Métallurgie : comment recruter 7.500 personnes par an en Nouvelle-Aquitaine ?

Les profils formés ne correspondent pas à ceux qui sont attendus par les chefs d'entreprise et les responsables des syndicats patronaux et salariés, appuyés par le cabinet Katalyse, ont esquissé des solutions. Avec l'appui de la Région, dont Alain Rousset a souligné l'implication et le potentiel bridé par la centralisation.
Des campagnes de communication ciblées en fonction des métiers.
Des campagnes de communication ciblées en fonction des métiers.

Le rapport Commete (Compétences, mutations, métiers et transition des emplois en Nouvelle-Aquitaine) réalisé par le cabinet Katalyse pour le compte de l'UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) de Nouvelle-Aquitaine a été réalisé et rendu public, en présence de Xavier Esturgie, vice-président-délégué général de l'UIMM Gironde-Landes/UIMM Aquitaine et de nombreux syndicalistes, juste avant le lancement par l'UIMM de la campagne de communication nationale sur l'image de l'industrie.

Lire aussi : D'ici 2027 la métallurgie néo-aquitaine va devoir recruter jusqu'à 30.000 salariés !


Portée par le titre générique "Je fabrique mon avenir",
en référence à l'accroche "La fabrique de l'avenir" lancée il y a deux ans pour rafraîchir l'image de l'UIMM, cette campagne de communication va se dérouler du 2 au 7 décembre. En même temps que la Semaine de l'apprentissage dans l'industrie, au cours de laquelle le pôle formation UIMM Nouvelle-Aquitaine/CFAI Aquitaine ouvrira ses portes. Comme la soulignée Cécile Collot, du cabinet Katalyse, lors de la présentation de l'étude Commete, les besoins du secteur sont importants, de l'ordre de 7.000 à 7.500 recrutements par an jusqu'à 2027 et l'offre ne correspond pas à la demande.

2.500 ouvriers recherchés mais juste 1.500 disponibles

Alors que le secteur de la métallurgie néo-aquitain a besoin de recruter 2.300 à 2.500 salariés de niveaux 3 et 4 (ouvriers qualifiés) chaque année pendant cette période, le système éducatif n'en proposera que 1.400 à 1.500. L'écart est également important du côté des salariés de niveaux 5 et 6, ceux des techniciens et agents de maîtrise (TAM), la branche régionale de la métallurgie en attendant 1.300 à 1.400 par an, alors qu'ils ne seront pas plus de 600 à 700 à sortir de formation initiale. Il est enfin encore défavorable en Nouvelle-Aquitaine pour les niveaux 7 et 8, ceux des ingénieurs. Alors que les entreprises en auront besoin de 1.000 à 1.100 par an, ils seront 700 à 750 à sortir de formation avec une spécialité métallurgie.

 Spot de la nouvelle campagne de sensibilisation nationale

Dans sa synthèse l'étude Commete préconise ainsi de s'appuyer notamment sur la formation continue pour capter de nouveaux profils et booster les recrutements. Une stratégie qui varie selon les profils recherchés. Commete explique ainsi qu'il vaut parfois mieux jouer dans les entreprises sur la promotion en interne de certaines fonctions que de recruter. Ce qui est le cas pour les techniciens méthodes, type de poste pour lequel Commete incite à former en interne "de la production vers la méthode", en accompagnant les salariés par la formation.

Des stratégies en fonction des métiers

L'étude met par contre en avant des démarches volontaristes de recrutement en externe pour les postes d'usineur/opérateur de machine à commande numérique et chaudronnier/soudeur, en améliorant l'attractivité du métier auprès des demandeurs d'emplois et des publics en reconversion. La stratégie est comparable pour les pilotes de ligne de production, pour lesquels l'étude Commete appelle à proposer des parcours inter-industries, soit un socle de formation commun additionné de spécificités selon les secteurs qui recrutent.

Cette nécessité d'amélioration de l'attractivité du métier reste centrale pour les postes d'ajusteurs-monteurs, monteurs-câbleurs/câbleurs (où l'adéquation de la formation par métiers est bonne), techniciens test électronique (offre de formation à ajuster), peintres industriels (touchés par une carence dans l'offre de formation), opérateurs de traitement de surface (avec plus d'offres de niveau bac Pro et BTS) ou encore technicien de maintenance. Cet élargissement du cercle de recherche des candidats au recrutement doit s'étendre hors industrie et englober des salariés et des chômeurs éloignés de l'emploi. Sachant, entre autres, qu'il est encore mieux de renforcer les acquisitions de compétences industrielles fondamentales dès le cursus initial.

Alain Rousset

Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

La métallurgie n'est plus salissante comme avant

Tous membres de la Commission paritaire régionale de l'emploi et de la formation professionnelle (CPREFP), les syndicalistes patronaux et salariés ont éclairé la situation à leur manière. Claude Le Floch (CFE-CGC) a ainsi estimé que l'image que projette désormais l'industrie n'est plus celle d'hier, soulignant "nous aimerions que beaucoup de femmes viennent dans l'industrie", expliquant par exemple que la production additive n'a plus rien à voir avec le laminage métallique. "Les particules ne sont plus éjectées dans l'air mais rajoutées à la pièce que l'on fabrique" a-t-il illustré.

Avant de s'étonner du manque de sensibilisation des chefs d'entreprises à la cybersécurité.

"C'est une catastrophe, seuls 30 % des chefs d'entreprises sont sensible à ça, alors que la concurrence internationale n'hésite plus à utiliser les cyberattaques pour casser à distance les outils des entreprises qui les gênent !"

Philippe Martin (FO), venu de Tulle (Corrèze), a rappelé qu'il était toujours difficile de faire venir des jeunes à la campagne, notamment parce que la situation des transports collectifs y est compliquée, avec un service très insuffisant pour coller au territoire. Ce qui ne facilite pas le développement de la formation.

Pas facile d'anticiper pour créer des diplômes

Delphine Lhostis, secrétaire générale de l'UIMM du Limousin, n'a pas tergiversé.

"On pense déjà au coup d'après, a-t-elle lancé. Qu'il faille élargir le sourcing pour trouver davantage de salariés, on s'en doutait. La Région, a-t-elle poursuivi, a un rôle important à jouer dans l'accès à la formation professionnelle et Pôle emploi, qui fait du très bon travail, également. Mais il ne faut pas oublier de travailler aussi sur l'offre de formation".

La figure du sidérurgiste exposée aux feux de l'enfer ne serait elle aussi plus ce qu'elle était.

Alain Rousset, président de Nouvelle-Aquitaine, ne pouvait pas rester insensible à ces arguments. Après s'être félicité de la relance du dialogue public-privé, en faveur duquel il s'est toujours beaucoup investi, le président de Nouvelle-Aquitaine a souligné qu'il n'est pas facile d'anticiper sur les besoins du monde industriel pour créer de nouveaux diplômes, dans les lycées professionnels, les centre de formation d'apprentis, dans les cursus BTS ou ingénieur. Ce qui n'empêche pas la Région d'être impliquée dans la création de quatre nouvelles écoles en aéronautique et transport en particulier.

Territoires d'industrie : un tour de passe-passe

Alain Rousset réfléchit aussi aux nécessaires relations avec leur environnement immédiat que doivent entretenir les entreprises.

"Comment je dé-isole le chef d'entreprise ? Comment je « clusteurise », je « grappise » (le sens du mot anglais cluster étant grappe - NDLR) devrais-je dire... En France nous avons un vrai problème : c'est la centralisation. Ce n'est pas simplement politique puisqu'on la retrouve partout, y compris dans les syndicats de salariés et de patrons. Quand je dis que l'emploi ça doit être réglé à l'échelle des régions (et pas nationale - NDLR), le lendemain j'ai une grève des agents. Mais enfin, c'est incroyable ! Et là l'Etat vient d'en remettre une louche avec le programme Territoires d'industrie (qui doit flécher 1,3 Md€ vers 146 territoires - NDLR). Cela ne mène à rien, c'est du bonneteau (jeu de dupe de l'ordre de l'escroquerie selon Wikipédia - NDLR)" s'indigne le président de Nouvelle-Aquitaine.

Et puis devant l'assistance de syndicalistes salariés et patronaux de l'UIMM, Alain Rousset a ensuite revêtu non pas le traditionnel bleu de chauffe mais une tenue de combat plus proche du gilet jaune.

Les milliards d'euros de cout du mouvement des gilets jaunes

Gilets jaunes : la menace de l'explosion sociale

Quelle que soit la pression fiscale, on peut s'enrichir en France

"On a confondu compétitivité et cupidité ! Le patronat américain quitte désormais loft pour loft la zone (ultralibérale -NDLR) de l'Ecole de Chicago, de Reagan, pour dire ma priorité ce sont mes salariés, mon territoire et pas les super profits. Parce que cette cupidité donne une mauvaise image de l'entreprise et de l'usine face à des gens qui cherchent désormais du sens dans le travail. Comme ce jeune Polytechnicien qui lors d'un entretien a d'abord voulu savoir si l'entreprise appliquait le congé parental mais aussi quel était son rapport à l'enjeu environnemental" a recadré sans chichis le président de Nouvelle-Aquitaine.

Avant de poursuivre dans cette même veine de critique sociale où une fois de plus Alain Rousset, plus Girondin que jamais, a pointé du doigt le centralisme.

"Et que l'on ne vienne pas me dire que, quels que soient les niveaux de la fiscalité, il n'est pas possible de s'enrichir dans ce pays ! Regardez ce qui s'est passé avec les Gilets jaunes. La société risque d'exploser. Et un pays centralisé comme le nôtre fait la révolution et pas des réformes, comme les pays décentralisés... La non prise en compte de la pénibilité pour le calcul de la retraite, c'est très négatif. Comment voulez-vous recruter, dans ce contexte ? Et puis on ne peut pas travailler à 60 ans comme à 40, enfin c'est dingue !" a-t-il dénoncé.

La réforme des CFA ? "Une incompétence"

Concernant les difficultés territoriales d'accès à la formation, voire aux aides publiques, le président de la Région s'est montré très clair. Soulignant que plus de 50 % des entreprises qu'aide chaque année le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine sont des très petites entreprises (TPE) de moins de 10 salariés. Les usines sont désormais majoritairement installées à la campagne a observé Alain Rousset, qui a enchaîné pour dire tout le mal qu'il pensait de la réforme Pénicaud, qui va selon lui redéployer les centres de formation d'apprentis (CFA) vers Paris et les pousser à abandonner les campagnes.

"La réforme Pénicaud c'est de l'incompétence, presqu'une perversité ! Avec cette réforme tous les grands groupes vont faire leurs CFA à Paris" a-t-il averti.

En termes d'aménagement du territoire, le président de Nouvelle-Aquitaine, qui a rappelé qu'il avait doublé le budget pour la desserte des petites lignes ferroviaires, a annoncé que la Région envisageait de transformer le technicentre SNCF de Saintes (Charente-Maritime) en un ferro-campus, avec des opérateurs du transport ferroviaire comme le groupe canadien Bombardier, auquel la Nouvelle-Aquitaine achète désormais ses trains express régionaux (TER).

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