La ministre chargée des Transports Elisabeth Borne a récemment annoncé les lauréats de l'appel à projet Expérimentation du véhicule routier autonome (EVRA), mené dans le cadre du Programme d'investissement d'avenir. Deux consortiums, pour un montant d'aide total d'environ 42 millions d'euros, ont ainsi été retenus par l'Etat, ouvrant la voie à des expérimentations sur 16 points du territoire français. Aucune de ces expérimentations n'aura lieu en Nouvelle-Aquitaine. La région est-elle en retard sur la question du véhicule autonome ? "La question, c'est plutôt de savoir si la Nouvelle-Aquitaine est un monstre qui est difficile à réveiller", préfère André Perpey, gérant de l'entreprise NeoGLS (anciennement Geolocsystems) spécialisée dans les systèmes de transports intelligents coopératifs (C-ITS) et basée à Martillac.
Un dossier était pourtant bel et bien en cours de constitution. "Il n'a pas été déposé car il manquait un partenaire utilisateur, à savoir un constructeur", explique André Perpey. Le projet, baptisé Luna, pour Laboratoire des usages de Nouvelle-Aquitaine, n'est toutefois pas abandonné. Les partenaires restent impliqués et le travail se poursuit pour consolider un projet qui devrait être déposé à la Région avant l'été. Il s'agit de créer une zone de test pour véhicules autonomes, et plus particulièrement pour poids lourds sur l'A63 dans les Landes. L'idée : tester, dans le cadre de la logistique interurbaine, le platooning, ou convoyage, qui consiste à relier plusieurs camions connectés entre eux et pilotés par le véhicule de tête. "C'est un système qui permet de réduire la consommation de carburant et d'économiser des chauffeurs routiers quand les véhicules sont véritablement autonomes", précise André Perpey. "Pour cela, il faut mettre en place des équipements qui permettent aux véhicules d'être coopératifs et d'être au courant des obstacles que représentent notamment les péages ou les échangeurs."
La position de la France évolue
"Cela commence à se faire, aux Etats-Unis et dans les pays des constructeurs notamment, mais à petite échelle. C'est dans cette logique là que nous nous inscrivons", explique Olivier Quoy, directeur général d'Atlandes, concessionnaire de l'A63. "Il n'y a pas encore eu d'expérimentation en France pour la simple et bonne raison que lorsque le sujet est arrivé sur la table en 2015 dans le cadre d'un projet européen (European truck platooning challenge), la direction de la sécurité routière avait refusé la circulation de ce type de convois. Les choses ont évolué depuis, avec une démarche volontaire du gouvernement en matière de véhicule autonome."
Pour cette expérimentation en particulier, une demande de dérogation, indispensable, est en cours d'instruction. "Elle devrait aboutir prochainement", assure Olivier Quoy.
Ce projet prévoit deux étapes."Alors que le platooning qui consiste à espacer les camions d'une dizaine de mètres environ nécessite l'utilisation de véhicules à haut niveau de connectivité qui ne sont pas encore sur le marché, nous avons proposé une étape intermédiaire avec la mise en circulation de poids lourds dernière génération à des distances de l'ordre de 25 mètres à 30 mètres. Cela nous permettrait de faire des observations sur l'attention requise, la fatigue du conducteur, les modes d'organisation. Pour l'instant, l'instruction de notre demande repose sur la préparation et l'organisation de ces expérimentations. Nous travaillons sur le protocole de mise en œuvre, avec la gendarmerie notamment, l'idée étant d'envisager les premières circulations expérimentales début 2020 sur route ouverte."
Les atouts de l'A63
Ce serait alors une première en France et si la Nouvelle-Aquitaine se positionne, c'est pour une raison très simple selon Olivier Quoy :
"De telles circulations ne peuvent être envisagées que sur des axes routiers à 2 fois 3 voies, en ligne droite, en milieu interurbain et sans trop d'échangeurs. En faisant le tour des infrastructures en France, on atterrit rapidement sur l'A63 dans les Landes. C'est vraiment le terrain d'expérimentation idéal pour le platooning."
S'agit-il des prémisses d'un living lab, laboratoire dont la création avait été annoncée à la fin du congrès mondial ITS (systèmes de transports intelligents) qui s'est tenu à Bordeaux en 2015 ? L'idée n'est en tout cas pas abandonnée. Elle figure dans le Schéma régional de développement économique d'innovation et d'internationalisation. "La création d'un living lab sur le territoire régional apparait nécessaire pour co-construire et expérimenter, soit des innovations de rupture, soit des solutions réinventées en local de modes de déplacement plus durables en utilisant des solutions déjà éprouvées", peut-on y lire. "C'est aussi bien de lancer des expérimentations avant de faire sortir de terre le living lab. On inverse simplement les choses", analyse André Perpey.
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