Automobile : Magna Powertrain Bordeaux rachetée par le conglomérat allemand Mutares

L'annonce du rachat de l'usine Magna Powertrain Bordeaux par le fonds d'investissement allemand Mutares rebat les cartes d'un dossier industriel girondin compliqué et jusqu'ici sans avenir. Ce nouveau repreneur a-t-il un plan cohérent, clairement arrêté et chiffré pour reprendre l'usine et ses 740 salariés dans de bonnes conditions ? L'intersyndicale pose d'ores et déjà ses conditions au futur repreneur tandis que les élus locaux expriment leur inquiétude.
Le groupe canadien Magna se sépare de sa filiale girondine.
Le groupe canadien Magna se sépare de sa filiale girondine. (Crédits : Herwig Prammer)

Une page se tourne pour l'usine Magna Powertrain Bordeaux (MPB) avec l'annonce, ce vendredi 23 septembre, de sa reprise par le fonds de retournement allemand Mutares, dont le siège social se trouve à Munich (Bavière). Filiale à 100 % depuis le 1er mars 2021 du groupe canadien Magna, à Aurora (Ontario), deuxième équipementier automobile mondial, dont le client ultra dominant est le groupe Ford Motor Company, l'usine MPB n'avait plus vraiment d'avenir.

Mutares déclare avoir "signé une offre irrévocable pour l'acquisition d'une usine de Magna à Bordeaux qui fabrique et assemble des boites de vitesses complète pour l'industrie automobile [...] L'usine, qui devrait générer un chiffre d'affaires d'environ 200 millions d'euros en 2022, emploie 740 personnes, a une grande expérience et un savoir-faire reconnu dans la production de transmissions haut de gamme pour l'industrie automobile".

Si le processus aboutit, la clôture de la transaction et un changement de nom devraient intervenir dès le premier trimestre 2023.

Dirigé par Robin Laik, qui en est le PDG, Mutares, a réalisé en 2021 un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros avec plus de 14.000 salariés. Si Mutares fonctionne comme un fonds de retournement, cette société est structurellement organisée à la façon d'un conglomérat. Avec des objectifs qui ne sont pas dissonants par rapport à la prise de contrôle de Magna Powertrain Bordeaux. Au moins sur le papier.

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Un fonds de retournement organisé comme un conglomérat

Coté sur le marché boursier de Francfort-sur-le-Main, présent dans plusieurs grandes métropoles d'Europe et pays étrangers, Mutares détiendrait une quarantaine de sociétés dans son portefeuille. Des possessions qui sont organisées en trois segments : automobile et mobilité, ingénierie et technologie, biens et services. Encore plus intéressant : Mutares souligne ne s'intéresser qu'à des entreprises en difficulté ou n'entrant plus dans la stratégie du groupe les possédant et ayant un vrai potentiel.

"Avec cette acquisition, nous démontrons une fois de plus notre capacité à acquérir des actifs de grands groupes. L'usine est bien outillée et positionnée pour bénéficier de plusieurs initiatives stratégiques de croissance à venir. Sur la base des capacités technologiques du site, nous prévoyons de développer de nouvelles activités en pénétrant sur les marchés des véhicules hybrides et électriques et en tirant parti des synergies avec nos autres participations dans ce secteur. Nous voyons donc beaucoup de potentiel pour cette activité au sein de notre portefeuille", commente Johannes Laumann, responsable des investissements à Mutares.

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Magna Powertrain Bordeaux aura-t-elle une seconde chance ?

Une analyse qui devrait mettre du baume au cœur des 740 salariés de MPB qui n'avaient jusqu'ici que peu de raisons de se réjouir. Car en 2019, de l'aveu même de sa nouvelle maison-mère Magna, cette filiale bordelaise située à Blanquefort (Bordeaux Métropole) était non rentable, dès sa reprise et n'avait aucune chance de pouvoir le devenir à moyen terme. Analyse qui avait poussé Magna à provisionner 59 millions de dollars américains pour perte et couvrir cet investissement hasardeux, officiellement dénoncé devant les actionnaires mais rendu nécessaire par l'alliance avec Ford.

Getrag Ford Transmission (GFT), devenue Magna Powertrain Bordeaux, est née de l'externalisation par Ford Aquitaine Industries (l'usine soeur de Blanquefort) de la fabrication des boites de vitesses destinées au petits modèles européens de la marque américaine, comme la Ford Fiesta. C'est pourquoi l'annonce de cette reprise rappelle celle de Ford Aquitaine Industries en 2009 par le fonds d'investissement allemand HZ Holding. Quand Ford avait décidé de se débarrasser de FAI : son unique filiale fabriquant depuis l'étranger de boites de vitesses automatiques 6F35 pour le marché américain.

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Mais hormis brûler l'argent de Ford laissé dans les caisses de FAI pour faciliter la reprise de l'usine, HZ Holding n'avait honoré aucune de ses promesses ni lancé le moindre nouveau projet industriel, malgré les aides publiques prête à être débloquées et la mobilisation des élus. Mobilisation qui avait forcé Ford à reprendre FAI et à revenir à Blanquefort ! Mutares, qui se traduit du latin par « tu changerais », affiche un tout autre profil que la douteuse HZ Holding et semble mettre en avant une cohérence que les dirigeants de Magna, qui avaient décidé de ne plus investir en Gironde, avaient sans doute oublié.

L'intersyndicale déjà l'arme au pied

Dans un communiqué publié ce vendredi 23 septembre, l'intersyndicale CGT-FO-CFTC-CFDT de Magna Powertrain Bordeaux réagit à cette annonce et pose ses conditions au futur repreneur.

"Nous, organisations syndicales de Magna PT Bordeaux CGT, FO, CFTC, CFDT, usine Ford du site de Blanquefort, apprenons aujourd'hui que notre usine est vendue par le groupe Magna, propriétaire à 100% depuis mars 2021, à Mutares, holding spécialisée dans le rachat d'entreprises en difficulté. Cette vente aura lieu le 31 décembre 2022. Echec de Magna quant à la reconversion du site ou stratégie de Ford pour liquider notre entreprise à moindre coût. Si Magna, depuis son rachat, a toujours clairement affirmé que le groupe n'investirait jamais à Bordeaux, Ford, en revanche, s'est engagé sur un contrat commercial jusqu'en 2027.

Nous attendons donc de Ford qu'il maintienne son engagement sur le site de Blanquefort jusqu'en 2027. Si certains projets ont été développés par nos ingénieurs en interne, équivalents à un effectif d'une centaine de personnes, pour compenser la baisse des volumes Ford, programmée depuis 2018, nous attendons de Mutares, l'arrivée concrète de nouveaux projets, afin de maintenir l'effectif actuel situé aux alentours de 720 personnes. En cas de nouvel échec, de Mutares cette fois, nous attendons de Ford qu'il assume clairement la fermeture du site de Blanquefort, à hauteur du plan social de Ford Aquitaine Industries 2019, soit 200 millions d'euros pour un effectif équivalent.

Ainsi que la dépollution du site liée à 40 années de production et de profit Ford. Nous, organisations syndicales de Magna PT Bordeaux CGT, FO, CFTC, CFDT voteront ce lundi 26 septembre une expertise pour connaitre les détails de la cession et les intentions concrètes de Mutares. Ce jeudi 29 septembre, un échantillon de la direction de Mutares sera présent sur le site de Blanquefort".

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De leurs cotés, les élus métropolitains ont également réagi ce vendredi pour exprimer leur "inquiétude face à l'avenir de l'usine Magna à Blanquefort" :

"Bordeaux Métropole et la ville de Blanquefort prennent acte de la situation qui a été annoncée aujourd'hui, sans aucune information préalable et qui s'inscrit dans le prolongement d'une série noire sur la zone industrielle de Blanquefort. Bordeaux Métropole demande que ce site, qui génère plus de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires par an et qui bénéficie d'un savoir-faire reconnu dans le monde des équipementiers automobiles, puisse avoir un avenir. Les institutions locales feront preuve de la plus grande vigilance quant au projet industriel qui sera présenté et au dialogue qui sera mis en place avec elles. Elles seront également particulièrement attentives aux impacts de cette décision notamment sur l'emploi puisque 740 salariés travaillent actuellement sur ce site."

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