"L’économie de demain sera verte ou ne sera pas"

Par Jean-Philippe Dejean  |   |  597  mots
Le recyclage des déchets devient une activité à part entière
L’économie circulaire est au centre du dernier rapport du Conseil économique social et environnemental régional (Ceser) d’Aquitaine. Ce modèle, qui réactive des pratiques anciennes, pourrait échapper à l’économie sociale et solidaire, dont il est issu.

"La consommation responsable est collaborative. C'est le cas lorsque plusieurs personnes utilisent la même voiture, avec le système du covoiturage, ou de la colocation pour l'accès au logement. Il s'agit de partager l'usage d'un bien, ce qui ramène à des pratiques anciennes et de bon sens, sur le fait par exemple qu'il faut éviter de gâcher " explique Alex Receveau, chef d'entreprise aquitain, animateur au Collège des hautes études de l'environnement et du développement durable (Ecole centrale).

Alex Receveau, qui s'exprimait ainsi lors de la présentation du rapport "L'économie circulaire en Aquitaine : état des lieux, atouts et perspectives de développement" s'est ensuite livré à un petit exercice critique sur cet objet collaboratif en voie de banalisation. "Le « co », on ne peut pas le généraliser. Je ne suis pas « co » mais les jeunes le sont, c'est une affaire de construction psychologique" a-t-il estimé.


Au-delà des déchets


Ce rapport, présenté mardi à l'hôtel de Région, a été réalisé par la section "Veille et prospective" du Ceser d'Aquitaine, présidée par Jean-Marie Gautheron, dont Alex Receveau fait partie au titre des "personnalités extérieures". L'économie circulaire ne se limite pas au recyclage des déchets et les variables qui l'influencent sont nombreuses, à commencer par la fiscalité et les comportements individuels.

"L'économie circulaire n'est ni une filière ni un concept limité au recyclage des déchets, il faut aller bien au-delà. C'est un mouvement que les pouvoirs publics doivent stimuler plutôt que d'essayer de le piloter, car l'économie circulaire implique beaucoup d'expérimentations" a relevé Jean-Marie Gautheron.

La prise de conscience du changement climatique et de l'épuisement des ressources est à la base de l'émergence de l'économie circulaire. "Si l'on devait en donner une définition simple, il suffirait de préciser que l'économie circulaire porte d'abord sur la consommation et ensuite la production" a souligné Alex Receveau. Avant d'illustrer son propos en revenant sur le "co" : quand le consommateur décide de ne plus être propriétaire mais utilisateur "le fabricant vend des services, c'est l'économie de fonctionnalité" a observé Alex Receveau.


Une écologie territoriale


Spécialiste du développement durable, Alex Receveau a toutefois pointé un danger lié à la réussite du modèle circulaire.

"Réparation, réemploi et réutilisation sont les 3 R de la sphère de l'économie sociale et solidaire. Le ferrailleur d'il y a 30 ans, qui était un des seuls recycleurs, est aujourd'hui devenu rentable, sans aucun lien avec l'économie sociale et solidaire. Et la récupération des vêtements commence à devenir une activité rentable : les associations solidaires se font dépasser, il faut être très vigilant" a averti Alex Receveau.

Ce dernier a appelé la Région à se doter d'une stratégique claire, déclinée en fonction des types de déchets, dont certains, comme les terres rares utilisées dans les téléphones portables, peuvent avoir un aspect stratégique à prendre en compte lors du recyclage. Interrogé sur le potentiel de l'économie circulaire dans un contexte capitalistique, Alex Receveau a appuyé sur le caractère territorial.

"L'économie circulaire, c'est immédiatement de l'écologie territoriale. La reconversion de Lacq est emblématique de l'écologie industrielle et territoriale" a-t-il jugé.

Ce dirigeant a également tenu à rappeler qu'une stratégie de collaboration était toujours longue à mettre en place entre les entreprises, qui évoluent dans un milieu concurrentiel, tout en prévenant : "l'économie de demain sera verte ou ne sera pas."