“L’Etat, qui nous fait les poches, ne lâchera rien”

Secouées par le plan d’austérité qui leur est imposé par le gouvernement, les CCI font plus que s’inquiéter pour leur avenir. Le cri du cœur, délivré ce matin par le président de la CCI de Bordeaux Pierre Goguet, en dit long sur l’état d’esprit des chambres consulaires qui n’attendent plus rien de l’Etat en général et de Bercy en particulier. C’est tout juste si elles espèrent avoir les moyens de prendre en main leur destin.
Pierre Goguet : "Parce que les CCI sont, ou ont toujours été gérées par des chefs d'entreprises, elles vont s'attacher à réviser leur modèle économique"

Le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux était, ce matin, l'invité du Petit Déjeuner interactif de La Tribune - Objectif Aquitaine, organisé en partenariat avec le Crédit agricole d'Aquitaine à l'Hôtel Mercure Cité mondiale à Bordeaux.

L'occasion pour le président, qui est également président de l'assemblée des CCI métropolitaines, de souligner la situation économique délicate des chambres de commerce et d'industrie du pays.

"Aujourd'hui, nous sommes tous loin des préoccupations de réorganisation des différentes CCI. Sous ma présidence, la CCI de Bordeaux ne considère pas que le découpage soit une priorité. Les atermoiements concernant les CCI du département, Bordeaux et Libourne, n'ont pas de raison d'être. Ce qui compte, c'est la problématique budgétaire qui nous touche tous !" souligne Pierre Goguet.
 L'Etat, qui manque cruellement d'argent, nous fait les poches. Bercy nous impose un régime qui va nous priver de 37 % de notre budget actuel, soit 55 M€ sur les trois ans à venir. Avec les coupes budgétaires passées, nous allons devoir faire face à une baisse de budget de 67 % !"

En clair : le gouvernement a décidé de réduire la part de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ce qui va entraîner une baisse de ressources des CCI de 200 M€, au lieu des 69 M€ que certains députés croyaient avoir obtenu pour laisser un ballon d'oxygène aux chambres de commerce.

A cette décision s'ajoute l'annonce par le gouvernement d'un prélèvement de 500 M€ en 2015 sur les réserves de ces CCI (après 170 M€ en 2014).

"Tous les amendements déposés par des élus TTC, toutes tendances confondues, ont été rejetés par le gouvernement. Il faut savoir être humble parfois... Nous n'obtiendrons rien. Si ce n'est d'être encore un peu plus prélevés dans les années qui viennent. Pour moi, la messe est dite. L'Etat, qui nous fait les poches, ne reculera pas."

Concernant les prélèvements sur les réserves des CCI, Pierre Goguet confirme son sentiment d'être victime d'un hold-up.

Des CCI en cessation de paiement, une procédure d'alerte à l'étude

"J'ai parlé de hold-up parce que la ressource des CCI était clairement fléchée. Elle n'était pas du ressort du budget de l'Etat qui ne reprend donc rien, mais ponctionne à hauteur de 1 Md€. Pour moi enfin, la ponction sur nos réserves, c'est une sanction à la bonne gestion... En plus, parce que nous avons tous investi ces dernières années, on va nous prendre de l'argent que nous n'avons plus forcément. Pour la CCI de Bordeaux, qui peut encore assumer cela, cela va coûter 4 M€ à régler en mars 2015, parce que l'Etat a calculé notre contribution sur une richesse qui date de 2012. Quand nous avons interrogé le gouvernement pour savoir comment nous allions régler si nous n'avions plus cet argent, on nous a répondu que nous pourrions... emprunter !"

Face à des situations financières de CCI plus compliquées, comme la CCI du Limousin qui annonce qu'elle sera en cessation de paiement dès le mois de mars prochain, ou encore les prélèvements de 10 M€ qui vont s'imposer aux chambres d'Angoulême et de La Rochelle, Pierre Goguet annonce :

"Etant donné que nous sommes tous solidaires les unes des autres, et que les difficultés des unes vont impacter, de fait, les CCI qui s'en sortent encore, nous réfléchissons sérieusement à la possibilité de lancer une procédure d'alerte !"

Socialement, l'impact des décisions gouvernementales n'est pas neutre.

"Sur 25.000 collaborateurs, les CCI vont devoir supprimer 7.000 postes. A Bordeaux, le budget 2015, qui sera déficitaire, intégrera la suppression de 25 postes. Les syndicats de salariés, normalement inquiets, ont été reçus par Monsieur Sapin. Ils se sont entendus dire que les CCI pouvaient gérer cela sans licenciements. Si cela continue, nous allons rendre les clefs aux préfets. Finalement, c'est peut-être cela, l'économie circulaire !"

Les CCI révisent leur modèle économique

Affirmant que les chambres consulaires envisagent de dégainer l'arme judiciaire pour contester la légalité des différents prélèvements, Pierre Goguet estime que les CCI ne sont pas tout de même résignées.

"Parce que les CCI sont, ou ont toujours été gérées par des chefs d'entreprises, elles vont s'attacher à réviser leur modèle économique. Certes, des prestations d'information resteront gratuites, mais certaines des prestations qui étaient gratuites, car couvertes par la TFC (Taxe pour frais de chambre), vont faire l'objet de contribution de la part des entreprises qui en ont besoin. Par exemple : les missions d'appui sur l'international, la transmission... Je ne sais pas quel écho vont avoir ces mesures auprès des entreprises qui pour beaucoup, souffrent et ont vu leurs marges baisser ces dernières années. Mais nous devons réagir car pour certaines chambres, comme celle d'Agen par exemple, la TFC représente à ce jour 80 % des revenus !"

Le compte rendu complet de l'interview sera disponible dans le prochain magazine de La Tribune - Objectif Aquitaine, dans les kiosques le 16 décembre.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 27/11/2014 à 18:06
Signaler
J'approuve totalement votre analyse et la partage avec mes relations professionnelles ! Je reste à votre disposition pour en parler de vive voix ou lors d'un entretien à Bordeaux. A vous lire , Respectueusement votre Alain

à écrit le 27/11/2014 à 16:48
Signaler
Les CCi ne sont pas des chefs-d(oeuvre de productivité. Pourquoi aujourd'hui laisser la gestion des Airports locaux ,des ports à ces organismes,qui n'ont pas la qualification des entreprises gestionnaires en ces domaines; Se vautrer dans les sémina...

à écrit le 27/11/2014 à 9:20
Signaler
25 000 personnes pour faire quoi? Il y a des administratifs qui ne comprennent plus les dépenses qu'ils génèrent..Je gage que 95% des entreprises ne les utilisent même pas..

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.