Problématique du dernier kilomètre : trois projets innovants à la loupe

Les Fondations Bordeaux Université, Poitiers Université et Lisea Carbone se sont associées pour développer 20 projets qui apportent des solutions à l'amélioration de la mobilité verte du dernier kilomètre, ce trajet de courte distance gourmand en carbone. Des projets des plus innovants, soutenus à hauteur de 370.000 €. Focus sur trois d'entre eux, développés par la Fondation Bordeaux Université.

Lancé en 2015, l'appel à projets a donné l'occasion aux chercheurs des Universités de Bordeaux de sortir de leurs axes de recherches fondamentales et de porter des projets d'éco-mobilité. À l'aide d'autres chercheurs, d'étudiants de plusieurs disciplines (mécanique, chefs de projet ou encore techniques commerciales...) et en partenariat avec des entreprises, ces projets sont en phase de devenir des réalités tangibles. Pour le moment, ce ne sont encore que des prototypes, mais leurs technologies sont déjà éprouvées. Pour le directeur général de la Fondation Bordeaux Université, Frédéric Cauchois, cette démarche pluridisciplinaire est nécessaire à l'aboutissement de tels projets :

"Le rôle de notre fondation est de mettre en lien les acteurs du monde scientifique de la recherche et les acteurs du monde de l'entreprise. Ces recherches permettent de faire ensemble de la recherche appliquée pour demain, trouver les solutions pratiques, sans impacter le plus possible l'empreinte carbone. Tout le monde a pris conscience que ce sont des transports qui peuvent vous changer la vie demain."

Les 20 projets sont soutenus par la Fondation Lisea Carbone, une émanation de la société concessionnaire de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux. Elle a pour objectif de financer des projets visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre au sein des départements traversés par la LGV SEA Tours-Bordeaux, grâce à un budget de 5 millions d'euros sur la période 2013-2018.

>> H2 Vert ou comment pédaler à l'hydrogène

Enseignant-chercheur à l'IUT de Bordeaux, Jean-Louis Bobet est plutôt de ceux qui donnent les bonnes idées et laissent aux autres le soin de les développer. Pour une fois et grâce à l'appel à projets, il peut enfin suivre son projet de A à Z. Cette fois, la bonne idée du chimiste a été de trouver une solution pour accroître l'autonomie et le confort de véhicules électriques légers (vélos, trottinettes, scooter, triporteurs...).

"L'idée est de générer de l'hydrogène qui va venir alimenter une pile à combustible pour alimenter un vélo à assistance électrique. Concrètement, il s'agit d'une grosse capsule, comme une dosette de café, que l'on va intégrer dans un générateur placé sur le porte-bagage du vélo. Changer une capsule prend entre 20 secondes et une minute en fonction de la dextérité. Alors qu'avec une batterie vous devez attendre 4 heures pour recharger."

À l'intérieur de cette capsule se trouve du magnésium, que l'on vient mélanger avec de l'eau salée pour fournir de l'hydrogène à la demande et qui fournit une énergie utilisable graduellement. Ces capsules seront fabriquées en utilisant des "déchets" métalliques et par conséquent permettront de réduire l'empreinte carbone globale. "Il faut savoir qu'aujourd'hui, il y a plus de la moitié des déchets de magnésium qui ne sont pas recyclés. Nous proposons une seconde vie à ces matériaux. La solution est parfaitement non toxique, moins dangereuse que les batteries au lithium et ne pèse que 20 grammes", assure Jean-Louis Bobet. Pour le moment le prototype pèse 5 kilos mais in fine, la batterie totale aura un poids sensiblement identique à celui d'une batterie lithium.

Budget : 158.000 €

État du projet : recherche de partenariat avec des entreprises pour une mise sur le marché dans deux ans

>> Crone ou comment récupérer de l'énergie d'une suspension de vélo

Voici une nouvelle façon de récupérer de l'énergie : utiliser les mouvements du vélo et les transformer en énergie. Cette fois, il s'agit d'une suspension récupératrice d'énergie installé sur un vélo qui permet d'accroitre l'autonomie des véhicules à assistance électriques légers. Ce concept est déjà utilisé dans la recherche automobile, également développée par l'équipe de chercheurs du laboratoire IMS (Intégration du matériau au système) avec PSA-Peugeot Citroën notamment.

"L'intérêt concerne à la fois le transport de personnes, comme le vélo, mais également les transports de marchandises comme les scooters ou les triporteurs, précise Jocelyn Sabatier, enseignant-chercheur de l'IUT de Bordeaux, le porteur du projet Crone. La seconde innovation est le confort. Pendant les phases de récupération, on va également contrôler l'amortisseur de façon à ce qu'il se comporte comme une suspension Crone développée par nos équipes dans l'automobile. Il permettra d'assurer un confort quelle que soit la charge portée par le véhicule électrique."

dernier kilomètre Crone

D'ici les prochaines années, il s'agira pour les chercheurs de mettre en place un banc d'essais, pour tester le confort de ces suspensions et évaluer l'énergie récupérable. Mais déjà, « on récupère entre 80 et 100 watts grâce à ce système, assure Jocelyn Sabatier, ce qui prolongerait d'une dizaine de pourcents l'autonomie de la batterie ».

Cette récupération d'énergie permet aussi de réduire les coûts de valeur des marchandises. Dans un fonctionnement de transport classique, le dernier kilomètre génère 20 % de coût de valeur de la marchandise et participe pour 25 % à l'émission de gaz à effet de serre. Ce système permet de réduire encore le coût des solutions vertes déjà présentes sur le marché, comme les sociétés de triporteurs qui parcourent ce dernier kilomètre.

Budget : 121 000 €

État du projet : banc d'essais et démarchage d'industriels dans les six prochains mois.

Paloma ou comment aider les PMR à se déplacer sur le dernier km

Se déplacer à l'intérieur des gares lorsque l'on est une personne à mobilité réduite (PMR), est rarement chose aisée. Que ce soit pour des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, des femmes enceintes, des personnes en surpoids ou temporairement moins mobiles. C'est de ce constat qu'est partie l'équipe de recherche de l'IUT de Bordeaux et du laboratoire IMS, dont fait partie François Demontoux et qui a été lauréat en 2015 et 2016 des appels à projets de la Fondation Lisea Carbone.

"Ça peut rapidement ressembler à un parcours du combattant pour les personnes à mobilité réduite, explique-t-il. Notre solution est celle d'une plateforme électrique qui permettrait, par exemple dès la descente du tram, de monter dessus avec ses bagages et emmènerait l'utilisateur jusqu'au bon quai, aux toilettes ou vers d'autres services. Il y aurait des parcours prédéfinis et réservables par internet."

dernier kilomètre Paloma

La plateforme est guidable avec une tablette, au son de la voix, de manière tactile, pourquoi pas avec un joystick et peut se commander à distance. "Nous sommes en train de chercher des nouveaux systèmes de guidage avec une triangulation wifi qui permettrait d'avoir un suivi des déplacements. Nous réfléchissons également à une utilisation de moteur à air comprimé et non pas électrique pour avoir une démarche encore plus écologique (réduction de l'utilisation de batteries)." Afin de rendre ce service optimal, un travail est entrepris avec la SNCF, pour définir les faisabilités. Ce système pourrait se transposer dans les aéroports ou encore les parcs d'attraction.

Budget : 150.000 €.

État du projet : un prototype opérationnel va être déployé en gare Saint-Jean de Bordeaux pour des tests. Contacts pris pour un transfert industriel et étude de nouveaux marchés.

Professionnalisation des étudiants

Dans le cahier des charges de l'appel à projets, la professionnalisation des étudiants était primordiale. Cela a permis à plusieurs étudiants d'avoir une insertion professionnelle une fois les projets aboutis. "Dans le cadre du projet Paloma, souligne François Demontoux, les étudiants prennent conscience qu'au-delà de leurs compétences techniques, ils pourront apporter des solutions technologiques au monde du travail pour l'intégration de personnes à mobilité réduite. Ce sont des projets qui font sens pédagogiquement et professionnellement."

D'ailleurs un des scénarii du projet Paloma est de créer une startup avec les étudiants qui se sont impliqués dans le projet et qui désireraient aller plus loin.

Pour Frédéric Cauchois, l'ensemble des projets permet également la création de valeur ajoutée en termes d'économie et d'emploi.

"Les trois fondations ont permis de mettre en commun l'ensemble de ces chercheurs pour générer des innovations et à terme de l'activité sur le territoire. Pour une entreprise, faire des recherches en interne coûte cher et prend du temps. Nous avons la possibilité de mutualiser nos chercheurs qui sont connectés à leur réseau international pour répondre par exemple à cette problématique du dernier kilomètre. . A Bordeaux, nous avons la possibilité de travailler avec de nombreux partenaires et des chercheurs et étudiants issus de toutes disciplines, des sciences et technologies aux techniques de commercialisation...Des acteurs qui pourront ensuite s'associer pour déployer les innovations ! Sans des acteurs impliqués comme nous, bénéficiant d'une mécanique fiscale avantageuse, des recherches de ce type auraient du mal à voir le jour."

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