Ford Aquitaine Industries : la mobilisation des élus inquiète les syndicats

Les syndicats de Ford Aquitaine Industries ne renoncent pas à mobiliser pour défendre les emplois de leur usine mais, malgré un samedi 21 avril réussi, ils s’inquiètent du manque de pression politique mis sur le groupe Ford. Ce qui pourrait les pousser à durcir les actions.
Les syndicalistes de FAI ne veulent pas baisser la garde.
Les syndicalistes de FAI ne veulent pas baisser la garde. (Crédits : Agence Appa)

"Bernard Lavilliers est prêt à revenir si on bloque l'usine" annonce Gilles Lambersend, secrétaire CGT de Ford Aquitaine Industries (FAI), après la journée de mobilisation organisée ce samedi 21 avril au lycée agricole puis au parc Fongravey de la ville de Blanquefort (Bordeaux Métropole) en soutien aux salariés de l'usine de FAI. Il y avait foule pour participer à la série de concerts de soutien organisés en soirée à la salle Fongravey et Bernard Lavilliers est venu chanter gratuitement, à l'instar d'Alexis HK. Philippe Poutou, délégué CGT et ex-candidat NPA à la présidentielle, a, comme ses collègues de l'usine, mouillé la chemise pour se rendre utile jusqu'à la dernière minute. Cette journée de mobilisation très ouverte a mis en relief les particularités d'un conflit dont les racines remontent à 2007, quand Ford a une première fois décidé de se défaire de cette usine de Blanquefort. Depuis cette date les syndicats de FAI sont soutenus par les élus girondins de gauche comme de droite. Une particularité qui n'est pas toujours bien comprise à l'extérieur.

Ce qui explique sans doute que Benoit Simian, depuis 2017 député LREM de la 5ème circonscription de la Gironde (presqu'île du Médoc), mais aussi cadre en ressources humaines à la SNCF, ait été attaqué pour son appartenance à la majorité présidentielle lors des forums de l'après-midi. "Nous n'y sommes pour rien. Benoit Simian avait commencé à s'en prendre à la CGT mais il a revu son jugement, parce qu'il a été clairement été démontré que le député a été pris à parti par une minorité, par des cheminots venus participer à la journée" recadre pour La Tribune Gilles Lambersend.

La cogestion à la bordelaise face à un choc global ?

 Tweet envoyé le 21 avril depuis le forum par le député Benoit Simian :

Dans l'actuel contexte de mobilisation sociale mais aussi d'inquiétude des syndicalistes de Ford Aquitaine Industries vis-à-vis des élus politiques, Philippe Poutou répond ce mardi matin au député LREM que la CGT de Ford ne l'a pas attaqué et que les cheminots CGT qui l'ont fait se trouvaient dans un amphithéâtre composé "d'un échantillon de la fronde sociale" conforme à la politique menée par le gouvernement.

La cogestion à la bordelaise des dossiers sociaux les plus lourds a peut-être atteint ses limites ce samedi 21 avril. Philippe Poutou poursuit ainsi : "Vous symbolisez le pouvoir et les attaques que nous subissons et visiblement vous vous en êtes aperçu trop tard (...) Maintenant si vous êtes convaincu de la bataille pour l'emploi chez Ford, comme vous l'affirmez, vous pouvez commencer par demander des comptes à votre gouvernement qui s'est engagé à mettre la pression sur les dirigeants de Ford mais qui ne donne plus aucune nouvelle depuis quatre semaines" égrène notamment le cégétiste.

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La crainte des syndicats : le pourrissement de la situation (agence Appa)

Plus aucun contact avec Ford Europe

Malgré cette journée de mobilisation réussie, la question de l'avenir de FAI est encore aujourd'hui sans réponse et le temps qui passe ne fait pas l'affaire des salariés. Le gouvernement, par le biais de Jean-Pierre Floris, son délégué interministériel aux restructurations d'entreprises, s'est engagé à faire des efforts auprès de Ford Europe, maison mère de FAI, pour trouver une solution viable."Nous avons contacté Jean-Pierre Floris hier lundi mais il a répondu qu'il n'avait récemment eu aucun contact ni aucune information de la part de Ford Europe. Là c'est nul. Nous allons demander un entretien avec Jean-Pierre Floris et le préfet de la Gironde, Didier Lallement. Nous espérons un retour" éclaire Gilles Lambersend. Lors du comité d'entreprise de ce lundi 23 avril, la direction a annoncé aux représentants des salariés que plusieurs repreneurs potentiels s'étaient mis sur les rangs après l'annonce faite par Ford de ne plus développer aucun projet industriel dans l'usine girondine.

"Ford Aquitaine Industries aurait été approché par la société Punch Powerglide, à Strasbourg, derrière laquelle se trouve un investisseur belge, une sorte de Bernard Tapie, qui va essayer de voir s'il n'y a pas un peu d'argent à gratter à FAI avant de fermer l'usine" déroule le secrétaire du comité d'entreprise.

Le spectre du repreneur est de retour

Autant dire que les salariés ont l'impression de revivre la fausse reprise de 2009 quand Ford avait vendu FAI au fonds de retournement allemand HZ Holding, une coquille vide dont l'objectif inavoué - le rapport confidentiel "Lessons learned" (leçons apprises) mis en circulation sur le sujet et non démenti par Ford, le démontre - était de fermer l'usine à moindre coût, tout en maintenant la production des boîtes de vitesses attendues par les autres usines. Pendant près de trois ans les deux jeunes dirigeants allemands de HZ Holding, bardés de leurs doctorats, adoubés par la ministre de l'Economie en personne, Christine Lagarde, lors de la reprise de Ford Aquitaine Industries, semblent bien avoir amusé la galerie, avec des projets industriels de diversification dont aucun n'a vu le jour, conformément à la stratégie prévue.

C'est pourquoi l'option d'une reprise de l'usine va avoir beaucoup de mal à passer chez les salariés. Reste que les syndiqués ont une fois de plus la sensation d'être abandonnés par les politiques, à l'exception de la maire (PS) de Blanquefort Véronique Ferreira, et sans doute de Benoit Simian.

"Depuis que Ford a annoncé l'abandon de toute production à Ford Aquitaine Industries, ce qu'ont dénoncé tous les élus, il y a un grand silence. Nous n'entendons plus parler messieurs Juppé (maire de Bordeaux et président de Bordeaux Métropole -NDLR) et Rousset (président de la région Nouvelle-Aquitaine -NDLR). Nous savons juste qu'ils se sont engagés à ne pas verser à Ford le dernier tiers des aides publiques prévues. Plus on laisse Ford tranquille et plus ils gèrent leurs dossiers à leur guise, il faut mettre la pression" prévient Gilles Lambersend, qui ne craint qu'une chose : le pourrissement de la situation.

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Commentaires 3
à écrit le 25/04/2018 à 8:30
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Nos politiciens sont repus à la lâcheté et à la compromission, ces comportements sont devenus tacites et les hommes censés représenter les intérêts des citoyens ne font que valider ceux des possédants. Et c'est même pas une multinationale europée...

à écrit le 24/04/2018 à 19:16
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vu les milliards de la formation que les syndicats se fourrent dans les fouilles sur mon dos laborieux, il faut obliger les syndicalistes a reprendre l'entreprise! ils en ont les moyens, eux!

à écrit le 24/04/2018 à 17:49
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Et si pour une fois en France, les syndicats cessaient d'attendre que les politiques s’immiscent dans l'économie? Seule l'action doit être de mise. L'attentisme conduit à l'échec, surtout si le politique s'en mêle... et -ce qu'il prouve aujourd'hui- ...

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