperasse, peu assimilée à l'aventure entrepreneuriale. Et d'autres plus ouvertes à l'idée d'aller chercher des aides, dont les dirigeants se disent : « Après tout, je paie des impôts... » Ce qui crée la bascule entre ces deux catégories, c'est le montant qu'il est possible de débloquer et qui n'est pas anodin pour une TPE ou une PME. Et ici on parle d'impôt sur les sociétés en moins ou de trésorerie, pas d'avances remboursables."

Self&Innov ambitionne maintenant d'ouvrir à court terme de bureaux à Nantes et Lyon, mais se dit ouverte à d'autres opportunités. "Nous avons vocation à être présents dans toutes les métropoles French Tech, ajoute Matthieu Bacquin. Notre modèle nécessite 50 clients par ville pour s'équilibrer." Reste encore à faire avancer les pions de la "consultech" :

"Elle est encore embryonnaire et bouge tout doucement. Pour l'instant les cabinets traditionnels ne s'y risquent pas car ils n'ont ni la culture digitale, ni les équipes en interne. La barrière est culturellement difficile à franchir car elle implique d'investir pour au final vendre moins de jour/homme et donc de supprimer son modèle économique pour en inventer un nouveau."

La société a bien conscience que le rôle de défricheur isolé d'un marché est compliqué à assumer et espère donc voir un peu de concurrence émerger. "On a mis 12 mois à gagner nos 20 premiers clients, on a fini 2018 avec 85 clients et actuellement, en juillet, nous ne sommes à 140 et nous visons les 5.000 d'ici trois ans. La croissance est donc là et il va nous falloir être le plus gros possible pour verrouiller ce marché. Nous avons retardé le lancement d'un tour de table et prioriser la génération de chiffre d'affaires. Nous serons ainsi plus à l'aise pour lever dans de bonnes conditions début 2020, on n'y jouera pas notre peau mais nous serons au contraire positionnés pour prendre un leadership fort. L'idée est de ne pas avoir ouvert la route dans le brouillard à d'autres acteurs qui vont apparaître", explicite le dirigeant. Ce dernier se dit marqué par le crash abrupt de la plateforme de livraison de repas Take it easy  "qui était pionnier sur un marché non-mature et qui générait du chiffre d'affaires". Et veut bien faire comprendre son positionnement :

"On ne pique pas de clients aux grands cabinets puisque qu'ils font 90 % de leur chiffre d'affaires avec des grands groupes, des ETI et des organismes divers, une cible qu'on n'adresse pas. On ne casse pas un métier, on le démocratise en proposant une solution impliquant les dirigeants et réduisant le coût qu'ils ont à supporter. Lafuma n'est pas mort avec Decathlon."

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