"L'année 2020 a révélé toute la pertinence des startups issues de la deeptech"

"En Nouvelle-Aquitaine, des startups, notamment dans le secteur de la santé et de la e-santé, ont prouvé avec la pandémie leur capacité, ou en tous les cas leur ambition, à créer de la valeur. Elles réunissent à leur tête de vraies compétences très pointues", souligne Natalia Araujo, la déléguée à l'innovation chez Bpifrance en Nouvelle-Aquitaine. Dans un entretien à La Tribune, elle analyse le bilan des levées de fonds réalisées dans la région en 2020 et s'attend à voir émerger en 2021 de beaux projets dans la greentech, la transition écologique.
Natalia Araujo est déléguée Innovation chez Bpifrance Nouvelle-Aquitaine.
Natalia Araujo est déléguée Innovation chez Bpifrance Nouvelle-Aquitaine. (Crédits : Bpifrance)

LA TRIBUNE - Comment analysez-vous le classement des dix levées de fonds les plus importantes réalisées en 2020 en Nouvelle-Aquitaine ?

NATALIA ARAUJO - Bpifrance a mobilisé 500 millions d'euros dans toute la France en 2020 aux côtés des startups technologiques et d'innovation liées à la French Tech. C'est beaucoup plus que ce que nous avions fait en 2018 et en 2019 parce que nous étions persuadés que 2020 pouvait être une année où tout ne s'effondrerait pas, bien au contraire. On a donc mobilisé de nouveaux fonds et de nouveaux outils, notamment des obligations convertibles très utilisées en Nouvelle-Aquitaine. Dans la région, on pressentait que 2020 serait difficile mais serait néanmoins tirée, d'une part, par la santé associée au monde du numérique, un secteur très présent en France et tout particulièrement en Nouvelle-Aquitaine à l'instar de Lucine par exemple, et, d'autre part, par l'univers des fintech et de la cybersécurité où la Nouvelle-Aquitaine a aussi beaucoup de talents à l'image de Tehtris.

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En matière de santé, d'e-santé et de silver économie, la Nouvelle-Aquitaine est donc en passe de confirmer son savoir-faire ?

Oui tout à fait. Je retiens notamment la levée assez remarquable de Lucine qui a réuni 5,5 millions d'euros, un montant très important pour une société somme toute assez jeune et qui opère dans un secteur des outils numériques appliqués au médical qui était habitué à des montants plus faibles. Mais, au-delà de Lucine, l'année 2020 a confirmé le tropisme régional dans la santé porté par un domaine d'excellence médical et universitaire autour notamment de la cardiologie et de la neurologie. Cela révèle aussi toute la pertinence de ces startups issues de la deeptech et capables désormais de trouver très rapidement des marchés européens et mondiaux tout en se structurant d'un point de vue capitalistique plus vite qu'auparavant. C'est par exemple le cas de Treefrog Therapeutics. Cela démontre aussi une volonté, une ambition et une capacité à se différencier et à créer de la valeur.

On compte aussi dans ce classement 2020 quelques confirmations d'entreprises plus "anciennes" telles que Yooji, Synapse Medicine, Domalys, Activ'Inside, etc. Qu'est-ce que cela raconte sur la maturité de l'écosystème régional ?

On ne se rend peut-être pas compte, quand on est le nez dans le guidon, que l'écosystème de financement du capital risque en France devient majeur en Europe avec 5 milliards d'euros investis en 2020, soit davantage qu'en Allemagne et autant qu'au Royaume-Uni ! Cet écosystème, devenu très professionnel et qui s'est doté de fonds spécialisés, est mature et permet désormais aux entreprises de financer leurs ambitions plus facilement. Parallèlement, en Nouvelle-Aquitaine, certaines startups, notamment dans le secteur de la santé et de la e-santé mais pas seulement, ont aussi prouvé avec la pandémie leur capacité, ou en tous les cas leur ambition, à créer de la valeur. Ces jeunes entreprises réunissent à leur tête de vraies compétences très pointues de deeptech, de stratégie et de développement et sont donc désormais capables de convaincre de plus en plus d'investisseurs.

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Malgré tout, selon French Tech Bordeaux, le volume et le nombre de levées de fonds est en repli de l'ordre de -15 % en 2020 par rapport à 2019. Quelle lecture faites-vous de cette évolution et quelles sont les tendances que vous pouvez esquisser pour 2021 ?

C'est un chiffre qui ne doit pas tout résumer puisque French Tech Bordeaux a plutôt tendance à accompagner des startups dans le secteur des services numériques qui ont parfois encore du mal à convaincre des investisseurs avec des modèles économiques fondés, par exemple, sur des plateformes ou sur des logiciels en Saas [software as a service / logiciel en tant que service] en BtoC qui sont compliqués à valoriser alors même que les investisseurs se concentrent actuellement sur des sociétés très différenciantes.

Pour 2021, je m'attends à voir émerger de gros enjeux autour de l'univers de la greentech avec des entreprises qui sortent leur épingle du jeu, à l'instar de Materr'up et de son béton bas carbone. On devrait voir apparaître des acteurs qui vont se professionnaliser dans cet univers de la greentech au sens large : les matériaux de construction, le bâtiment intelligent, l'agroalimentaire et la limitation des intrants ou encore les matériaux bio-sourcés et la lutte contre les plastiques. Je suis convaincue que la Nouvelle-Aquitaine peut être bien positionnée sur ces secteurs là. Cela a commencé à se voir en 2020 et devrait se confirmer en 2021.

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