Biotech : "Fermentalg a une seconde chance"

Le PDG de la biotech girondine Fermentalg, Philippe Lavielle, annonce une alliance avec le géant japonais DIC et plusieurs projets, dont une augmentation de capital, qui devraient apporter 15 millions d'euros supplémentaires dans les caisses de l'entreprise spécialisée dans les micro-algues pour la nutrition et la santé. Pour La Tribune, il précise sa stratégie.
Fermentalg emploie plus d'une soixantaine de salariés à Libourne, près de Bordeaux

Fermentalg va-t-elle enfin sortir de l'ornière ? Son PDG Philippe Lavielle en a en tout cas bien l'intention. La biotech de Libourne, fondée par Pierre Calléja en 2009 et qui en est resté le patron jusqu'en 2015, a un parcours singulier. Née sur la base d'une innovation majeure dans la culture de micro-algues, elle n'a que trop tardé avant d'arriver sur le marché. Son introduction en bourse en 2014, qui lui avait permis de lever 40,4 M€ en plein emballement des investisseurs sur cette question des micro-algues, lui avait donné à l'époque de confortables marges de manœuvre. Mais le cash a brûlé vite. Au 30 juin dernier, Fermentalg ne disposait plus que d'une trésorerie brute de 10,2 M€, contre 15,7 M€ fin 2016. Après le départ de Pierre Calléja, c'est l'ancien directeur des affaires financières Andrew Echatti qui avait pris les rênes. Jusqu'à la nomination de Philippe Lavielle au poste de PDG en novembre 2016, dont le profil correspond beaucoup plus à celui d'un capitaine d'industrie.

Depuis, le nouveau patron a travaillé à structurer une entreprise qui en avait grand besoin. Ces derniers mois, l'intégralité du top management de la société a changé, à l'exception du directeur scientifique. Philippe Lavielle est allé chercher des profils expérimentés chez le voisin Ceva Santé animale, plus loin chez Polaris, Cargill, etc.

"Il fallait d'abord apaiser le climat social dans une entreprise qui compte aujourd'hui 62 salariés et remettre Fermentalg dans le sens de la marche, humainement parlant, après des mois de tension, explique le PDG. Mon 2e objectif était de commencer à commercialiser notre 1er produit, une huile enrichie aux oméga-3. Cet été le produit a été mis à disposition et les exercices de qualification sont en cours, j'espère annoncer les premières ventes d'ici la fin de l'année. Nous annoncerons aussi dans les prochaines semaines des accords de distribution. Il a aussi fallu structurer l'entreprise de manière à la rendre solide, avec des process clairs et un management plus distribué."

Philippe Lavielle, PDG de Fermentalg (photo archives DR)

Une alliance avec DIC

Le troisième gros chantier de Philippe Lavielle était de redonner un peu d'air à la société et de poser les bases d'une recapitalisation devenue nécessaire pour entrer de plain-pied dans une phase de développement commercial intense. Fermentalg a donc annoncé il y a quelques jours la signature d'un accord de coopération avec le géant japonais DIC Corporation. Créé en 1908, DIC (5,8 Md€ de CA en 2016, plus de 20.000 emplois) est le principal fournisseur mondial d'encres d'impression et intervient également dans les marchés de la chimie fine et des matériaux fonctionnels. Cette alliance repose sur deux volets : un investissement de 5 M€ de DIC Corporation dans Fermentalg, qui prendra la forme d'une émission d'obligations convertibles à 5 € par action (la cotation tournant actuellement autour de 2,5 € sur le marché libre) ; ainsi qu'un programme de co-développement sur 3 ans portant sur deux pigments naturels issus des micro-algues. Sur ce dernier point, les deux partenaires visent principalement le marché des solutions naturelles alternatives aux colorants alimentaires artificiels. Fermentalg apportera sa plateforme biotechnologique et sa banque de souches de micro-algues, DIC sa puissance en recherche appliquée, industrielle et commerciale.

"Beaucoup avaient fini par douter de la technologie de Fermentalg, poursuit Philippe Lavielle. Je pense simplement qu'elle n'était pas assez mise en valeur. Nous sommes en mesure de viser plusieurs marchés en forte croissance, celui des huiles enrichies en oméga 3 et celui des pigments naturels à base d'algues. Aujourd'hui les fabricants de pigments font essentiellement de l'aquaculture intensive, dans de grands bassins. L'idée de Fermentalg d'utiliser des fermenteurs permet d'augmenter les rendements de biomasse de manière phénoménale et le fait de les bombarder de flashs lumineux entraine ensuite une forte accélération du rendement en pigments. Nous tenons là une vraie technologie de rupture."

Pour Philippe Lavielle, l'alliance avec DIC valide justement la technologie de Fermentalg. Le géant japonais voit, de son côté, une opportunité de faire évoluer son cœur de métier historique en se détachant du seul créneau de la chimie de synthèse pour prendre le virage des biotechnologies, que d'autres acteurs ont pris avant lui.

Recapitalisation de 15 M€

Parallèlement, Fermentalg porte un projet d'augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription des actionnaires, au premier rang desquels Bpifrance et le fonds Demeter qui ont prévu de soutenir cette opération qui devrait rapporter 10 M€. Avec les 5 M€ apportés par DIC, Fermentalg devrait donc renflouer dans les prochaines semaines sa trésorerie de 15 M€ supplémentaires. Si DIC convertit ses obligations, elle sera autour de 5 % du capital. Actuellement ce dernier est réparti ainsi : flottant 46 %, fonds Emertec 18 %, fonds Demeter 14 %, Bpifrance Investissement 10 %, Bpifrance Participations 6 %, plus quelques fonds historiques à hauteur de 6 % également.

"Le cœur technologique de Fermentalg est très bon, insiste Philippe Lavielle. Le problème est simplement que les preuves commerciales tardaient à arriver. Avec une trésorerie de plus de 20 M€ en fin d'année, nous aurons les moyens d'investir dans la commercialisation des huiles enrichies, de mener nos travaux avec DIC sur les pigments naturels et de développer notre gamme de protéines d'algues. Ces trois marchés sont en hausse de 10 à 15 % par an et pointent tous vers la nutrition - santé, ils se substituent notamment aux colorants de synthèse ou aux ingrédients issus de la surpêche et s'inscrivent également dans la tendance végane. Tous comme les consommateurs, les grandes marques mondiales sont de plus en plus friandes de produits naturels. Il y a notamment un énorme appel d'air sur les protéines végétales, un marché sur lequel nous allons avoir une carte à jouer avec des protéines assez neutres en goût et solubles."

Fermentalg est donc appelé à devenir, selon Philippe Lavielle,

"un véritable acteur industriel et commercial. L'enjeu n'est pas de déposer des brevets et de se limiter à vendre de la licence, mais bien de fabriquer des produits et d'en tirer de la valeur ajoutée. On peut imaginer beaucoup de solutions, y compris des joint-ventures, de la sous-traitance... Nous avons des actifs technologiques sérieux, une grosse banque de souches de micro-algues, il faut maintenant que cette belle base adresse les marchés de demain. On a perdu du temps, mais ce qui est fait est fait. Fermentalg a une seconde chance."

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