Un repreneur pour Ford Aquitaine Industries : info ou intox ?

Les représentants de Ford Europe ont rappelé ce jeudi matin que la reprise de Ford Aquitaine Industries (FAI) par un industriel était leur priorité. Mais l’annonce du lancement d’un PSE a retourné la situation et renvoyé la reprise de l'usine au second plan. En attendant un prochain rebondissement de l'action.
Les syndicats de Ford Aquitaine Industries n'entendent pas désarmer et laisser Ford partir.
Les syndicats de Ford Aquitaine Industries n'entendent pas désarmer et laisser Ford partir. (Crédits : Agence Appa)

Le comité d'entreprise extraordinaire qui s'est tenu ce jeudi matin à Ford Aquitaine Industries (FAI), à Blanquefort (Bordeaux Métropole), filiale girondine de Ford Europe qui emploie plus de 800 salariés, spécialisée dans la fabrication de boîtes de vitesses automatiques et menacée de fermeture, devrait damer le pion en matière d'annonce au comité de suivi programmé par le préfet de Gironde et de Nouvelle-Aquitaine, Didier Lallement, le 13 juin prochain. C'est d'autant plus surprenant que Jean-Pierre Floris, le délégué interministériel aux restructurations d'entreprises, est attendu à cette occasion à Bordeaux.

Le délégué interministériel va-t-il venir au port de la Lune pour beurrer les sandwichs, pour se contenter de faire le commentaire de la ligne stratégique de Ford Europe précisée ce jeudi à FAI par les représentants de la maison-mère, Kieran Cahill (directeur des usines moteurs et transmissions Europe, président de FAI), Steven Edison (directeur des ressources humaines Europe) et Andrea Solbach (responsable des relations sociales Europe), à savoir celle de trouver prioritairement un repreneur pour Ford Aquitaine Industries tout en initiant un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) au cas où cette option échouerait ?


Une "option privilégiée" qui ne convainc pas

Cela semble peu probable. D'autant que le préfet avait laissé entendre que ce comité de suivi serait le moment d'une annonce définitive concernant Ford Aquitaine Industries. Mais dans tous les cas Ford Aquitaine Industries ne pouvait sûrement pas se payer le luxe d'annoncer le début d'un changement de fond dans l'entreprise sans passer par une procédure d'information-consultation des salariés.

"Ford prend actuellement un certain nombre d'actions pour améliorer sa compétitivité au niveau global. L'une d'entre elles inclut de reconsidérer les opérations industrielles sur le site de Bordeaux. Il a été défini que l'option privilégiée était de travailler sur un transfert du site de FAI à un repreneur, qui bénéficierait de certains appuis de Ford. L'une des principales préoccupations dans cette approche était la protection des salariés de FAI. En complément d'une sécurisation financière, la société travaillera à l'identification de potentiels transferts des salariés" a ainsi officiellement déclaré ce matin Steven Armstrong, président de Ford Europe, Moyen-Orient et Afrique.

Les trois points clés du plan Ford

Le lancement de la procédure d'information-consultation des salariés a amorcé le début de ce comité d'entreprise extraordinaire, "afin de donner une vision plus claire à ses salariés". Ford, dans son communiqué officiel, précise les trois points clés suivants :

1/ "Ford confirme (comme l'avaient précisé les sources de La Tribune, NDLR) que la priorité demeure la recherche d'un repreneur présentant un plan de reprise viable pour le site de Ford Aquitaine Industries et de bon progrès ont été réalisés à ce jour".

2/ "Un PSE complet, qui comprend des mesures de redéploiement, de pré-retraite, ainsi que des mesures pour aider les salariés à rejoindre de nouveaux employeurs dans l'hypothèse où aucun repreneur ne serait trouvé et où la fermeture du site devrait être décidée en conséquence".

3/ "Il n'y aura pas de départs contraints avant septembre 2019. Les salariés en poste à FAI en septembre 2019 ne subiraient aucune diminution de leur paye jusqu'à la fin de l'année 2019".

Cette annonce de l'ouverture d'un PSE à FAI agit comme un électrochoc qui repousse au second plan l'option pourtant prioritaire de Ford de trouver un repreneur à l'usine.

Bruno Le Maire n'apprécie pas

La réaction du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, va, comme celle des syndicats, dans ce sens et semble démontrer que Ford n'a pas pris la peine de mettre Bercy dans la confidence de ce qui serait annoncé à Blanquefort.

"Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des finances, regrette vivement cette décision. Le groupe Ford s'est en effet engagé à payer l'intégralité des salaires et à ne procéder à aucun licenciement à Blanquefort jusqu'à l'automne 2019. En outre des discussions pour céder le site à un industriel sont actuellement en cours. A ce stade, une reprise de la totalité des salariés apparaît possible, et l'ouverture d'un PSE ne semble donc pas justifiée. Bruno Le Maire l'a indiqué aux dirigeants de Ford, avec qui il s'est entretenu à plusieurs reprises ces derniers jours", recadre le ministère de l'Economie et des finances dans son communiqué officiel.

Cerise sur le gâteau, alors que plus personne semble-t-il n'avait d'informations sur ce dossier depuis plusieurs semaines, le ministère précise jouer la transparence.

La décision de Ford est incompréhensible

"Bruno Le Maire veillera à ce que les élus de la région, avec qui il s'est également entretenu, soient associés et informés à chaque étape. L'Etat continuera enfin à s'assurer du sérieux des discussions de Ford avec d'éventuels repreneurs afin de vérifier la qualité des offres qui seront formulées" complète ainsi Bercy.

L'effet gommage de la stratégie de cession du site de FAI à un repreneur par Ford semble atteindre son maximum dans la communication groupée de la Région Nouvelle-Aquitaine, du Conseil départemental de la Gironde, de Bordeaux Métropole et de la ville de Blanquefort. "La direction de Ford Europe a annoncé ce matin en comité d'entreprise extraordinaire de FAI le principe d'un plan de sauvegarde de l'emploi sur le site de Blanquefort" accroche ainsi le communiqué commun. "C'est une décision incompréhensible" déclarent de concert Alain Rousset (Région), Jean-Luc Gleyze (Département), Alain Juppé (Bordeaux et Bordeaux Métropole) et Véronique Ferreira (Blanquefort), qui mettent en avant les efforts financiers faits par les collectivités pour aider au maintien de l'activité de Ford Aquitaine Industries.

"Grâce à ce soutien, l'usine dispose d'un outil de production et de compétences répondant aux dernières exigences de l'industrie automobile. Ces atouts, reconnus par Ford, risquent de disparaître alors que Ford dispose d'un candidat qui permettrait d'assurer immédiatement la continuité du site" poursuit le communiqué des élus, semblant télescoper une seconde fois l'ordre des priorités officiellement affiché par Ford.

Pas plus de 5 minutes sur la reprise

Bien sûr les syndicats, et en particulier les syndicats ouvriers (CFTC, CGT, FO, CFDT) qui sont en train d'organiser une action revendicative qui aura lieu le 20 juin à Cologne, devant le siège de Ford Europe, sont vent debout. Ils ont déjà fait savoir depuis longtemps qu'ils sont totalement opposés à une reprise du site, qui serait pour eux l'amorce d'une fermeture définitive. Et leur position peut se résumer simplement : ils sont contre le départ de Ford de l'usine. Aussi cette option reprise + PSE sonne un peu comme un double uppercut que leur aurait asséné les dirigeants de Ford Europe ce jeudi matin. La première réunion d'information sur le PSE est programmée le 26 juin prochain. Concernant l'absence de départ contraint à FAI jusqu'à septembre 2019, c'est un peu la stupéfaction.

"Ford, qui ne doute de rien, présente ça comme une opportunité pour donner aux salariés du temps pour trouver des solutions. Les salaires seront maintenus jusqu'à la fin 2019 (avec ou sans les primes ? Pas de réponse). FAI présentera un plan social qu'il dit "robuste", avec départs en préretraites et des aides pour le reclassement. Ford prétend quand même que trouver un repreneur reste la priorité mais Ford n'a parlé que 5 minutes (ce matin pendant le comité d'entreprise - NDLR) d'une éventuelle reprise dans sa présentation et tout le reste du plan social. Les intentions de la multinationale sont claires !!!" mitraille ainsi la CGT.

Syndicat où l'on pense qu'au comité de suivi du 13 juin il risque "d'y avoir du suif" entre représentants de Ford Europe et des services de l'Etat, ces derniers - à commencer par le ministère de l'Economie et des finances - n'ayant pas été mis dans la confidence des annonces faites ce matin à Blanquefort.

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Commentaires 3
à écrit le 08/06/2018 à 0:51
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Il y en a au moins un qui va etre recyclé aussitot par sa CGT Communiste, c'est Poutou ! Il diabolise et insulte les chefs d'entreprise. Mais Les Américains ont en horreur l'extrème Gauche Marxiste Léniniste. Lui est bien à l'abri, ce chef Cégéti...

à écrit le 07/06/2018 à 20:32
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Ca fait des années que l'état tient à bout de bras cette entreprise, comme elle a soutenue la sidérurgie. En vain. Il faut fermer le site

à écrit le 07/06/2018 à 18:08
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C'est l'effet Poutou, on peut comprendre Ford de vouloir arrêter de financer ce boulet.

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