Sud Ouest se lance dans une nouvelle stratégie

Le patron du groupe Sud Ouest, Olivier Gerolami, vient d’annoncer dans un post vidéo de 10 minutes le retournement numérique de son groupe de presse. Son vaisseau amiral, le quotidien Sud Ouest, devrait accoucher d’un site d’information en continu avec renforcement de la vidéo. Une révolution à confirmer dans les prochains jours devant les salariés.
Olivier Gerolami

Dans son intervention vidéo de dix minutes relayée par le Club de la presse de Bordeaux, Olivier Gerolami, président du directoire de Groupe Sud Ouest (GSO) et PDG de la Sapeso, société éditrice du quotidien Sud Ouest, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions, trace un nouveau cap numérique. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les journalistes de Sud Ouest ne s'attendaient pas aux annonces de leur patron. Hormis les bruits de couloir déjà en boucle depuis des semaines sur le probable déménagement du siège de TV7, la télé bordelaise contrôlée par GSO, rien semble-t-il ne laissait entrevoir les bouleversements annoncés par Olivier Gerolami au sein du 2e plus grand quotidien régional de France.

Le patron du Groupe Sud Ouest cite notamment deux exemples de la nouvelle dynamique digitale en cours de développement : "l'introduction du payant, avec le freemium", qui combine gratuité et zones payantes du site d'information de Sud Ouest, et la généralisation du "responsive design" (format digital permettant la lecture sur tous supports). Mais le virage stratégique qu'il présente dans son intervention est bien plus relevé et consiste en un retournement complet de l'organisation du quotidien "vers le numérique pour mettre le navire dans le vent".

TV7 à Sud Ouest

En plus du déménagement de TV7 dans les locaux de Sud Ouest, le président du directoire annonce la fusion des rédactions de la chaîne de télévision locale et du quotidien, ainsi que l'attribution de nouvelles tâches aux journalistes rédacteurs. "Tout le monde fera du plurimédia. On installera des petites caméras head and shoulder (tête et épaule - NDLR) dans la rédaction pour que les journalistes, quand ils reviennent de reportage, s'ils ont vu un truc marrant, un truc intéressant : paf !, ils branchent et font une brève de quelques secondes, de quelques minutes, puis après ça passe sur le site, sur TV7, etc. Il faut qu'il y ait une fluidité totale entre la télé, la télé linéaire, la télé délinéarisée et les vidéos sur le site web", développe Olivier Gerolami. Une polyvalence spontanée qui pose des questions, sur le fonctionnement de la chaîne de télévision locale mais aussi celui des journalistes du quotidien.

Rien n'a filtré

Malgré son ton neutre et sa maîtrise de la litote, le président de la Société civile des journalistes professionnels de Sud Ouest, Patrick Favier, marque le coup. Dirigeant d'une société actionnaire minoritaire, qui contrôle tout de même 10 % du capital, Patrick Favier n'a pas été mieux informé que les autres salariés sur ce changement de cap.

"Nous avons appris tous ces projets de déménagement de TV7, de fusion des rédactions et de production vidéo des journalistes dans cette interview. La société civile des journalistes, tout comme la rédaction, est très surprise, très étonnée", résume ainsi Patrick Favier.

Dans le même temps Olivier Gerolami en appelle à une sorte de sursaut des journalistes pour transformer leur quotidien en un site d'info en continu.

"Il faut que ce soit l'ensemble du corps social de la rédaction qui passe au bi-media, c'est-à-dire qui coupe cette temporalité totalement linéaire par rapport à l'heure du bouclage du journal et se mette dans une logique de news 24 h/24... 24 h/24 est un grand mot quand même, parce que la nuit il se passe pas grand-chose", juge le président, qui entend briser la colonne temporelle du quotidien tout en conservant ce dernier en état de marche.

Le président quitte son bureau

L'objectif stratégique est clair : "Digital first". Et Olivier Gerolami enfonce le clou : "Il faut changer la matrice calendaire parce que l'heure du bouclage ne veut plus rien dire sur le web", lance-t-il ainsi, après avoir bien rappelé au début de l'intervention que 90 % du chiffre d'affaires du groupe "vient du papier". La Sapeso, société éditrice du quotidien Sud Ouest, a généré 161,5 M€ de chiffre d'affaires en 2014 et 1,3 M€ de bénéfice net, avec près de 1.000 salariés dont 267 journalistes. Olivier Gerolami n'annonce pas le déblocage de nouveaux moyens financiers et humains - ce qui se comprend après le plan de départs volontaires qu'a connu la rédaction -, tout en égrenant les nouvelles responsabilités numériques que devront assumer les journalistes.

"On en parle entre nous, c'est sûr, et certaines déclarations vont tellement loin qu'elles finissent par faire rire. Mais aujourd'hui personne ne bouge. Tout le monde attend l'intervention d'Olivier Gerolami, qui devrait avoir lieu fin mars, au cours de laquelle il va dévoiler son plan pour les deux prochaines années, avec modifications de la maquette, du prix du journal, etc.", expertise ce journaliste du siège.

Une appréciation qui traverse semble-t-il les syndicats, qui ne sont pas encore sortis du bois pour livrer leur analyse de l'intervention présidentielle. L'annonce n'a pas fait que des malheureux, en particulier à TV7. "Notre fusion avec la rédaction de Sud Ouest ? Je signe tout de suite !", lâche ainsi ce journaliste de la chaîne. Olivier Gerolami annonce que l'étage du siège de Sud Ouest où sont installés les bureaux de la direction - dont le sien - et ceux des actionnaires, vont être vidés.

Sud Ouest au capital d'Héméra

Et cet espace libéré par la direction dans les locaux du quotidien va servir à accueillir un incubateur à startups.

"On va essayer de sélectionner des startups avec lesquelles nous pourrions avoir des synergies et des échanges intéressants, c'est-à-dire qui seront soit dans le domaine du e-commerce, soit de la géolocalisation, soit de l'agrégation de contenu, soit du traitement de données... qui pourront intéresser la direction du marketing, la régie et bien sûr la rédaction."

Toujours au rang des startups, Olivier Gerolami précise également qu'il s'est rapproché d'Héméra, l'accélérateur nouvellement créé à Bordeaux par le dirigeant de Concoursmania Julien Parrou et plusieurs autres entrepreneurs du web :

"On va prendre une part minoritaire et on va essayer d'utiliser ça comme effet de levier pour avoir une meilleure connaissance du monde des startups et éventuellement, en sortie d'accélération, pouvoir contribuer à leur tour de table à travers un peu de media for equity."

Héméra, qui est actuellement hébergé dans les locaux de Concoursmania, en attendant de trouver ses propres bureaux, n'a pas vocation à installer ses startups à l'étage de Sud Ouest où Olivier Gerolami a fait le vide, indique-t-on en substance à l'accélérateur.

Pas d'accord avec Territoires&Co

Par ailleurs des bruits insistants, émanant de sources dignes de foi, font état de l'ouverture de négociations entre la famille Lemoine, propriétaire de Sud Ouest, et le groupe Rossel, à Bruxelles, à la tête de plus d'une cinquantaine de titres de presse, aussi bien en Belgique, avec "Le Soir", qu'en France, avec "La Voix du Nord".  Il est connu que les actionnaires de Sud Ouest sont à la recherche d'un nouveau partenaire financier, ce qui rend d'autant plus crédible l'ouverture de négociations entre les deux parties. Mais Bernard Marchant, patron opérationnel de Rossel, n'a pas donné suite à nos demandes d'interview, tandis que le président de la société civile des journalistes professionnels de Sud Ouest, n'a voulu ni confirmer ni infirmer ce qui n'est encore qu'une rumeur persistante. Enfin, toujours concernant la stratégie de Sud Ouest, les discussions qui avaient démarré fin 2015 entre le groupe et l'agence de communication bordelaise Territoires&Co, dirigée par Aymar de Blomac, et qui laissaient entrevoir une reprise de cette entreprise par GSO, n'ont, selon nos informations, pas abouti.

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Commentaire 1
à écrit le 24/03/2016 à 19:49
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Formidable. Mais la transformation digitale ce n'est pas que mettre des GoPro sur l'épaule des journalistes et un "incubateur de start-ups" (il y en a à tous les coins de rue des incubateurs à Bordeaux ....). Et tout ça pour raconter des histoires de...

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