Quand l’éducation populaire joue du low cost

Proposer des tarifs de préparation au Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) inférieurs d’un tiers aux prix du marché pour l’ouvrir au plus grand nombre : c’est le choix fait depuis 1986 par l’association d’éducation populaire Arc en Ciel, à Bordeaux.
Alexis Trillard, directeur d'Arc en Ciel, à l'espace de coworking La Ruche à Bordeaux.

"La formation Bafa est de plus en plus chère. Il fallait la rendre plus facilement accessible par le prix, grâce à l'itinérance. Je suis le seul permanent d'Arc en Ciel, qui réalise un chiffre d'affaires de 100.000 euros par an, et a fait travailler 22 formateurs en 2016 sur 46 contrats, pour des missions de huit jours. Là où les autres organismes proposent des formations au Bafa en demi-pension à 450 € les huit jours, nous démarrons à 280 €. Pour les formations au Bafa en internat, nos concurrents sont à 600 € les huit jours et nous à 390 €. Nos animateurs travaillent huit jours d'affilé à raison de sept heures par jour. Ils perçoivent 465 € de rémunération pour 56 heures de travail, soit 9,69 € de l'heure en 2016", décrit Alexis Trillard, directeur d'Arc en Ciel, titulaire d'un DUT en Carrières sociales, d'une licence en Sciences de l'éducation et d'un master en Ingénierie de l'éducation.

Zéro subvention financière

Découvrir une stratégie low cost déjà vieille de 30 ans appliquée dans le milieu de l'éducation populaire pourrait faire douter certains militants associatifs mais Alexis Trillard, pas plus que les fondateurs de cette structure pionnière, ou que le président de l'association, Thibault Salviat, ne voient l'ombre d'une distorsion dans leur démarche. Pour ne prendre qu'un exemple, le directeur estime qu'il n'est pas courant que les animateurs, qui sont payés au barème fixé par la convention collective de l'animation, aient leurs 56 heures déclarées... La stratégie du low cost populaire d'Arc en Ciel repose sur d'autres ressorts que la rémunération.

"Nous pouvons proposer des prix plus bas parce que nous sommes itinérants. Je travaille à l'espace de coworking La Ruche, dans le bâtiment de La Philomatique à Bordeaux et Arc en Ciel utilise un garage pour stocker le matériel. Les prix que nous proposons découlent directement de notre modèle d'organisation et absolument pas de subventions, puisque nous ne percevons aucune aide financière. Ce serait contraire à notre démarche", avertit le directeur.

Générer des revenus récurrents

Le secret de l'association, qui forme de futurs animateurs de centres aérés ou de colonies de vacances, mais aussi les formateurs des animateurs, c'est d'avoir développé au fil du temps assez de partenariats avec les collectivités pour pouvoir générer l'activité nécessaire à son fonctionnement.

"La règle depuis le début de l'association c'est d'être totalement certains de nos revenus d'une année sur l'autre, sans rien devoir à personne. La récurrence de nos revenus vient des contrats qui sont renouvelés chaque année par nos partenaires, qui sont satisfaits du service, pour des périodes qui vont facilement de cinq à dix ans, décrypte Alexis Trillard. Les créateurs de l'association étaient originaires de Bordeaux et de Saint-Médard-en-Jalles, rembobine-t-il, et c'est avec cette commune que nous avons notre partenariat le plus ancien. A Saint-Médard on peut parler de subvention cachée puisque nous avons un accès gratuit à des salles et aux tarifs collectifs pour la restauration. En contrepartie nous réservons 50 % des places en formation Bafa organisées à Saint-Médard aux habitants de la ville. Tant que ce quota de 50 % de Saint-Médardais n'est pas atteint, le stage n'est pas ouvert à l'extérieur".

Pour conserver son indépendance, Arc en Ciel réduit au maximum ses frais fixes (DR).

L'arrivée à Bergerac

En plus de Saint-Médard-en-Jalles, l'association a développé des partenariats avec deux autres villes métropolitaines, qui sont Saint-Aubin-de-Médoc et Talence, après avoir été pendant dix ans liée à Bruges. Arc en Ciel va aussi dans le nord Médoc où elle est partenaire d'Hourtin, et même plus loin, puisqu'elle vient de conclure un accord avec Bergerac, en Dordogne.

"Pendant deux ans nous nous sommes aperçus que Bergerac, où la mairie recevait nos plaquettes, nous envoyait des stagiaires Bafa, que ce soit à Saint-Médard-en-Jalles ou à Bruges, ville avec laquelle nous étions alors partenaires. Alors on est allé les voir pour leur dire que ce n'était pas la peine de se donner tout ce mal, que nous pouvions organiser des stages chez eux. Ce qui sera le cas à partir de février prochain puisqu'ils vont loger nos formateurs dans un village vacances", dévoile Alexis Trillard.

En plus des collectivités partenaires, Arc en Ciel s'appuie sur un réseau de lieux de formation pour accueillir les stagiaires et qui sont l'Union Saint-Jean à Bordeaux, le lycée agricole Saint-Clément, à Cudos (Gironde), et la Maison familiale du Libournais, aux Eglisottes.

Ne pas booster le CA

L'association dispose aussi d'un point de chute en Pyrénées-Atlantiques pour l'approfondissement de la formation des animateurs à la montagne. Arc en Ciel, dont le conseil d'administration compte 10 administrateurs, et qui s'occupe de jeunes de 7 à 17 ans, emploie une méthode d'encadrement très interactive.

"Les plus jeunes sont dans l'attente donc ont fait des réunions avec eux pour savoir ce qu'ils ont envie de faire pendant une semaine, car nous sommes contre la suractivité. Les adolescents décident s'ils restent au lit ou s'ils sortent pour les activités. Ce qui n'empêche pas de monter des projets et même des séjours avec eux, en partant des moyens disponibles. C'est comme ça que nous préparons le prochain séjour à Barcelone d'un groupe de 14-17 ans", illustre le directeur.

L'association est désormais agréée pour intervenir sur l'immense territoire de la Nouvelle-Aquitaine, mais ne compte pas se laisser entraîner dans la course au chiffre d'affaires en gonflant le nombre de ses prestations.

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