Ford Aquitaine Industries : la bataille des machines se profile à l'horizon

Ford va se retirer de sa filiale Ford Aquitaine Industries et c’est désormais officiel depuis la réunion d’hier lundi à Bercy. Malgré cela, tout n’est pas perdu et le groupe Punch, seul en lice pour la reprise de FAI, ne disparaît pas. Rejeté par Ford, il resurgit dans le scénario d’une poursuite d’activité. L’intersyndicale FO, CFE-CGC, CGT prévient le ministre de l’Economie et des Finances que s’il ne fait rien pour sauver l’usine, qui est encore celle de FAI, il va perdre celle de Getrag Ford Transmissions.
L'intersyndicale de Ford Aquitaine Industries refuse de s'avouer vaincue.
L'intersyndicale de Ford Aquitaine Industries refuse de s'avouer vaincue. (Crédits : J. Philippe Déjean)

Aucun plan B n'est sorti de la réunion d'hier lundi organisée à Bercy entre l'intersyndicale de Ford Aquitaine Industries (FAI), FO, CFE-CGC, CGT, accompagnée d'élus, d'un côté, et le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Ce dernier n'a pas réagi le vendredi 22 février à l'information diffusée la veille par voie syndicale sur le rejet par Ford du nouveau plan de reprise de FAI présenté par Punch. Une information qui venait apparemment de son ministère. C'est donc hier lundi que Bruno Le Maire a une nouvelle fois dénoncé (à la suite du 13 décembre 2018) la stratégie du groupe Ford envers sa filiale girondine. Des manœuvres dénoncées par l'intersyndicale, qui se désole de l'absence d'efficacité de Bercy sur ce dossier.

"Nous tenons à marquer également notre plus grande déception quant à l'impuissance de l'Etat à faire aboutir le projet de reprise, pourtant jugé « crédible et solide ». Nous avons de notre côté fait tout ce qu'il fallait pour donner les meilleures chances à une reprise, en acceptant des reculs sociaux importants après de très longues heures de négociation et en faisant preuve de responsabilité tout au long de ces derniers mois et ce malgré le comportement inadmissible de Ford", résument les trois syndicats.

La certitude que Ford a torpillé la reprise de FAI

Le départ de Ford est acté même si son plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) n'est pas encore homologué par la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi) de Nouvelle-Aquitaine ce qui devrait être fait d'ici le 4 mars. "Bruno Le Maire a très bien compris le message de Ford et reconnu que le constructeur automobile américain avait torpillé la reprise de Ford Aquitaine Industries", confirme Jean-Michel Caille, délégué syndical CFE-CGC à FAI. Ce sabotage par le groupe Ford de la reprise de sa filiale FAI par le groupe Punch, officialisé par le ministère, donne la mesure de la situation. Le fait que Ford mette en avant la qualité de son PSE n'y change rien.

"Nous sommes conscients des conséquences de la décision de l'arrêt de la production pour nos salariés, leurs familles et pour la communauté locale. C'est pourquoi FAI a présenté un plan social complet qui comprend notamment des plans de reclassement et de cessation anticipée d'activité ainsi que d'autres mesures destinées à aider les salariés à retrouver un emploi ou à poursuivre d'autre opportunités de carrière, qu'il s'agisse de créations d'entreprise ou de formations de reconversion", a fait savoir hier soir le constructeur automobile via sa filiale Ford France.

La piste de la revitalisation ne tente personne

Une déclaration que la CGT de FAI décode à la lumière des derniers événements.

"L'attitude de Ford, son cynisme, ses profits, l'argent public détourné, son communiqué du jour qui sonne comme un cri de victoire, oui Ford devrait réussir à fermer son usine, depuis le temps quand même ! Oui tout cela nous révolte", tonne le syndicat de la confédération. Mais l'élément qui inquiète le plus c'est bien sûr la sensation d'incapacité à agir qui semble émaner du ministère de l'Economie et des Finances, et plus largement de l'Etat, pourtant très impliqué dans ce dossier. Il est vrai qu'en matière de sinistres industriels Bruno Le Maire ne manque pas de travail.

La piste de la revitalisation, qui passe par la dépollution du site et sa préparation éventuelle à une autre activité ne convainc pas, parce qu'elle implique de vider l'usine de toutes ses machines, ce qui mettrait un point final définitif à toute tentative de poursuivre une activité industrielle centrée sur les boîtes de vitesses automobiles dans l'usine. Et sur ce terrain aussi Ford donne l'impression de vouloir continuer à enfumer syndicalistes, élus et ministère. A cause de la chute de son communiqué officiel, qui semble tout dire sans s'avancer sur rien. "Nous travaillons également avec les autorités de l'état sur un vaste plan de réindustrialisation destiné à réduire l'impact sur la collectivité locale et nous partagerons davantage d'informations lorsque les détails seront finalisés", conclut ainsi Ford France.

La Région Nouvelle-Aquitaine en première ligne ?

L'intersyndicale continue à croire en la viabilité d'une activité industrielle en tant que sous-traitant dans l'industrie automobile.

"Le taux de pénétration des boîtes de vitesses automatiques (BVA)va croissant, notamment avec le succès des SUV (voitures 4X4 -Ndlr) très majoritairement équipés de BVA, et le marché va être tiré par l'hybridation des véhicules. De surcroît, les constructeurs et les équipementiers de rang 1 vont concentrer leurs investissements sur les motorisations hybrides et électriques dans les années à venir, et vont avoir de plus en plus recours aux sous-traitants pour les transmissions conventionnelles", défend l'intersyndicale FO, CFE-CGC, CGT.

En confirmant la création d'un groupe de travail qui va réfléchir au lancement d'une nouvelle activité industrielle sur le site FAI, auquel seront associés syndicalistes, élus des collectivités et services de l'Etat, Bruno Le Maire laisse entrouverte une petite porte sur le futur.

"Un groupe de travail être prochainement mis en place. C'est la Région Nouvelle-Aquitaine qui devrait avoir le lead sur ce dossier, qui pourrait permettre de sauver 200 à 300 emplois, à condition de trouver un industriel. Pour que cette option puisse fonctionner il faut lancer le groupe de travail et disposer des machines. Tant qu'elles sont sur le site nous pouvons espérer trouver un industriel, si Ford les revend ou les transfère ailleurs on est cuits", décrypte Jean-Michel Caille, qui souligne que concernant le parc machines "nous ne sommes pas encore dans le dur".

Garder les machines, coûte que coûte

Pourtant il n'échappe à personne que Ford pourrait être tenté de démanteler le parc machines de FAI dans les plus brefs délais. Et l'intersyndicale n'exclut même pas que Punch, dont l'intervention en tant que repreneur est toujours souhaitée, soit sur les rangs pour racheter cet outil de travail presque neuf, qui a encore une bonne dizaine d'années de longévité devant lui. D'où l'avertissement lancé par l'intersyndicale.

"La revente des machines sonnerait le glas de tout projet de reprise de l'activité. Aussi, nous comptons sur l'Etat et les collectivités territoriales pour faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté quant au maintien des équipements sur le site, pendant que Punch avance dans la concrétisation de ses démarches commerciales".

Le pire des cas est encore un peu lointain mais les syndicats l'imaginent et appellent à envisager "la réquisition de l'outil via une nationalisation temporaire, à l'instar de la « départementalisation » temporaire de la papeterie M-Real, à Alizay en 2013 par le conseil général de l'Eure, avant revente à un repreneur, ce qui a permis de sauver cette papeterie".

Ford pourrait se retirer de Getrag Ford Transmissions

L'intersyndicale FO, CFE-CGC, CGT lance enfin un ultime avertissement au ministre de l'Economie et des Finances en essayant de l'alerter sur la situation de plus en plus précaire de l'usine sœur de Ford Aquitaine Industries, celle de GFT (Getrag Ford Transmissions) située à quelques centaines de mètres et qui emploie 1.200 salariés dans la fabrication de boîtes de vitesses manuelles. Coentreprise à 50 % de Ford et du géant canadien Magna, GFT est indirectement pris dans la tempête déclenchée par la volonté de Ford de retirer, au moins en partie, ses activités de production de l'Union européenne. Ce qui rend d'autant plus nécessaire, selon l'intersyndicale, le maintien d'une activité dans l'industrie automobile à FAI.

"Une stratégie industrielle pour maintenir une activité de production de boîtes de vitesses à Blanquefort est d'autant plus indispensable que la pérennité de l'usine d'à côté, GFT, est, elle aussi, fortement menacée avec le désengagement imminent de Ford et les réticences de Magna à en devenir l'unique propriétaire. Nous savons pertinemment que Punch s'est manifesté pour le rachat de cette usine", conclut à la surprise générale l'intersyndicale.

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Commentaires 3
à écrit le 01/03/2019 à 11:59
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boycott de Ford ,un point c'est tout et arrêt du marché de Ford par la défense nationale

à écrit le 27/02/2019 à 17:25
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- Je suis retraité, mais très irrité lorsque j'apprends que l'on " jette " des salarié(e)s en toutes activités professionnelles, alors même que les Privé(e)s d'emploi sont constamment invité(e)s à rechercher activement un emploi. On met en avant le n...

à écrit le 26/02/2019 à 22:45
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Ce n'est que le début... Quand les pouvoirs prennent des decisions imbéciles, ce qui se passe à Blanquefort, n'est que le coté immergé de l'iceberg

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