CRC : Vinexpo est-il la vitrine touristique de Bordeaux qui s'ignore ?

La Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine en est convaincue Vinexpo Bordeaux, salon professionnel international des vins et spiritueux, doit assumer sa fonction de locomotive du tourisme à Bordeaux Métropole.
Ouverture de Vinexpo 2017 : Patrrick Seguin, Alain Juppé, Jacques Mézard, l'éphémère premier ministre de l'Agriculture, et Guillaume Deglise.
Ouverture de Vinexpo 2017 : Patrrick Seguin, Alain Juppé, Jacques Mézard, l'éphémère premier ministre de l'Agriculture, et Guillaume Deglise. (Crédits : Appa)

C'est dans le cadre d'une enquête commune sur l'oenotourisme menée par la Cour des comptes avec les chambres régionales des comptes (CRC) que la CRC de Nouvelle-Aquitaine, présidée par Jean-François Monteils, a consacré un rapport, qui court de 2011 à 2017, à la société Vinexpo. C'est cette dernière qui organise à Bordeaux le salon biennal éponyme : elle est filiale de la Chambre de commerce et d'industrie Bordeaux Gironde (CCIBG). Depuis le bouclage du rapport de la CRC de Nouvelle-Aquitaine plusieurs changements ont été initiés dans la SAS Vinexpo.

Parmi les changements en cours à retenir : l'annonce du départ du directeur général de la SAS Vinexpo, Guillaume Deglise, qui va quitter la société, dont il était le patron opérationnel depuis cinq ans, à la fin de la prochaine édition de Vinexpo à Hongkong, du 29 au 31 mai prochains. Fondée en 1980 à Bordeaux, Vinexpo est assez rapidement devenu le salon international de référence dans le monde du vin et des spiritueux. Le rapport de la CRC, qui se polarise sur le prisme oenotouristique de Vinexpo, s'intéresse à cette entreprise parce qu'elle est une filiale de la CCIBG qui remplit elle-même des missions d'intérêt général.

Une SAS Vinexpo valorisée à 10 M€ ?

Si l'oenotourisme s'est développé tardivement dans notre pays "le vignoble bordelais constitue la première destination oenotouristique de France" rappelle le rapport de la CRC de Nouvelle-Aquitaine, qui confirme que les professionnels du secteur et les pouvoirs publics locaux ont mené des actions d'envergure sur le sujet, tout en soulignant "qu'il demeure encore des marges de progrès importants". La CRC insiste sur le fort attachement qu'entretient la CCIBG (dénommée CCIB dans le rapport) avec Vinexpo.

"Plusieurs étapes ont conduit à un renforcement conséquent du poids de la CCIB dans l'actionnariat de Vinexpo. La plus récente, intervenue en 2016, suite au rachat des titres appartenant auparavant à la Sopexa, a porté à 96,5 % la part de la CCIB dans le capital de Vinexpo. Cette cession, opérée dans le cadre de l'exercice du droit de préemption prioritaire, a mis en lumière la volonté de la chambre consulaire de conserver un niveau de contrôle élevé sur cette société", détaille la CRC.

Sans doute parce que, malgré les turbulences actuelles, le salon Vinexpo, qui a été exporté avec succès en particulier à Hongkong, reste une référence internationale et une bonne affaire.

"Le capital social de l'entreprise s'établit à 400.000 € et a été décuplé en 2012 par prélèvement sur le compte "reports à nouveau". Ce relèvement significatif du capital social ne rend, cependant, que partiellement compte de la valorisation de l'entreprise qui, sur la base du prix de cession des actions entre la Sopexa et la CCIB, avoisinerait les 10 millions d'euros", étaye ainsi le rapport.

Vinexpo s'est diversifié avec succès notamment à Hongkong et Tokyo.

Une direction d'entreprise bien organisée

Malgré l'énorme poids de la CCIBG au capital de Vinexpo, la Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine admet que l'entreprise, dotée d'un directoire et d'un conseil de surveillance est bien organisée.

"L'influence croissante de la CCIB sur sa filiale est en partie compensée par l'instauration d'une gouvernance à la fois souple et élargie. Le président de la CCIB exerce les fonctions de président de Vinexpo, ce qui a été le cas de M. Pierre Goguet entre 2011 et avril 2017, date de son remplacement par M. Patrick Seguin. Le président s'appuie sur un directeur général, poste occupé depuis 2013  par M. Guillaume Deglise. Ce dernier, membre du directoire depuis 2015, dispose de prérogatives importantes qui le conduisent de facto à assurer la direction opérationnelle de l'entreprise, bien que ses missions ne soient pas définies dans les statuts", déroule ainsi la CRC.

Côté chiffres, la chambre régionale des comptes estime que si la SAS Vinexpo est rentable ses résultats financiers sont en baisse. Salon biennal Vinexpo n'a lieu à Bordeaux qu'une année sur deux.

"Très concentré sur les exercices impairs, qui correspondent aux années où se tient le salon bordelais, son chiffre d'affaires a peu progressé entre 2011 et 2015 (+1 %) et avoisine les 16 M€. S'agissant des bénéfices, ils ont été réduits de moitié au cours de la période pour s'établir à près de 600.000 € en 2015... Cette évolution résulte à la fois de la hausse des charges (dépenses de location d'espace, de personnel, de communication, etc.) et de la stagnation des produits (recettes de location de stands essentiellement)", décortique ainsi la CRC.

Intensifier le nombre des rendez-vous d'affaires : un des axes porteurs de la stratégie de développement de Vinexpo.

De confortables dividendes

 La plupart du temps les bénéfices de Vinexpo ont été affectés au compte "reports à nouveau", qui remet à l'assemblée générale suivante la décision concernant leur affectation (distribution entre associés ou mise en réserve), mais pas toujours. La CRC donne des précisions.

"A plusieurs reprises au cours de son histoire, des dividendes ont été versés aux actionnaires, relève ainsi le rapport, la dernière opération en date (2 M€) a concerné l'exercice 2010 et a été l'objet de deux versements, dont l'un est intervenu en 2011. Ces distributions témoignent de la forte rentabilité des investissements opérés par les actionnaires dans cette entreprise."

Malgré tout la CRC maintient l'éclairage plutôt pessimiste de son analyse. "Les premières projections financières relatives à l'édition 2017 (de Vinexpo Bordeaux -NDLR) ne laissent pas entrevoir un rebond des bénéfices", observe ainsi la Chambre régionale des comptes. Le rapport ne nie pas pour autant que la filiale Overseas de Vinexpo, qui organise les salons de Hongkong et Tokyo (Vinexpo Nippon) soit de plus en plus rentable, ce qui lui a notamment permis de reverser 500.000 € de bénéfices à la SAS Vinexpo en 2010.

Vinexpo plombé par de trop médiocres infrastructures

Créateur puis leader d'un nouveau type de salon professionnel international haut-de-gamme centré sur les vins et spiritueux, Bordeaux Vinexpo a ouvert une nouvelle voie qui a fini par faire des émules agressifs, bien organisés, qui ont eux aussi trouvé le chemin du succès, au détriment des Bordelais. Après avoir introduit son lecteur à l'ère de la stagnation que connaît Vinexpo en France, avec environ 50.000 visiteurs pour 2.300 exposants, le rapport de la CRC pointe les difficultés logistiques auxquelles doit faire le salon bordelais, "qui peuvent nuire à son image "premium"". La CRC de Nouvelle-Aquitaine cite ainsi les organisateurs du salon selon lesquels "l'offre d'hébergement peine, surtout de par sa qualité, à répondre à la demande et aux attentes des participants, a fortiori en raison des hausses de prix qu'alimente le pic de fréquentation auquel cet événement bisannuel donne lieu".

Brexit Vinexpo

Le Brexit, dont il était question lors de cette conférence, fait plus que peur à de nombreux Bordelais, l'Angleterre ayant joué un rôle crucial pour la renommée des bordeaux.

Le rapport souligne aussi des dessertes aériennes ressenties comme insuffisantes par les organisateurs de Vinexpo entre Bordeaux, l'Allemagne, l'Asie et les Etats-Unis, et des transports en commun pas à la hauteur entre l'aéroport de Bordeaux Mérignac et le Parc des expositions de Bordeaux-Lac. Avec toutefois une amélioration majeure : celle de la liaison par tram entre Bordeaux centre et le Parc des expositions. Le hall 2 du Parc des expositions vient d'être rasé pour être bien mieux reconstruit. Et le hall 1 est lui aussi concerné par la rénovation.

L'Allemand ProWein a doublé Vinexpo Bordeaux

Une stratégie qui tombe à point nommé puisque l'état de ce réceptif était aussi analysé comme un point critique par les organisateurs de Vinexpo Bordeaux, ce qui entrainaient le déploiement par ces derniers de prestations de services supplémentaires à leurs frais (sanitaires, climatisation, etc.). La CRC relève que CEB (Congrès et expositions de Bordeaux), l'exploitant du site, relativise l'augmentation des coûts de location et met en avant les nouvelles potentialités qu'offriront à partir de 2019 les installations rénovées. Bordeaux a perdu sa place de leader européen sur son créneau au profit de ProWein, à Düsseldorf (Allemagne), qui, selon les organisateurs, a une dimension affaires plus marquée tout en coûtant moins cher et en bénéficiant d'infrastructures plus modernes.

La Chambre régionale des comptes pointe les efforts faits depuis 2015 par Guillaume Deglise pour reconquérir des parts de marché, en particulier avec "la recherche d'une plus grande convivialité (dégustations, soirées, meilleures offres de restauration) et dans une plus grande prise en compte des nouvelles technologies. Les premiers contours de l'édition 2017 laissent entrevoir une amplification de ce mouvement assortie d'une priorité forte donnée à la dimension business...", expertisent les magistrats financiers.

Air France - Vinexpo

Très gros client pour les bordeaux, la compagnie Air France-KLM ne fait pas que transporter des voyageurs, elle leur propose aussi du vin.

Un des trois plus gros salons en Région

Ensuite la CRC semble justifier le choix de Vinexpo Bordeaux dans le cadre de l'enquête nationale sur l'oenotourisme, cette manifestation (professionnelle) constituant pour Bordeaux "une importante vitrine touristique" qui compte parmi les 15 plus importants salons professionnels de France, et probablement les trois plus gros de province. Les magistrats financiers enjoignent les responsables de Vinexpo à mesurer l'image et le niveau de notoriété de Vinexpo en France et à l'étranger. Ils demandent aussi une expertise indiscutable des retombées financières générées par le salon international. La CRC pointe aussi, et peut-être surtout, une sorte d'unité de façade au sujet de Vinexpo.

"Il ressort aussi de ce contrôle que les relations entre Vinexpo et Bordeaux sont moins étroites et plus fragiles qu'il n'y paraît au premier abord. Le soutien des pouvoirs publics est diversement apprécié par les organisateurs, qui précisent ne disposer ni de subventions ni d'avantages en nature ni d'un soutien logistique gratuit", mitraille la CRC.

Ce a quoi la municipalité de Bordeaux et l'Office de tourisme et des congrès de Bordeaux Métropole répondent aux magistrats financiers que Vinexpo est une manifestation commerciale. Qu'à cela ne tienne, la CRC entend que les liens entre Vinexpo et Bordeaux soient resserrés « pour une meilleure attractivité touristique » : tourisme d'affaires et tourisme tout court participant à l'attractivité estiment les magistrats financiers.

Vinexpo a-t-il vocation à se rapprocher de l'Office de tourisme ?

Citant l'Allemagne comme exemple, la CRC propose en particulier la mise au point d'un contrat de filière qui se solderait par la création d'un véritable partenariat entre Vinexpo et l'Office de tourisme de Bordeaux Métropole. Dans la réponse qu'il a adressé à la CRC Patrick Seguin, président de la CCIBG et donc de Vinexpo, souligne tout d'abord de son côté que la position prééminente de la chambre consulaire au sein du capital de Vinexpo n'a pas de rapport avec une mission de service public. "Cette position de l'établissement public (la CCIBG -NDLR) à l'égard de la SAS Vinexpo n'a ni pour objet ni pour effet de confier à sa filiale des missions d'intérêt général, dont elle a seule la charge de par son statut".

Avant de critiquer de façon plus manifeste la démarche de la CRC.

"La SAS Vinexpo gère un salon professionnel dont la vocation est de favoriser les échanges entre opérateurs économiques de la filière vitivinicole, ses activités se situent donc entièrement dans le champ concurrentiel », prévient ainsi le président de la CCIBG. Pour ensuite alerter : « Nous sommes ainsi particulièrement attentifs à ce que par son contrôle et la publication intégrale éventuelle du rapport définitif, la CRC ne porte atteinte au secret de la vie des affaires en livrant aux concurrents, notamment étrangers, des informations stratégiques préjudiciables aux intérêts de Vinexpo et à son positionnement sur le territoire national notamment".

Ceci étant dit, Patrick Seguin fait ensuite un point sur l'évolution de la situation au sein de la SAS Vinexpo, et souligne que la dernière édition du salon a permis de poser les bases d'une collaboration plus active entre Vinexpo, son actionnaire, la CCIBG, et les pouvoirs publics, "dans le but de mieux promouvoir la destination Bordeaux.... et d'améliorer l'accueil des acheteurs sur le salon pour les éditions futures". Avec la création d'un groupe de réflexion à l'appui et un premier changement de date pour la prochaine édition de Vinexpo Bordeaux qui se tiendra du 13 au 16 mai 2019.

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Commentaires 2
à écrit le 22/05/2018 à 23:08
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Je suis assez halluciné par cette prise de position de la CRC. En ce qui me concerne, ayant suivi (de l'extérieur) l'aventure Vinexpo depuis le début, il me semble que l'objectif a été atteint : développer le business du vin, propager l'image de Bord...

à écrit le 22/05/2018 à 19:20
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vin bio, vin naturel, on a tellement à faire découvrir au monde en matière de vin que ce serait vraiment dommage de tout laisser aux hommes d'affaires bordelais. Le vin ça se respecte ça ne se spécule pas.

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