En battant le Stade de Reims ce dimanche 23 mai par deux buts à un, le Football Club des Girondins de Bordeaux (FCGB) a réalisé un petit miracle qui pèse lourd, puisqu'il permet au club au scapulaire de sauver sa saison sportive 2020-2021 en Ligue 1 en dissipant le spectre d'une relégation et en se payant le luxe de terminer 12e. En plus de la pandémie de Covid-19, qui a ruiné la fréquentation des stades, et l'effondrement de ses revenus de diffusion télévisuels, avec le fiasco de Mediapro, le FCGB doit compter depuis fin avril avec l'annonce du départ de son actionnaire unique : le fonds d'investissement américain King Street.
Dans ce contexte financier des plus précaires, où le club navigue à quelques encâblures de la cessation de paiement, les questions sur son avenir ou son absence d'avenir n'ont cessé de se multiplier. D'où l'impérieuse nécessité pour le FCGB de sauver sa saison sportive et d'éviter une relégation en Ligue 2, qui n'aurait fait que compliquer l'équation de sortie de crise. Et dans ce contexte psychologique des plus catastrophiques pour eux, les joueurs du FCGB entrainés par Jean-Louis Gasset ont réussi une authentique performance.
Pour la reprise, Bruno Fievet a créé le "Club du scapulaire"
Au lendemain de cette victoire sportive contre Reims, une étape cruciale s'est enclenchée pour le futur du club : celle de la remise à la banque Rothschild des lettres de candidatures des différents prétendants à la reprise du club, qui seraient au moins au nombre de trois selon le quotidien régional "Sud Ouest". La banque Rothschild étant mandatée par le FCGB pour trouver le repreneur le plus adapté aux fortes contraintes financières subies par le club de football.
Le conditionnel sur le nombre de lettres déposées est encore de rigueur puisque si certaines candidatures, comme celle de Bruno Fievet, ne font pas de doute, d'autres sont moins certaines. Fan des Girondins de Bordeaux, l'homme d'affaires Bruno Fievet, qui vit désormais en Suisse, avait déjà confirmé à La Tribune le maintien de sa candidature à la reprise du club, dès l'annonce du retrait de King Street du capital du FCGB, le 22 avril dernier. Bruno Fievet a depuis restructuré son pool d'investisseurs intéressé par la reprise du FCGB et annoncé le 13 mai sur Facebook la création du Club scapulaire, "qui regroupe des entrepreneurs bordelais".
Un projet qui fait aussi appel aux artisans et commerçants
L'entrepreneur, qui n'a pour le moment pas pu répondre à nos questions, précise avoir étendu le périmètre de son club à la région.
"(...) Ainsi un collectif s'est créé afin d'organiser sur toute la région Nouvelle-Aquitaine, avec des référents locaux, des sections composées d'artisans et commerçants, qui pourront acheter pour eux et leurs clients des abonnements au stade Matmut. Le club organisera les déplacements en bus en collaboration avec les référents des différentes sections pour faciliter l'accès au stade et leur offrir un bel accueil et faire vivre cette nouvelle communauté afin de les aider à profiter au maximum de l'expérience au stade (...)", déroule notamment Bruno Fievet dans sa déclaration en ligne.
Le chef d'entreprise souligne qu'il a sollicité de nombreuses collectivités et que ces contacts lui ont prouvés que, dès la première saison, il serait possible de vendre grâce à son plan entre 6.000 et 12.000 abonnements.
L'ancien président Stéphane Martin avec Pascal Rigo
Pascal Rigo, un Girondin du bassin d'Arcachon qui a fait fortune en Californie dans la boulangerie, est un autre candidat sérieux à la reprise du FCGB et aurait également fait connaître sa candidature hier après-midi à la Banque Rothschild. Pascal Rigo est dans cette opération appuyé par Stéphane Martin, banquier d'affaire devenu président du FCGB après le départ de Jean-Louis Triaud. C'est lui qui a préparé, pour le compte du groupe M6, la cession du FCGB au fonds d'investissement américain GACP, de Joseph Dagrosa.
Dirigeant d'un groupe suisse spécialisé dans les nouvelles technologies financières (FinTech) Elie Simon, palois et lui aussi fan des Girondins, aurait finalement retiré sa candidature de la liste et rejoint le groupe de Bruno Fievet pour le renforcer. Selon le quotidien régional « Sud Ouest » le troisième homme de cette affaire serait Didier Quillot, accompagné en l'occurrence par des investisseurs anglo-saxons et français.
L'hypothèse Didier Quillot, transfuge de la LFP à Mediapro
Ancien directeur général de la Ligue de football professionnel (LFP), Didier Quillot a quitté ses fonctions à la ligue au bout de quatre ans, en 2020, rappelle "Sud Ouest", pour rejoindre Mediapro. Société sino-espagnole avec laquelle il avait négocié, pour le compte de la LFP, le montant des droits de diffusion des matchs à la télévision. Mediapro a finalement échoué dans son projet et s'est effondré. Le contrat qui liait cette entreprise à la LFP a été cassé par la justice en décembre dernier. Selon « 20 Minutes », Didier Quillot représenterait un fonds européen, mais l'ombre de Mediapro pourrait ne pas l'avantager s'il se confirme qu'il est bien candidat.
D'autres noms circulent, dont celui d'un fonds d'investissement chinois, mais rien ne vérifie, à l'heure qu'il est, leur réalité dans ce dossier.
Une perte nette de 82 millions d'euros en fin d'exercice
Selon l'enquête publiée le 19 mai par le quotidien régional "Sud Ouest", qui a pu consulter les documents, la banque Rothschild aurait déjà envoyé aux trois premiers candidats à la reprise jugés crédibles une plaquette illustrée de présentation du FCGB, complétée par une analyse budgétaire du club depuis 2016, avec prévisions pour la saison 2021-2022 et feuille de route jusqu'en 2024. Au vu de ces documents, "Sud Ouest" précise que le FCGB va clôturer son exercice 2020-2021 avec une perte nette de 82 millions d'euros. Le FCGB aurait perdu 35 millions d'euros à cause de la déconfiture de Mediapro et de la perte des droits télévisés. D'autre part, l'étude confirmerait les excès de gestion commis lors de la reprise du club de football bordelais. La masse salariale serait ainsi passée à 42 millions d'euros en 2020 (joueurs et staff compris) contre 25,7 millions d'euros en 2017.
38 millions d'euros à 9,75 % à rembourser d'ici fin 2022
La reprise du Football Club des Girondins de Bordeaux s'est faite au travers d'un montage financier assez complexe, que La Tribune avait en son temps fait décrypter par des analystes financiers. Pour faire court GACP, le repreneur, qui n'avait pas les fonds nécessaires pour racheter le club bordelais au groupe M6, s'est allié au fonds d'investissement King Street, mais aussi à Fortress, qui a consenti un prêt de 38 millions d'euros assorti d'un taux d'intérêt de 9,75 %, à rembourser d'ici fin 2022....
Il existe bien un plan de sortie de crise qui reste soumis à de nombreuses inconnues. Difficile en effet de dessiner avec précision le paysage de l'après-King Street au FCGB, entre évolution des droits TV, de la pandémie, et des négociations du mandataire ad hoc du club avec les créanciers...
Les banquiers devraient suivre la reprise de loin
Selon les documents consultés par "Sud Ouest", le président Frédéric Longuépée a néanmoins échafaudé un scénario basé sur le versement d'un montant de droits TV 2021-2022 équivalent à celui de cette saison 2020-2021, jusqu'en 2024, et un retour partiel des spectateurs au stade, avec un taux de remplissage de 40 % au cours de la première moitié de la saison et 60 % pendant la suivante.
Contexte qui se solderait pour le FCGB par un déficit d'exploitation de 41 millions d'euros et un besoin de 38 millions d'euros en trésorerie. Dans tous les cas, les repreneurs devront avoir les reins solides, même si certaines dettes sont réaménagées voire effacées. Car les banquiers ont toujours eu horreur des résultats d'exploitation déficitaires. Cet indicateur comptable mesurant les profits réalisés par l'entreprise, pour une période donnée, à la seule force de son activité récurrente...
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