Malgré une flopée d'agences d'intérim dans la région bordelaise, "force est de constater que très peu de personnes handicapées sont en emploi" souligne Marie Nadau pour La Tribune. Après l'ouverture d'une première agence en mai 2021 à Paris Saint-Lazare, Eric Chanel, le directeur général d'Handicap Intérim, décide de s'implanter en province. Il choisit Bordeaux, une ville dynamique mais aussi stratégique. En décembre 2021, c'est dans le quartier Belcier, dans l'espace de co-working Spaces, que s'est installée l'agence bordelaise. A ce jour, seule Marie Nadau est en poste en tant que recruteuse, commerciale et directrice. Elle guide 300 candidats en situation de handicap qui sont en attente de postes. Au premier semestre, dix d'entre eux ont trouvé un emploi. Un bilan qui paraît maigre mais que la directrice juge satisfaisant. En moyenne, seulement trois à quatre postes sont à pourvoir dans chaque entreprise pour ce type de public.
Depuis sa création en mai 2021, Handicap Intérim a formé et placé une cinquantaine salariés en situation de handicap n France, soit près de 6.500 heures de mission réparties en agents d'accueil, téléopérateurs, agents logistique ou commis de cuisine. Portée par APF France handicap et The Adecco Group, Handicap intérim s'engage à favoriser l'accès à l'emploi à des personnes ayant une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé). Une initiative qui s'inscrit dans l'objectif national "Cap vers l'entreprise inclusive" conduit par le ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion. Schizophrène, bipolaire, sourd, aveugle, handicapé lourd ou plus léger, "ils ont tous le droit de travailler et ils sont tous très motivés", témoigne Marie Nadau.
Refus de la grande distribution
Les candidats de l'agence Handicap intérim de Bordeaux sont accompagnés quotidiennement. La rencontre initiale est déterminante pour comprendre la problématique du postulant, définir précisément son projet professionnel et lui proposer un poste au sein d'une entreprise qui lui correspond, comme l'explique Marie Nadau :
"Les personnes avec lesquelles je travaille sont des personnes très sensibles, avec des problèmes d'anxiété et d'angoisse. On ne peut pas les mettre dans tous les environnements. Mais une fois la problématique bien posée, on peut tout leur proposer, tout type de postes. L'unique condition bien évidemment c'est que cela soit compatible avec leur handicap".
Ensuite, un travail important de pédagogie se fait en amont auprès des entreprises : "les rassurer est indispensable", prévient Marie Nadau. Préparation de commandes, manutention, secrétariat, administratif, de Mérignac à Sainte-Eulalie en passant par la rive droite, un panel de postes est à pourvoir.
Mais pendant que certains jouent le jeu, comme Keolis, SNCF, Boulanger ou Leroy Merlin, d'autres font mine de ne pas comprendre l'importance de l'inclusion professionnelle des personnes handicapées.
"J'ai déjà tenté de me rapprocher de la grande distribution, mais ils refusent ! Ils sont rebutés face à la question des contrats courts, à temps partiel ou à mi-temps. J'ai un peu de mal à comprendre cet argumentaire étant donné qu'ils fonctionnent énormément avec des contrats étudiants qui sont, pour la plupart, des contrats du même type", raconte Marie Nadau, atterrée par ce type de comportement.
L'autonomie, la clef pour travailler
Dès lors que le candidat dépose un CV et détient le document RQTH, il est en mesure de s'inscrire dans l'agence. Qui plus est, il doit être autonome. Venir rencontrer Marie Nadau seul, aller sur son lieu de travail, respecter des horaires, être d'accord sur les tâches du poste qu'on va lui proposer, s'intégrer à une équipe, l'autonomie est une qualité indispensable pour les employeurs.
Si le candidat coche toutes ces cases, on lui présente une mission.
"Nous avons mis en place un processus de recrutement adapté avec un suivi renforcé dans l'entreprise. Il y a d'abord une période d'essai de deux jours. Puis, on contacte le salarié et le manager une fois par semaine. Si cela se passe bien, alors on espace les appels. Enfin, je tiens à recevoir les candidats avant et pendant leur mission", explique Marie Nadau.
A noter que les contrats proposés sont majoritairement courts (une semaine), mais "on a la possibilité juridiquement avec le motif RQTH de renouveler ce contrat pendant 24 mois", complète-elle.
Et l'avenir ? Marie Nadau n'a pas d'objectif précis. Elle souhaite "pérenniser la relation avec les entreprises et leur montrer que tout est faisable". Une vision défendue également par Eric Chanel, qui souhaite étendre le projet à travers la France notamment avec l'ouverture prochaine d'une troisième agence en Normandie.
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