Economie : comment la Nouvelle-Aquitaine parvient à se montrer résiliente

Les études croisées de la direction régionale de la Banque de France et de la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Aquitaine montrent la dynamique résiliente de l'économie néo-aquitaine. Si les difficultés ne manquent pas, les locomotives de l'activité, comme l'industrie, restent puissantes. L'inflation ne va pas disparaitre en quelques semaines et l'année 2023 pourrait être la plus dure : avec un fort ralentissement ou une mini-récession annonce le patron régional de la Banque de France. Avant un retour de l'embellie en 2024.
L'industrie a réussi a conserver sa cadence de production.
L'industrie a réussi a conserver sa cadence de production. (Crédits : GONZALO FUENTES)

Le bureau régional de la Banque de France, dirigé par Denis Lauretou, et la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Aquitaine, présidée par Jean-François Clédel, ont organisé ce jeudi 22 septembre à la Station Ausone de la librairie Mollat à Bordeaux une conférence-débat sur les perspectives de l'économie en Nouvelle-Aquitaine au mi-temps de l'année 2022. Intitulée "D'une crise à l'autre, rebond et résilience en Nouvelle-Aquitaine ?", elle a permis d'éclairer la trajectoire de l'activité économique régionale.

Lire aussiBanque de France : la croissance néo-aquitaine bridée par une pénurie de salariés

En articulant cette dernière dans un contexte mondial borné par les années 2020, avec l'explosion de la pandémie de Covid-19, et 2022, marquée par l'agression impérialiste russe contre l'Ukraine. Mais la Banque de France va au-delà de ces limites en proposant aussi un éclairage probabiliste poussé jusqu'à 2024. Denis Lauretou synthétise les trois dernières années clés en trois « R », pour « récession » en 2020, « rattrapage » en 2021 et « résilience » en 2022.

Un PIB revu à la hausse

"Les études montrent qu'en 2022 l'économie française est résiliente et que le PIB va continuer à progresser jusqu'à +2,6 %, contre la prévision à +2,3 % faite précédemment", souligne le directeur régional de la banque centrale.

Venant ainsi corriger des estimations plus pessimistes issues des marchés financiers, qui envisageaient avant l'été un effondrement du PIB et une hausse de l'inflation à +10 % d'ici décembre prochain en France. Les derniers calculs de la banque centrale situent l'inflation, via l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH /qui permet les comparaisons intra-européennes), à +5,8 % en cette rentrée 2022 contre +2,1 % l'an dernier à la même période.

Lire aussiInflation : Axel Champeil explique pourquoi elle a commencé à changer le paysage économique

La courbe va-t-elle continuer à grimper à la quasi-verticale pour atteindre la barre des +10 % d'ici décembre ? Cette hypothèse ne colle pas du tout avec les prévisions de la banque centrale. D'autant que cette dernière voit en 2023 l'inflation occuper un fuseau ne dépassant pas +6,9 %, soit entre +4,2 % et +6,9 %.

2023 : entre ralentissement et mini-récession

Il est bien clair qu'en ce qui concerne 2022, la banque centrale mise sur la résilience de la demande, gage d'une bonne tenue de l'économie tricolore. Même si les effets économiques délétères provoqués par l'invasion de l'Ukraine sont appelés à coaguler et à peser sur l'économie au cours du quatrième trimestre 2022. Ce qui pourrait perturber les calculs. La Banque de France rabaisse fortement ses prévisions de hausse du produit intérieur brut pour les trois premiers trimestres de 2023, la relocalisant dans un fuseau compris entre +0,8 % et -0,5 % !

"En 2023, nous aurons soit un ralentissement de la croissance soit une mini-récession", prévient Denis Lauretou.

Mais les probabilités reprennent des couleurs à l'horizon de 2024, grâce à un très net redressement du PIB, à +1,8 %, et un début de désescalade des prix, avec une inflation ramenée à +2,7 %.

"Nos prévisions sont fiables", insiste le patron régional de la banque centrale.

Une inflation qui va durer car elle a eu le temps "de diffuser"

Quant à savoir si l'inflation est conjoncturelle ou structurelle, si elle ne fait que passer ou va s'installer, Denis Lauretou répond "qu'elle est bien là". Qu'avec le choc de sortie de crise de 2020 et la surchauffe des prix qu'il a entrainé dès 2021, l'inflation s'est ensuite nourrie de la forte incertitude générée par la guerre en Ukraine. Avant "de diffuser", de l'industrie jusqu'aux services.

Denis Lauretou a toutefois rappelé qu'en France la situation est l'une des moins mauvaises à l'international, avec une hausse de +6,1 % de l'inflation (IPC/indice des prix à la consommation/ national) la France se trouve ainsi en queue de peloton derrière l'Allemagne (+7,5 %), l'Italie (+7,9 %), le Royaume-Uni (+8,2 %), les Etats-Unis (+8,5 %) ou encore l'Espagne qui, à +10,8 %, est au-dessus de la moyenne de la zone euro (+8,6 %). Ceci grâce au bouclier tarifaire, a éclairé le directeur régional de la Banque de France, qui a rajouté que les Pays-Bas ont une inflation à +13,6 %. Avec les transitions énergétique et numérique, Denis Lauretou a estimé qu'il y avait là deux moyens vertueux pour produire de la richesse.

Lire aussiÉolien offshore à Oléron : la contestation s'organise après le feu vert de l'exécutif

Lente remontée de la trésorerie des entreprises

Jean-François Clédel a de son côté ramené la focale sur le panel de chefs d'entreprises néo-aquitains, soit 3.800 dirigeants sondés au titre de l'enquête semestrielle de la CCI de Nouvelle-Aquitaine pour suivre de plus près l'évolution de l'économie sur le terrain. Le « Baromètre Eco » de la CCI pour le 1er semestre 2022 montre quatre courbes qui épousent presque toutes le même chemin. Il s'agit des courbes chiffres d'affaires, trésorerie, carnets de commandes et marges.

Toutes ces courbes plongent brutalement au-dessous de zéro à compter du 2e semestre 2019. Avec des dégringolades à près de -60 % au 1er semestre 2020 pour les chiffres d'affaires et les trésoreries, qui vont se mettre à remonter tout au long du 2e semestre 2020 et 1er semestre 2021. Mais alors que la courbe des chiffres d'affaires franchit à la hausse la barre du niveau zéro au cours du 2e semestre 2021, celle de la trésorerie connait un destin différent. Elle se rapproche ainsi de la ligne d'horizon du zéro mais ne parvient pas à l'atteindre : ni au 2e semestre 2021 ni au 1er semestre 2022... une barre que les dernières prévisions voyaient atteintes au 2e semestre 2022...

"Les entreprises en croissance ont des carnets de commandes remplis mais des trésoreries fragiles. Une situation qui témoigne du manque de robustesse de notre tissu économique", observe Jean-François Clédel.

Lire aussi« La lutte pour éviter les pénuries de main d'œuvre est notre première priorité » (Fabienne Buccio)

Des marges également sous forte pression

Les carnets de commandes ont de leur côté franchi à la hausse la barre du zéro dès le 1er semestre 2021, avec une prévision à la baisse mais au-dessus de zéro pour le 2e semestre 2022. La courbe des marges, qui était déjà au-dessous de zéro au 1er semestre 2019 n'est pas encore parvenue à franchir cette limite à la hausse et ne devrait pas y arriver au 2e semestre 2022 malgré sa trajectoire prévue à la hausse.

Au 1er semestre 2022, comme en témoigne la projection cartographique faite par la CCI de Nouvelle-Aquitaine, les entreprises de tous les départements de Nouvelle-Aquitaine, à l'exception de la Creuse, annonçaient des hausses de chiffres d'affaires. Ils étaient ainsi +20 % dans les Deux-Sèvres (par rapport au semestre précédent), +17 % au Pays basque, +15 % en Charente-Maritime et Corrèze, +14 % dans la Vienne et en Dordogne, +13 % en Béarn, +12 % en Gironde et Charente, +9 % dans les Landes, +4 % dans le Lot-et-Garonne et enfin -2 % en Corrèze. Au semestre suivant toutes les prévisions sur les chiffres d'affaires sont à la baisse, avec un maximum à +14 % dans les Deux-Sèvres et un choc inexplicable en Corrèze qui s'effondre à -12 %, ce qui a fait dire à Jean-François Clédel qu'il devait y avoir un biais statistique quelque part. Mais toujours en Limousin, la Creuse chute également de -12 %.

Lire aussiMedef Gironde : Jean-François Clédel laisse la présidence à Franck Allard

Energie : 20 % des entreprises sondées sont dans le rouge

Concernant le choc énergétique en cours, 8 % des entreprises sondées par la CCI de Nouvelle-Aquitaine disent que la hausse qu'elles subissent est supérieure à 100 %, 12 % qu'elle est comprise entre +50 % et +100 %, et 43 % qu'elle se situe entre +25 % et +50 %. Pour 37 % des entreprises cette hausse est inférieure à +25 %. Ce choc énergétique devrait pour 6 % des dirigeants mettre en péril leur entreprise, provoquer une baisse "très significative" de la rentabilité pour 27 % des sondés, qui sera "significative" pour 43 % des dirigeants. Enfin 24 % estiment qu'ils ne seront touchés que "faiblement". L'intensité réelle du choc énergétique, que certains annoncent déjà comme un nouveau krach, ne peut pas encore être connue mais elle va beaucoup compter dans l'orientation de la trajectoire du PIB et de l'inflation. Même si les problèmes du moment ne sont pas tous liés à l'énergie, loin s'en faut.

Ainsi, au mois d'août l'activité régionale a subi les pressions dues aux problèmes d'approvisionnement, à l'augmentation du prix des matières premières, bien sûr de l'énergie, mais aussi aux problèmes de recrutements. Ce qui n'a pas empêché l'industrie de maintenir ses cadences de fabrication, comme le dévoile l'enquête de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine menée auprès de 940 entreprises et établissements de la région. Tandis que la filière aéronautique profite d'une tendance très positive : l'évolution des entrées d'ordres comme le niveau des carnets de commandes restant favorables.

Le bâtiment plus touché que les autres secteurs

Les services marchands de Nouvelle-Aquitaine, relève la Banque de France, retrouvent leur dynamisme "particulièrement dans les transports, les missions d'intérim ou encore la réparation automobile". Ce qui n'empêche pas ce secteur d'être lui aussi concerné par des problèmes de recrutement. Le bâtiment reste l'un des secteurs les plus touchés en août par la crise, avec une baisse d'activité supérieure à la normale à cette période. Les carnets de commandes ont cessé de grossir et perdent en densité et les problèmes de recrutements demeurent. Bonne nouvelle : les tarifs des devis parviennent désormais à intégrer les hausses de prix des matières premières.

Lire aussiLe bâtiment tiraillé entre carnets de commandes pleins et pénuries de candidats et de matériaux

Si le niveau d'incertitude des chefs d'entreprise continue à augmenter, relève la Banque de France, en particulier quant aux risques de restrictions énergétiques, ils se montraient néanmoins optimistes en août par rapport à la rentrée. Les travaux publics restent sur une bonne dynamique même si leurs carnets de commandes ont tendance à mincir. Et les commandes venant des donneurs d'ordre privés comme publics sont à la baisse. La filière devrait pourtant bénéficier de l'impact des derniers événements climatiques et arrêtés de catastrophe naturelle induits sur les infrastructures.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.