GPSO, la messe n’est pas dite

En donnant un avis défavorable au Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), la commission d’enquête n’a rien enterré. Cette décision attise toutefois des contradictions politiques et économiques, qui risquent de porter ce dossier à incandescence alors que le gouvernement doit s'en saisir.
La liaison Bordeaux-Toulouse sera-t-elle la seule rescapée ?

S'il ne signifie pas l'annulation du GPSO, l'avis défavorable de la commission d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique sonne comme un coup de tonnerre et continue de susciter des réactions politiques. Après la prise de position commune, hier, des présidents des régions (PS) Aquitaine (Alain Rousset) et Midi-Pyrénées (Martin Malvy) et de ceux (UMP) des métropoles de Bordeaux (Alain Juppé) et Toulouse (Jean-Luc Moudenc), les élus écologistes font connaître leur contentement. Europe Ecologie Les Verts (EELV) Aquitaine et le groupe des écologistes à la Région Aquitaine se félicitent ainsi "des conclusions de la commission d'enquête publique sur la réalisation des lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux -Dax" et de l'avis défavorable à la déclaration d'utilité publique. Et Monique de Marco, conseillère régionale, "se réjouit que la commission d'enquête ait repris tous les éléments à charge sur ce dossier exprimés de longue date par les écologistes".


Une concession pour régler la note ?


Très vite après l'annonce par La Tribune - Objectif Aquitaine de l'avis défavorable donné par la commission d'enquête, José Bové (député européen -Groupe des Verts), faisait connaître son soulagement dans un tweet ("Bonne nouvelle ! Avis défavorable de l'enquête publique sur la ligne Toulouse Bordeaux et Dax Bordeaux. Stop"), qu'a publié dans ses colonnes notre confrère toulousain La Tribune - Objectifnews. Pour autant les jeux sont loin d'être faits. Le 30 septembre dernier, Michel Delpuech, alors préfet d'Aquitaine et à ce titre coordinateur du GPSO, répondait à l'épineuse complexité du financement en évoquant une nouvelle option. "Le gouvernement n'a pas encore pris de décision pour savoir si le GPSO serait financé par l'Etat et les collectivités, ou bien par le biais d'une concession. Le gouvernement se prononcera sur la question à la suite des enquêtes publiques, en s'appuyant en particulier sur une mission qui sera chargée de faire la tournée des collectivités", avait-il expliqué.


Adoubé par le Grenelle de l'Environnement


La création du GPSO est postérieure à celle du projet de la LGV Sud Europe Atlantique (SEA), dont le premier objectif était de rallier Paris à l'Espagne via le TGV en mettant à grande vitesse les tronçons ferroviaires Tours-Bordeaux et Bordeaux-Hendaye. Le projet initial de la LGV SEA va rapidement évoluer. Soucieux de raccorder sa région à la grande vitesse ferroviaire, Martin Malvy obtient la création d'une LGV Bordeaux-Toulouse, tout en s'engageant à participer au financement de Tours-Bordeaux. C'est ainsi que dès 2008, la LGV SEA, qui s'impose comme le plus grand chantier ferroviaire européen, agrège 55 collectivités territoriales en Aquitaine et Midi-Pyrénées, mais aussi Poitou-Charentes, Limousin et Languedoc-Roussillon ! Encore mieux, ce projet vilipendé par les Verts s'inscrit alors dans le droit fil du Grenelle de l'Environnement. L'opposition farouche à la SEA de la députée et ministre basque (UMP) Michèle Alliot-Marie, qui ne veut pas que le TGV traverse le Pays basque français, alors que même que le gouvernement de la Communauté autonome basque (Euskadi), côté espagnol, attend avec impatience cette liaison, finira par payer. Si l'élue n'obtient pas l'abandon pur et simple du projet de liaison avec l'Espagne par le gouvernement Fillon, la décision du CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable) de tout remettre à 2032 au Pays basque français ressemble pour elle à une victoire.


Longues négociations


Le GPSO prend corps en 2012, réduisant la taille de la ligne SEA à celle du tronçon Tours-Bordeaux. S'il est toujours question dans le GPSO de la liaison avec l'Espagne, on comprend aujourd'hui, à la lecture du rapport de la commission d'enquête, que cette rupture en deux phases temporelles distinctes de la construction de la ligne Bordeaux-Espagne a été un mauvais coup porté à la cohérence de ce projet. Officiellement bouclé à plus de 90 %, le financement du GPSO à 50-50 entre l'Etat et les collectivités n'a toujours pas atteint les 100 %, ce qui pèse lourd pour un chantier à 9,7 Md€ (valeur mi-2013). D'autant que de nombreuses collectivités territoriales, comme les conseils régionaux d'Aquitaine et Midi-Pyrénées, se sont déjà engagées pour financer Tours-Bordeaux, un projet à 7,8 Md€. Les écologistes ne sont pas les seuls à se réjouir de la décision de la commission d'enquête. Les vignerons de Sauternes et Barsac, au sud de Bordeaux, qui produisent les vins liquoreux les plus réputés au monde, sont eux aussi soulagés.


Le Sauternais contre, la CCI pour


"Le projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Dax constituait une réelle menace pour les appellations Sauternes et Barsac par la coupure en plus de trois endroits de la rivière Ciron, responsable du micro climat sauternais et de l'apparition du botrytis. Plus de 170 propriétés viticoles étaient ainsi menacées par ce tracé" ont fait savoir hier ces vignerons. Le botrytis est à l'origine de la pourriture noble, facteur clé pour la création des vins liquoreux du Sauternais. A l'inverse, la Chambre de commerce et d'industrie d'Aquitaine a déjà fait savoir, lors de son assemblée générale de novembre dernier, à quel point il était important de réaliser les jonctions ferroviaires à grande vitesse du GPSO. "Objectif : éviter de fragiliser la compétitivité des 130.000 entreprises aquitaines par une décision contraire au bon sens !", avertissait ainsi l'AG. Pour les représentants des 130.000 entreprises commerciales et industrielles aquitaines les enjeux sont clairs. "Donner une chance de développement à tous les territoires aquitains passe par la concrétisation de ce projet GPSO qui permettra de tendre la main à nos voisins et amis espagnols en créant les conditions de réussite d'une euro région exemplaire", ont ainsi affirmé les élus. Et le combat mené en son temps par la CCI Bayonne Pays basque contre la volonté de Michèle Alliot-Marie d'interdire la LGV sur le territoire basque français montre qu'il ne s'agit pas d'un vain mot.


La liaison Bordeaux -Dax condamnée ?


Entre les contradictions politiques, opposant à gauche PS et écologistes, les divergences de vue entre viticulteurs du Sud Gironde et la CCI Aquitaine, ce dossier recèle aussi un volet financier explosif impliquant les collectivités ayant financé la LGV Tours-Bordeaux dans l'attente de leur propre ligne, comme Midi-Pyrénées. Fondamentalement invalidée par la commission d'enquête, la liaison à grande vitesse Bordeaux-Dax survivra-t-elle à l'aggiornamento qui semble se préparer pour le GPSO ? Ce n'est pas impossible. Tout comme est envisageable la réduction de ce projet à une première mouture centrée sur la liaison à grande vitesse Bordeaux-Toulouse. Le Landais Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux Transports, doit rencontrer les présidents des métropoles de Bordeaux et Toulouse, des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. Il va avoir fort à faire pour sortir de cet imbroglio.

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Commentaires 5
à écrit le 15/04/2015 à 22:17
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La messe n’est pas dite, certes. Car les croyants vont essayer de passer en force pour imposer leur foi dans les grands projets du passé. Personne n’est dupe. Mais ce que semblent ignorer certains c’est que ce projet a essuyé un refus massif de l...

à écrit le 05/04/2015 à 11:56
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Malraux aurait il raison. " Le XXI° siècle sera mystique, ou ne sera pas ". En tout cas, chez nos grands vieux élus professionnels, il est religieux. Ils sont les prêtres du productivisme, cette secte du XIX° issue du scientisme. Le scientisme est un...

à écrit le 01/04/2015 à 18:16
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Les Verts sont discrédités depuis longtemps à mes yeux, et leur score aux départementales montre que leurs idées sont totalement décalées du réel. Pour autant, il ne faut pas faire n'importe quoi et nous n'avons qu'une Terre où habiter ... pour longt...

à écrit le 01/04/2015 à 17:35
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La messe n'est ps dite ! c'est un grand projet d'avenir, on peut compter sur les hommes politiques visionnaires pour le faire aboutir

à écrit le 01/04/2015 à 17:27
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Si l'on suit les verts ils s'opposent a tout même au projet de Golf a Dax . Je crois qu'on devrait revenir aux boeufs et à la charrue comme ça on ira moins vite .

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