Degrés bleus, ou quand tirer la chasse alimente la clim !

Par Pascal Rabiller  |   |  454  mots
Au contact des eaux usées, les plaques, posées au fonds du collecteur, permettent de récupérer et transporter sa chaleur constante vers une pompe à chaleur
Les Assises de l'énergie, qui se déroulent à Bordeaux jusqu'au 29 janvier, sont l'occasion de mettre en lumière des initiatives innovantes, voire originales déployées dans ce domaine. Degrés bleus est de celles-là. Dans nos égouts, circule la géothermie, ou presque, en tout cas assez d’énergie pour chauffer ou rafraîchir toute l’année des bâtiments, piscines, écoles, bureaux… Exemple à Bordeaux avec un immeuble de Bordeaux Métropole.

Le saviez-vous ? Les eaux usées, qui sortent de nos maisons et s'écoulent dans les réseaux dans les sous-sols de nos villes, le font toujours à une température constante située, entre 12 et 15 degrés, et cela toute l'année.

Cette sorte de "géothermie", créée de toutes pièces par nos activités, Lyonnaise des eaux a décidé de l'exploiter avec un procédé (né de la combinaison de deux brevets, un suisse et un allemand dont elle a fait l'acquisition), baptisé Degrés bleus et qu'elle tente de déployer en France. Le principe semble simple.

"En installant au fond des grandes canalisations d'eaux usées, des échangeurs, des plaques d'inox qui au contact des eaux usées, permettent de récupérer et transporter sa chaleur constante vers une pompe à chaleur, explique Thomas Soubelet, responsable du service Ingénierie des réseaux à Bordeaux, nous pouvons, parce que le système est réversible, transformer cette énergie en chauffage l'hiver, et en fraicheur l'été."

30.000 € de consommation d'énergie,
20.000€ de maintenance / an

La mise en œuvre de Degrés bleus reste cependant techniquement délicate puisqu'il faut travailler sur un réseau existant, situé généralement sous la chaussée, et dans un milieu aussi confiné que sceptique. Mais le jeu en vaut la chandelle, le dispositif a été déployé il y deux ans à Bordeaux pour la climatisation du plus récent bâtiment de la Communauté urbaine (aujourd'hui Bordeaux Métropole), à Mériadeck. La mise en place du dispositif nécessaire à ce bâtiment de 28.000 m2 a mobilisé 1,2 M€ d'investissements, mais le retour d'expérience est bon.

"Le système a permis une économie d'énergie de 30.000 euros par an, et une économie de maintenance chauffage et rafraîchissement de 20.000 euros par an. On estime le retour sur investissement à 5 ans avec Degrés bleus, grâce aux aides de l'Ademe bien sûr" précise Thomas Soublet.

A ce jour, Degrés bleus est déployé sur plus d'une dizaine d'équipements en France. Cela va du chauffage de la piscine de Levallois-Perret (92) à la climatisation du mess des officiers de l'Elysée, en passant par une école de Wattignies (59) où il couvre 70 % des besoins énergétiques, comme c'est aussi le cas dans des HLM de Marseille ou de Mulhouse. Si le système ne peut être installé partout, pour des raisons techniques, légales ou de débit des eaux usées, le potentiel de nos eaux usées semble néanmoins d'autant plus énorme qu'il a longtemps été inexploité. Jusque-là, il était difficile de voir, dans l'obscurité des égouts, des gisements d'énergie verte qui sont pourtant bel et bien là, sous nos pieds.