Bourse : des valeurs régionales prises dans les turbulences

ANALYSE. Plusieurs PME régionales sont cotées en bourse où elles deviennent des valeurs plus ou moins appréciées par les investisseurs. Plus d'un tiers d'entre elles sont aujourd'hui bousculées avec plus ou moins de vigueur sur le marché boursier. Défiance profonde ou mauvaise passe ? La Tribune revient sur les trajectoires d'HDF Energy et de Groupe Berkem qui ont vu le montant de leurs cotations chuter de moitié depuis un an mais illustrent deux cas bien différents.
Si les marchés se portent bien, il est clair que la guerre en Ukraine injecte un certain manque de visibilité aux prévisions.
Si les marchés se portent bien, il est clair que la guerre en Ukraine injecte un certain manque de visibilité aux prévisions. (Crédits : BRENDAN MCDERMID)

Alors que le CAC 40, qui donne la température de la bourse à Paris, est très bien orienté, avec une croissance de +13,4 % entre le 2 janvier dernier et le 22 mai, au niveau historiquement élevé de 7.478 points, les petites et moyennes entreprises néo-aquitaines cotées sur le marché subissent de leur côté des vents boursiers plutôt contraires.

« Il y a du bon et du moins bon, mais les entreprises cotées se comportent plutôt bien. Nous sommes dans une séquence de réajustement de la valorisation. Certaines entreprises enregistrent de forts reculs mais beaucoup avaient une valorisation un peu trop haute. Quand les cotations décrochent, c'est souvent parce que les investisseurs attendaient de meilleurs résultats. Pour autant, le marché boursier reste bien orienté », diagnostique Axel Champeil, PDG de la société financière bordelaise Champeil.

Celui qui est notamment le dernier agent de change indépendant en France poursuit : «Les petites et moyennes valeurs ont tendance à connaître des difficultés parce qu'elles ont des tailles qui intéressent moins les investisseurs, plus tentés aujourd'hui par de grandes entreprises très liquides »

40 % des valeurs en recul
Dans son panel des 29 valeurs du Grand Sud-Ouest cotées en bourse (24 en Nouvelle-Aquitaine et 5 en Occitanie), la société Champeil comptabilise 12 cotations en recul au 1er trimestre 2023.

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L'attirance pour les gros gabarits : un effet de la guerre ?

Cette attraction marqués des investisseurs pour les plus gros gabarits boursiers a tendance en retour à rendre ces derniers beaucoup plus sourcilleux en ce qui concerne les petites et moyennes valeurs. Comme le souligne Axel Champeil, les fondamentaux boursier sont bons.

En particulier, serait-on tenté de rajouter, parce que la remontée des taux d'intérêts décidée par la BCE pour lutter contre l'inflation a tendance à rassurer les marchés financiers. Si cette baisse d'appétence pour les petites et moyennes valeurs cotées ne va pas provoquer de tsunami meurtrier, elle peut interroger. Car elle semble discrètement traduire une angoisse encore diffuse, non pas au sujet de l'inflation mais plutôt du développement de la guerre en Ukraine, avec d'éventuelles retombées en Europe de l'Ouest.

Introduite en bourse le 24 juin 2021, avec une importante augmentation de capital de 115 millions d'euros (pour une levée brute de 135 millions d'euros), Hydrogène de France SA (HDF Energy), fonctionne encore principalement comme une startup. La société bordelaise développe des infrastructures de production et de distribution en continu d'énergie renouvelable sous forme d'hydrogène vert grâce à l'utilisation de piles à combustible.

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Baisse du cours d'HDF : mieux expliquer l'activité...

Damien Havard, fondateur et dirigeant du groupe, a dès le départ averti que cette activité de développement de centrales à énergies renouvelable ne serait pas rentable avant au moins 2025. Sa première centrale devant être livrée en 2024. Mais tandis qu'HDF Energy vient de démarrer dans les délais, à Blanquefort (Bordeaux Métropole), la construction de l'usine qui va porter sa deuxième activité, la fabrication de piles à combustible de forte puissance, les investisseurs boudent le titre.

La valeur de l'action Hydrogène de France cotée en bourse est ainsi passée de 29 euros le 23 mai 2022 à 14,28 euros le 23 mai dernier, soit une chute de -50,7 %.

« Cette baisse du titre est une déception. Mais nous avons les moyens de notre développement. Nous n'avons pas à lancer d'augmentation de capital à court terme car nous avons les moyens d'investir. Cette érosion du titre n'a pas d'impact sur l'activité. Elle est néanmoins, je le redis, décevante, et nous allons nous appliquer à mieux expliquer ce que nous faisons. Les projets que nous développons nous inscrivent comme un acteur central du marché, avec des volumes d'activité importants à la clé et beaucoup de préparation, donc des temps longs », décrypte Damien Havard pour La Tribune.

... Un premier chiffre d'affaires à 3,4 millions d'euros

Le groupe girondin n'a pas vocation à collectionner les centrales à énergie renouvelables mais à monter et développer ces projets clés en main, avant de revendre tout ou partie des parts aux acteurs du marché de l'énergie. Sa première opération en Guyane (Ceog) n'ayant pas encore été bouclée, Hydrogène de France est à considérer comme une startup, avec beaucoup de cash brûlé, investi, et peu ou pas encore de chiffre d'affaires.

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C'est ainsi qu'en 2022 le CA du groupe s'est établi à 3,4 millions d'euros, correspondant (pour 3 millions d'euros) au montant de la revente au groupe Rubis d'une partie des actions d'Hydrogène de France dans RSB, la société qui développe la centrale de La Barbade. De fait, le groupe n'est pas encore rentable et affiche une perte nette de 384.000 euros au titre de l'exercice 2022 (contre -1,4 million d''euros en 2021). Si cela est décevant dans l'immédiat, ce résultat ne sort pas de la feuille de route initiale fixée par le patron d'Hydrogène de France. Qui annonce par ailleurs avoir investi dans une société balte pour développer le rétrofit des trains puis des navires, en substituant à leurs moteurs thermiques des piles à combustible à hydrogène vert.

Quand la crise internationale frappe à la porte des entreprises

Spécialiste de la chimie verte (extraction de principes actifs végétaux) Groupe Berkem, à Blanquefort, dirigé par Olivier Fahy, a de son côté beaucoup investi en croissance externe en 2022 mais aussi 2023. Innovant, ce groupe a tout d'un acteur de référence sur son marché. Avec un chiffre d'affaires de 51,8 millions d'euros réalisé en 2022, l'entreprise de 170 salariés a vu son activité progresser de +12,4 % sur un an. En revanche, comme de nombreuses entreprises, Berkem n'a pas échappé aux contre-coups de la crise internationale avec la flambée des prix des matières premières et s'est retourné dans le rouge, à -1,5 million d'euros. Son titre coté en bourse a baissé quasiment autant que celui d'HDF. Puisque l'action Berkem est passée de 9.19 euros le 23 mai 2022 à 4,15 euros le 23 mai : soit une baisse de -54,8 %...

« Le contexte géopolitique associé à la hausse généralisée de nos charges d'exploitation due à l'inflation que nous connaissons ont pesé lourdement sur nos marges durant l'exercice 2022. Malgré ces conditions adverses, nous avons poursuivi la structuration du groupe afin d'accompagner au mieux sa dynamique de croissance. Preuve de la résilience de notre modèle, Groupe Berkem est parvenu à retrouver le niveau de marge normative qu'il connaissait avant crise », recadre Olivier Fahy.

Mais ce dernier annonce, sans en préciser les contoursn un plan d'économie d'échelle pour redresser le groupe .

« Nous entendons ainsi renforcer en 2023 la rationalisation de notre structure de coûts en activant toutes les synergies offertes par nos récentes acquisitions. Aussi, forts d'une position de trésorerie préservée, nous conservons toute la latitude nécessaire afin de réaliser de nouvelles opérations externes et confirmons nos objectifs financiers pour 2024 », appuie le PDG.

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