Innoveox plombé par son échec à La Réunion

Le groupe Innoveox va-t-il survivre à sa mésaventure à La Réunion, département où son brevet de dépollution révolutionnaire devait s’imposer pour la première fois dans une collectivité ? C’est encore possible malgré la fragilité de la situation.
Jean-Christophe Lépine, au centre de la photo, encadré par Axel Champeil, (CAM Bordeaux) sur la gauche, et Ludovic Lastennet (Implanet).

Le groupe Innoveox, coté en Bourse, dont le siège est à Paris mais le centre de recherche et développement, la production et l'essentiel de la trentaine de salariés à Mérignac (Gironde), a publié le 30 juin ses résultats annuels 2016, qui auraient normalement dus être rendus publics en mai. Financièrement fragile, Innoveox a accumulé les déconvenues jusqu'à se retrouver dans une situation critique. En témoigne le compte de résultat 2016, qui fait apparaître un chiffre d'affaires de 560.000 € l'an dernier, contre 124.000 € en 2015, avec un résultat net qui s'enfonce franchement dans le rouge.

Le déficit d'Innoveox est ainsi passé de 4 M€ en 2015 à 6,8 M€ en 2016. Malgré un apport en trésorerie de 1,5 M€ en 2016 et des perspectives de rentrées d'argent, par exemple avec le crédit impôt recherche, Innoveox a dû solliciter le 28 mars dernier du tribunal de commerce de Paris sa mise en sauvegarde, suite à l'annulation de l'entrée au capital d'un partenaire industriel. Cette procédure, qui lui a été accordée jusqu'au 28 juillet, ne peut être appliquée qu'en l'absence de risque immédiat de mise en cessation de paiement.

Un miracle technologique qui peine à se diffuser

Le groupe Innoveox se distingue par sa puissance de feu innovatrice, car il a l'usage exclusif du brevet sur l'oxydation hydrothermale en milieu super critique (OHTS) à énergie positive. Une innovation de rupture développée à Bordeaux par le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), qui permet de transformer des déchets organiques liquides, qu'il s'agisse de solvants ou de résidus pétroliers, en énergie et en eau propre, même si elle n'est pas potable ! Un vrai miracle technologique qui peine encore à se diffuser.

Alors que les départements et territoires d'outre-mer expédient généralement leurs déchets industriels sur le continent le plus proche (Afrique pour La Réunion, Australie pour la Nouvelle-Calédonie...) et constituent des débouchés naturels, la première vraie tentative de conquête des DOM-TOM pourrait se solder par l'effondrement du groupe. Car les soucis ont pris une tournure inquiétante le 28 mars 2017 à La Réunion, lorsqu'Innoveox Oceania, filiale locale du groupe, a été mise en redressement judiciaire. Le fonctionnement d'Innoveox Oceania, dont le siège est installé à La Possession et l'unité opérationnelle à Saint-Paul, où l'entreprise disposait d'une capacité de dépolluer 1.600 tonnes de solvants par an, a dû être arrêté.

 Jean-Chrsistophe Lépine explique Innoveox

1,2 M€ perdus à cause de la loi Girardin

Cet arrêt de la dépollution a plombé le groupe et provoqué l'explosion de la dotation aux amortissements et provisions, qui est passée de 228.000 € en 2015 à 3,2 M€ en 2016, soit +2,6 M€ ! Jean-Christophe Lépine, PDG d'Innoveox, n'a pas souhaité répondre à nos questions. Il a néanmoins mis en cause, dans le communiqué du groupe, l'administration, qui a refusé d'accorder à sa filiale réunionnaise la somme de 1,2 M€, prévue dans le cadre du volet industriel de la loi de défiscalisation Girardin, qui permet de soutenir les investissements en outre-mer.

"Innoveox Oceania a engagé une action devant le tribunal administratif " souligne la direction d'Innoveox. La balle est dans le camp de Bercy, dont nous n'avons pas pu joindre le service chargé de ce type de dossier, mais la filiale d'Innoveox est elle-même sous la pression des services de l'Etat à La Réunion. Ce qui est sûr, c'est que l'unité réunionnaise d'Innoveox, qui devait tout d'abord fonctionner de façon provisoire par tranches de six mois avant de quitter Saint-Paul pour gagner son site d'exploitation prévu sur la commune du Port, a rencontré un grand nombre de difficultés, qui ont été aussi techniques. Avec des problèmes qui ont perduré en 2016.

La première unité mobile de dépollution des effluents industriels installée à Lacq.

L'ultime avertissement à Innoveox Oceania

Le 3 février 2017 le groupe Innoveox faisait ainsi état de son problème financier avec la loi Girardin, et une semaine plus tard, le 10 février, la préfecture de La Réunion publiait l'avis de l'autorité environnementale sur la "demande temporaire d'autorisation d'exploiter une unité de valorisation d'effluents aqueux organiques présentée par la société Innoveox Oceania dans la zone d'activité de Cambaie (commune de Saint-Paul - NDLR)". Etude de dangers, risques sanitaires, prise en compte de l'environnement, dans son avis du 10 février les corrections demandées par l'autorité publique ne manquaient pas et la préfecture prévenait Innoveox Oceania qu'il lui fallait se mettre en conformité.

Le 28 mars le groupe Innoveox demandait à bénéficier de la procédure de sauvegarde et le 14 avril sa filiale réunionnaise était mise en redressement judiciaire. C'est à ce moment que le dossier réunionnais a pris une nouvelle tournure quand, le 26 avril, dans son arrêté N°2017-917/SG/DRECV, la préfecture de La Réunion a lancé un ultime avertissement à Innoveox Oceania. La filiale a notamment été mise en demeure de traiter ou d'évacuer les déchets dangereux ou pas stockés sur son site de Saint-Paul, et de transmettre à la préfecture les rapports d'incidents survenus depuis le démarrage de l'installation.

La Réunion ne dispose pas encore du système de traitement des déchets polluants dont elle a besoin (DR).

Une société qui a très peu fonctionné ?

"Les frais occasionnés par les études, analyses et travaux menés en application du présent arrêté sont à la charge de l'exploitant", précise l'arrêté préfectoral. Avant d'éclairer la situation sur le plan juridique. "Faute par l'exploitant de se conformer aux dispositions du présent arrêté et indépendamment des poursuites pénales prévues, il peut être fait application des sanctions administratives prévues à l'article L.171-8 du code de l'environnement" souligne la préfecture. Joints par La Tribune pour connaître l'ampleur réelle des risques encourus par Innoveox Oceania et l'état de la situation, les services de la préfecture se montrent plutôt conciliants.

"Dans la mesure où cette société en redressement judiciaire peut être liquidée et mettre fin à son activité à tout moment, il lui avait été demandée en avril 2017 de mettre en sécurité leur site et d'évacuer tous les déchets présents, conformément à la législation sur les ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement -NDLR)" observe ce fonctionnaire de la préfecture de La Réunion.

Avant de reprendre le fil de cette histoire très récente.

"Comme cela n'avait pas été fait correctement, poursuit le fonctionnaire, qu'ils ont informé de leur cessation d'activité, et qu'ils n'ont pas produit certains documents demandés exigés par la procédure (dossier de remise en état, définition de l'usage futur du site, etc.) il a été décidé de prendre un nouvel arrêté de mise en demeure de cessation de l'activité. L'inspecteur de l'environnement précise que cette société innovante testant de nouvelles procédures, basée à La Possession, a très peu fonctionné en fait".

Le tribunal de commerce de Paris dira le 28 juillet si Innoveox peut continuer à bénéficier de la procédure de sauvegarde.

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Commentaires 2
à écrit le 17/07/2017 à 11:24
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Confier la dé-pollution à des entreprises privées est une aberration totale, cela devrait être des investissements publics, dégagés des copains et familles des politiciens bien entendu, assainis donc, qui s'en chargent. Un bon vendeur peut vendre...

le 18/07/2017 à 14:39
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En quoi le privé est-il moins bon que le public ? Si vous lisez l'article (oui, tous les mots) vous comprendrez que c'est le public qui a plombé la société. "dégagés des copains et familles des politiciens" : C'est exactement pour cela que La Réu...

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