La croissance fracturée par la géographie en Nouvelle-Aquitaine

La croissance économique confirme son retour en Nouvelle-Aquitaine malgré l’apparition préoccupante de lignes de fractures géographiques entre la côte et l’intérieur pour l’activité, mais aussi le nord et le sud côté investissements.
La Gironde est un gros moteur économique régional et la croissance de Bordeaux Métropole commence à inquiéter.

C'est après la table ronde intitulée "Vers la confiance retrouvée ?" qu'a été donnée la note finale à l'analyse de conjoncture tirée du Baromètre économique de Nouvelle-Aquitaine, réalisé par le Conseil régional de l'ordre des experts-comptables (Croec) d'Aquitaine, en partenariat avec la CCI régionale de Nouvelle-Aquitaine et la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique (BPACA), dont les résultats ont été présentés ce jeudi matin au siège de la banque coopérative.

Tandis qu'Alexandre Salas-Gordo, président du Croec d'Aquitaine a estimé que malgré la bonne orientation de la tendance économique les entreprises devraient muscler leurs marges, Jean-François Clédel, président de la CCI régionale de Nouvelle-Aquitaine, s'est montré très prudent sur le sujet, se félicitant sans  excès de ce bon début de reprise économique.

Salas-Gordo

Alexandre Salas-Gordo

Remplacement du CICE : une bonne idée ?

Interrogés sur les annonces faites par le gouvernement en faveur des entreprises, les deux présidents ont là aussi émis un jugement balancé.

"Les mesures du gouvernement en faveur des entreprises vont dans la bonne direction mais elles sont très techniques. La baisse de l'impôt sur les sociétés c'est bien. Remplacer le CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi -ndlr) par des baisses de charges c'est très différent. Je me demande si ça va simplifier la procédure. En tout cas il n'y a pas de révolution fiscale. Mais c'est bon pour l'esprit d'entreprise" a nuancé Alexandre Salas-Gordo.

De son côté le président de la CCI régionale s'est montré un peu dubitatif.

"Remplacer le CICE c'est une bonne chose. On pouvait soit simplement supprimer le CICE, ce qui n'aurait pas été super, ou alors le remplacer par une baisse de charges. C'est la deuxième option qui a été retenue et c'est bien, mais il faudra une baisse réellement forte des charges pour que ça fonctionne, de l'ordre de 8% après impôts" a averti Jean-François Clédel.

Jean-François Clédel


Bonne progression du chiffre d'affaires

De nombreux indices semblent pourtant montrer qu'un virage a été pris. Depuis des années les analystes insistent à l'envi sur la rupture entre l'optimisme entretenu par les dirigeants à l'égard du futur de leur propre entreprise et leur pessimisme concernant l'économie nationale. Une tendance dépressive abolie pendant ce premier semestre 2017 puisque "56 % des chefs d'entreprises se disent confiants pour l'économie nationale" comme l'a souligné Martine Domecq, responsable de l'information économique à la CCI régionale, qui a présenté les résultats du baromètre en compagnie de Christian Prat dit Hauret, docteur et agrégé en Sciences de gestion, professeur à l'Institut d'administration des entreprises (IAE) de Bordeaux, et expert-comptable. L'an dernier le nombre de dirigeants néo-aquitains confiants dans l'avenir de l'économie nationale ne dépassait pas 30 %.

Ce baromètre comprend d'une part un sondage réalisé par les 14 CCI de Nouvelle-Aquitaine auprès de 3.858 chefs d'entreprises, avec un échantillon de population représentatif par territoire, secteur d'activité et tranche d'effectif. Et de l'autre la présentation d'informations très précises extraites de la base de données anonymisée des professionnels du chiffre, somme des flux télédéclarés par les experts-comptables. Il apparaît ainsi qu'au premier trimestre 2017 le chiffre d'affaires des entreprises néo-aquitaines a progressé de +2,7% sur un an (par rapport à la même période en 2016) et de +1,5 % au deuxième trimestre. Une évolution identique à la tendance nationale au premier trimestre et supérieure au second (+1,5 % contre +0,8 %).

Département à forte population active dans l'industrie, le département des Landes échappe à la baisse des investissements.

L'investissement s'effondre dans l'ex-Aquitaine

Des résultats positifs ce baromètre n'en manque pas mais deux faits potentiellement préoccupants ont été mis en exergue par Christian Prat dit Hauret. Il s'agit tout d'abord de l'écart marqué de la progression au premier semestre 2017 du chiffre d'affaires (sur un an) entre les entreprises situées dans les départements maritimes (+5,45%) et celles qui sont à l'intérieur (+2,44 %). Au bord de l'océan la croissance d'activité semestrielle des entreprises a ainsi été de +6,2 % en Charente-Maritime, +6,1 % en Gironde (vin non compris), +5,1 % dans les Landes et +4,4 % en Pyrénées-Atlantiques. Alors que dans les départements de l'intérieur le record de croissance semestrielle plafonne à +5,1 % en Charente, avec quatre valeurs négatives enregistrées au deuxième trimestre : -1,9 % dans les Deux-Sèvres, -0,6 % en Lot-et-Garonne et -0,2 % en Corrèze et Haute-Vienne.

L'autre élément préoccupant concerne l'investissement des entreprises. Alors qu'il se redresse nettement dans les ex-régions Limousin et Poitou-Charentes au deuxième trimestre 2017, toujours sur un an, il continue à baisser dans l'ex-Aquitaine, à l'exception du département des Landes. La baisse record de l'investissement des entreprises est enregistrée en Lot-et-Garonne, avec un investissement à -27,6 % par rapport à 2016, suivent ensuite la Gironde et la Dordogne (-6,1 %), les Pyrénées-Atlantiques (-3,9 %) et l'exception landaise, à +7,5 %. Les plus fortes hausses d'investissement au deuxième trimestre sont enregistrées dans le Limousin, avec +17,6 % en Haute-Vienne, +16,9 % dans la Creuse et +14,7 % en Corrèze. Poitou-Charentes est également positif, avec la Vienne (+10,6 %), Charente-Maritime et Deux-Sèvres (+10,5 %), puis Charente (+5,4 %).

Hasnaâ Ferreira, Hasnaâ Chocolats Grands Crus

Hasnaâ Ferreira

Pour trouver la confiance, il faut aimer

Si la nature structurelle de la divergence d'évolution économique entre les départements maritimes et ceux de l'intérieur ne semble faire guère de doute et appelle une correction politique, les orateurs ne se sont pas vraiment prononcés sur la coupure nord-sud concernant les investissements.

La table ronde titrée Vers la confiance retrouvée ?, introduite par Sandrine Redon, directrice de la communication de la BPACA, a permis d'écouter les témoignages de chefs d'entreprises : Hasnaâ Ferreira, créatrice à Bordeaux de la boutique Hasnaâ Chocolats Grands Crus, finaliste de Master Chef et Chocolatière de l'année 2017, Philippe Lassalle Saint Jean, directeur général de la Maison Meneau, à Bordeaux Darwin, qui fabrique des sirops de fruits bio mais aussi de la bière, et Jean-Michel Brunet, fondateur et dirigeant du parc à thème Défiplanet, près du Futuroscope (Poitiers) et créateur de nombreuses entreprises. L'histoire de chacun de ces trois dirigeants mérite plus que quelques lignes et c'est sans doute Hasnaâ Ferreira qui a donné la meilleure réponse au sujet de la table ronde.

"Si l'on aime ce que l'on fait on finit par avoir confiance, c'est comme une relation amoureuse" a-t-elle observé. Autant dire que, malgré les difficultés qu'elle a rencontrées, Hasnaâ Ferreira est restée amoureuse de sa chocolaterie.

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