GPSO : des collectivités néo-aquitaines refusent de payer pour la LGV Bordeaux-Toulouse

Relancé par le Premier ministre Jean Castex, le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), qui doit relier Bordeaux à Toulouse et à Dax par TGV, a toutes les chances d'aboutir selon, Alain Rousset, président de Nouvelle-Aquitaine et soutien de la première heure du projet. Mais à la condition express de boucler le volet financier de ce projet à 14,3 milliards d'euros d'ici le mois de décembre. Sinon la "fenêtre de tir" qui s'est ouverte sera refermée, avertit Alain Rousset. Il reste que certaines collectivités de l'ex-région Aquitaine n'ont aucune envie de payer pour un TGV Bordeaux-Toulouse.
Guillaume Pepy, alors patron de la SNCF, Alain Rousset, président de Nouvelle-Aquitaine, Jean-Luc Gleyze, président de la Gironde, Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole et Nicolas Hulot, ministre de l'Ecologie lors de l'inauguration en 2017 de la LGV Bordeaux-Tours.
Guillaume Pepy, alors patron de la SNCF, Alain Rousset, président de Nouvelle-Aquitaine, Jean-Luc Gleyze, président de la Gironde, Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole et Nicolas Hulot, ministre de l'Ecologie lors de l'inauguration en 2017 de la LGV Bordeaux-Tours. (Crédits : Agence Appa)

Si elle ne s'est pas soldée par un vote, la communication sur le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) du président (PS) de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, ce lundi 11 octobre au cours de la séance plénière de la Région, ne pouvait pas passer inaperçue. Alors que les conseillers régionaux devaient se prononcer sur un budget supplémentaire de 200 millions d'euros, adopté sans surprise, le GPSO reste au centre des préoccupations d'Alain Rousset.

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La relance de ce projet par Jean Castex le 27 avril dernier, qui a annoncé que l'Etat financera le GPSO à hauteur de 4,1 milliards d'euros, a redonné un coup de fouet à ce vieux projet. Il s'agit d'une liaison à grande vitesse, qui doit faire gagner 1 heure de temps de parcours entre Bordeaux et Toulouse, pour le ramener à 65 minutes, et mettre Paris à 3 heures 15 de Toulouse.

La bataille du rail

Alain Rousset se félicite de l'initiative du Premier ministre.

"Jean Castex a joué un vrai rôle pour relancer le GPSO. Car la bataille ferroviaire c'est vraiment une bataille. Il faut une décision politique pour y arriver. La bataille pour la liaison à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux s'est jouée et rejouée à chaque changement de gouvernement, à chaque changement de ministre.

Les projets de lignes à grande vitesse sont toujours attaqués avec les mêmes arguments : c'est trop cher, ça génère un risque d'abandon des petites lignes ferroviaires, c'est destiné à une clientèle restreinte de cadres supérieurs, ça augmente la centralisation en rapprochant trop de Paris...", a égrené en substance Alain Rousset, décidé à dégonfler chacun des arguments du catalogue des anti-trains à grande vitesse

L'élu socialiste a ainsi assuré que "quand on se penche sur la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux c'est le métro, c'est bourré de sacs à dos, de familles !"

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La ligne Bordeaux-Tours déficitaire ?

L'argument de la rentabilité de la ligne Tours-Bordeaux, qui selon la SNCF ne serait pas au rendez-vous, ne déstabilise pas Alain Rousset.

"Nous avons commandé une étude à ce sujet au cabinet EY (Ernst and Young) qui conclut qu'elle est rentable. Et puis, aujourd'hui, on ne peut pas savoir quelle marge fait la SNCF sur une ligne. Parce que c'est considéré par la SNCF comme un secret commercial. Concernant l'argument des petites lignes, des trains du quotidien, il faut être clair : la LGV est un tram du quotidien", a défendu en substance le président de la Région.

Quand bien même la future LGV aboutira à la construction de nouvelles gares en rase campagne et ne desservira pas le centre-ville d'Agen, Marmande, Montauban, Mont-de-Marsan ou encore Castelsarrasin... Mais Alain Rousset assure aussi que Bruxelles met la pression pour développer un réseau de transport européen décarboné, qui passe par les lignes à grande vitesse, en particulier vers l'Espagne.

Un accès rapide à l'Espagne encore cadenassé

Ce qui explique que depuis le début du projet Sud Europe Atlantique (SEA), qui devait au départ -jusqu'au milieu des années 2000-, relier Paris à Madrid via Bordeaux, Hendaye et Bilbao, l'Union européenne est prête à financer une bonne partie du projet. Ce qui est toujours le cas. A condition que le GPSO atteigne la frontière espagnole, Bruxelles s'engage ainsi à régler 20 % de l'enveloppe. En 2014, la commission d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique a cassé le projet à cause de l'impossibilité pour le GPSO à relier en même temps avec le TGV Bordeaux à Toulouse et Bordeaux à la frontière espagnole.

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Une mission rendue impossible par une décision ministérielle de 2013 faisant suite à la ferme opposition au projet de Michèle Alliot-Marie, ex-ministre et députée UMP très implantée dans les Pyrénées-Atlantiques, totalement opposée à la traversée du Pays basque par le TGV. Une position renforcée dans les mois suivants par l'avis du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), pour qui cette liaison à grande vitesse entre la France et l'Espagne via le Pays basque ne pourra pas se faire avant 2032.

40 % pour Etat, 40 % pour les collectivités et 20 % pour l'Europe

En 2018, le Conseil d'Etat a finalement cassé cette annulation de la déclaration d'utilité publique, rouvrant la voie à un rebond du projet et mettant semble-t-il l'objectif à portée de main. Si le détail du plan de financement de ce projet à 14,3 milliards d'euros n'est pas encore connu son architecture de base est parfaitement lisible. L'Etat s'engage ainsi à financer 40 % de la facture, à égalité avec les collectivités, dont 2,2 milliards d'euros pour les Régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie (1,6 milliard d'euros recettes fiscales déduites), tandis que l'Union européenne permet de boucler le financement avec son apport de 20 %.

Mais il se trouve que toutes les collectivités ne sont pas sur la même longueur d'ondes. Si les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie jouent à l'unisson un rôle moteur dans l'avancée du chantier, les collectivités de l'ex-Aquitaine ne regardent pas toutes dans la même direction. Pourtant, alors que les écologistes sont politiquement les seuls à s'opposer frontalement au GPSO, Bordeaux Métropole, gouvernée par une coalition PS-EELV mais présidée par le socialiste Alain Anziani, proche d'Alain Rousset, devrait soutenir le projet.

"Le GPSO n'est pas au programme de l'alliance du PS avec EELV à la Métropole", commente en substance Alain Rousset.

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La présidente de Lot-et-Garonne vent-debout

Le vote métropolitain sur le financement du GPSO devrait bénéficier de l'abstention d'EELV et du soutien de la coalition Métropole Commune(s), qui fédère l'opposition de droite et du centre, menée par l'ex-président Patrick Bobet. Toujours est-il que la réunion organisée le 28 septembre à propos du financement de ce projet par les collectivités néo-aquitaines concernées et le préfet d'Occitanie coordonnateur du projet n'a pas donné les résultats escomptés. France 3 Nouvelle-Aquitaine confirme ainsi que le président (PS) du Département de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, par ailleurs originaire de Captieux, commune forestière du sud Gironde concernée par le tracé de la LGV, a refusé lors de cette réunion d'engager la Gironde dans le financement d'un projet qu'il n'a jamais vraiment soutenu. Va-t-il changer son fusil d'épaule.

Sophie Borderie, la présidente socialiste du Département de Lot-et-Garonne, qui va être lui aussi traversé par la LGV (avec une très forte opposition locale à la clé), n'a pas apprécié non plus, selon France 3 Nouvelle-Aquitaine de s'entendre dire que son département, un des moins riches de la région, allait devoir payer entre 80 et 120 millions d'euros ! Même réaction du côté du centriste Jean-Jacques Lasserre, président du Département de Pyrénées-Atlantiques, qui devrait s'acquitter de près de 300 millions d'euros de participation...

Dur de passer à la caisse quand Ségolène Royal y a échappé

"Nous sommes tous d'accord : ce projet est une nécessité. Mais nous, départements, avons perdu nos compétences économiques et de transports au profit des Régions. Au regard de ces évolutions, il nous paraît inadmissible d'engager de telles sommes", a ainsi déclaré le président de Pyrénées-Atlantiques à France 3.

Tout en reconnaissant qu'il avait été marqué par le financement de la LGV Tours-Bordeaux, dont l'ex-région Poitou-Charentes profite sans avoir eu à verser un sou dans l'opération, Ségolène Royal, alors sa présidente s'y étant farouchement opposée. Le président centriste de la Communauté d'agglomération d'Agen, Jean Dionis du Séjour, n'entend pas non plus pour le moment financer ce projet, après avoir payé pour la Bordeaux-Tours. Sans compter que la traversée du Lot-et-Garonne par le TGV, dont sa partie forestière, va relancer l'opposition au projet des chasseurs et sans doute celle de la Coordination rurale, syndicat agricole aux méthodes musclées, mais aussi de nombreux élus.

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Boucler le volet financier d'ici décembre maximum

Selon Alain Rousset, ces oppositions ne devraient pas toutes durer. C'est d'autant plus important selon le patron de la Région, que selon lui "la fenêtre de tir" ouverte par Jean Castex va se refermer rapidement.

"Il faut que le plan de financement soit bouclé d'ici décembre prochain pour que le gouvernement ait le temps d'adopter l'ordonnance correspondante. Sans quoi le train va nous passer sous le nez : le vrai problème c'est le calendrier", prévient-il à six mois de l'élection présidentielle du printemps 2022.

Ce GPSO nouvelle mouture doit être présenté avec son financement à la Région lors de la séance plénière du 13 décembre : ce délai sera-t-il suffisant ? En tout cas cette pression du calendrier rend Alain Rousset d'autant plus agacé quand il lui faut parler de ses anciens alliés écologistes, désormais ses opposants à la Région et qui sont vent-debout contre le GPSO. Une position qu'il considère comme "incompréhensible".

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POLT : quand la liaison la plus courte n'est pas la plus rapide

Même si c'est la liaison la plus courte pour eux, avec 595 kilomètres de gare à gare,  l'abandon de la LGV Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT), acté par le Ciadt (Comité interministériel d'aménagement et de développement territorial) en 2003, ne semble pas avoir provoqué de bronca dans la Ville rose. D'où la demande formulée à la fin des années 2000 par le président de Midi-Pyrénées, Martin Malvy, de bénéficier d'une liaison à grande vitesse avec Bordeaux pour connecter Toulouse à Paris. Soit au bout du compte un parcours de 842 kilomètres de gare à gare.

Un  projet de liaison par LGV Toulouse-Limoges a fait l'objet d'un rapport exploratoire en 2015 dans le cadre du GPSO. Dans ce cadre, l'étude a exploré les pistes d'une ligne à grande vitesse reliant Toulouse à Paris via Limoges puis Poitiers... Grand obstacle à la poursuite de cette piste de LGV : un relief creusé de vallées obligeant à percer de nouveaux tunnels et à construire des ponts supplémentaires. La ligne POLT existe bel et bien mais c'est une voie de chemin de fer classique qui bénéficie actuellement d'un important programme d'investissement.

Ironie du sort, depuis 2017, Toulouse accueille une installation de l'entreprise californienne Hyperloop TT, qui compte développer un système de transport accéléré par lévitation magnétique : les capsules avec leurs voyageurs étant envoyés dans un énorme tube. Ce projet futuriste est très loin d'avoir abouti mais le tracé de son parcours est connu : Toulouse-Limoges-Orléans-Paris...

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