Logement neuf : situation critique mais pas désespérée à Bordeaux Métropole

Le marché de l'immobilier neuf est au bord de l'asphyxie en Gironde et à Bordeaux Métropole après l'effondrement des mises en ventes survenu en 2022. L'offre de logements neufs a du mal à suivre la demande et continue à tirer les prix à la hausse. Reste la question des logements de grande taille qui se vendent de plus en plus lentement, quand ils arrivent trouver des acquéreurs... Christophe Duportal, président de l'Observatoire de l'immobilier du Sud-Ouest (Oiso), décrypte pour La Tribune ces dynamiques de marché qui touchent aussi d'autres métropoles françaises.
Bordeaux Nord, avec le secteur des Bassins à flot est l'un des endroits où les prix grimpent le plus.
Bordeaux Nord, avec le secteur des Bassins à flot est l'un des endroits où les prix grimpent le plus. (Crédits : Agence APPA)

En 2017, lorsque les adhérents de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de Nouvelle-Aquitaine ont commencé à tirer la sonnette d'alarme pour alerter sur la baisse préoccupante du nombre de logements neufs mis, le nombre de ces biens était de 6.725 en Gironde et de 5.710 à Bordeaux Métropole. Deux marchés sur lesquels les mises en ventes se sont effondrées au cours des cinq dernières années. C'est ce qu'a montré la conférence de l'Oiso (Observatoire immobilier du Sud-Ouest), organisée ce jeudi 2 mars à l'Inseec Bordeaux, sur l'évolution 2022 du marché immobilier neuf.

Avec près de 2.600 mises en vente en Gironde et de 2.000 à Bordeaux Métropole enregistrées l'an dernier, ces deux marchés ont respectivement chuté de -61 % et -65 % depuis 2017 ! Sur un an, le recul est de -19 % en Gironde et de -22 % à Bordeaux Métropole. Autrement-dit l'approvisionnement du marché du logement neuf a commencé à s'étrangler.

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La construction de logements repart à la hausse

Une situation d'autant plus difficile à gérer politiquement que la métropole bordelaise reste attractive. Elle continue à enregistrer environ 10.000 nouveaux arrivants par an sur son territoire et a représenté près de 2.200 transactions en 2022, soit 78 % des ventes de logements neufs réalisées en Gironde. Et si la base de données Sitadel, qui suit l'évolution du marché de la construction à partir de l'analyse des formulaires de permis de construire traités, montre qu'en 2021 le nombre de constructions (neuf et rénovations) a grimpé de +34 % à Bordeaux Métropole, pour atteindre la barre des 7.845 logements commencés, ce n'est finalement qu'une forme de trompe-l'œil.

« Cette remontée des constructions de +34 % n'est qu'un rattrapage ! Avec le Covid, en 2020 le nombre de ces constructions commencées dans la Métropole avait chuté à 5.853 contre 8.004 en 2019. Comme elles sont exhaustives, les données Sitadel ne sont pas encore connues pour 2022 mais les projections faites à l'échelle de la Gironde ne poussent pas à l'optimisme. En 2021, il a été comptabilisé 13.197 logements commencés en Gironde, contre 11.131 en 2020 et 13.306 en 2019. Le problème c'est que la prévision pour 2022 en Gironde tombe à 10.085 », déroule pour La Tribune Christophe Duportal. La barre symbolique des 10.000 logements n'est donc plus très loin.

Oiso bilan 2022 Gironde logement neuf

Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Evolution des constructions en Gironde (neuf + rénovation). (crédits : Oiso).

Moins de biens en vitrine à des prix toujours plus élevés

Pour autant, le président de l'Oiso se montre très prudent dans l'analyse qu'il fait de l'évolution du marché. L'effondrement des mises en ventes sur cinq ans n'a ainsi, selon lui, rien d'une apocalypse. Pas plus que l'évolution des ventes, qui dévissent dans une proportion quasi identique aux mises en ventes. Entre 2017 et 2022, le nombre de transactions plonge ainsi de -59 % en Gironde et de -62 % pendant la même période à Bordeaux Métropole. Sur un an, ce recul est de -19 % en Gironde et de -23 % à Bordeaux Métropole.

Oiso bilan 2022 Gironde

Cliquez sur l'image pour l'agrandir. L'évolution du marché du neuf en 2022 en Gironde (crédits : Oiso).

Le tout dans un contexte tarifaire qui signe une crise de l'offre : alors que le nombre de biens mis à la vente et vendus ne cesse de diminuer, les prix continuent à monter de l'ordre de +5 % sur un an. Mais, depuis 2017, ils ont ainsi grimpé de 15,8 % en Gironde à 4.826 euros/m2 et de 16,6 % Bordeaux Métropole à 4.829 euros/m2.

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Oiso bilan 2022 Bordeaux Métropole

Cliquez sur l'image pour l'agrandir. L'évolution du marché du neuf en 2022 à Bordeaux Métropole (crédits : Oiso).

Il faudrait construire 7.000 logements par an

Mais cette surchauffe générale n'impressionne pas plus que ça le président de l'Oiso.

« L'attractivité de la Métropole est bonne et nécessite, comme le montre le PLH (Programme local de l'habitat), la construction de 7.000 logements par an. Vous trouvez que cela fait un grand écart avec la production actuelle, mais si l'on rajoute à celle du neuf privé la construction des logements sociaux, au bout du compte il ne manque pas plus de 3.000 logements. Ce qui n'est pas si grave, d'autant qu'il y a des zones urbaines à réhabiliter. Et la Métropole dispose encore de deux grandes cartes à jouer : le programme des 50.000 logements mais aussi la poursuite du développement de l'opération d'intérêt national Bordeaux Euratlantique », démine Christophe Duportal.

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Là où les prix du neuf sont au maximum :

  • Bordeaux hors boulevards (ouest de la ville) : 6.050 euros/m2
  • Le Bouscat (5.980 euros/m2)
  • Bordeaux Nord (5.520 euros/m2)
  • Talence (5.290 euros/m2)
  • Blanquefort (5.230 euros/m2)
  • Bordeaux intra-boulevards (5.220 euros/m2)
  • Saint-Médard-en-Jalles (5.150 euros/m2)
  • Bègles (4.990 euros/m2)
  • Le-Taillan-Médoc (4.970 euros/m2)
  • Pessac (4.940 euros/m2)

Stocks : la durée de vente des T4 et T5 inquiète

À 3.080 logements, le stock de logements neufs en Gironde est en 2022 en baisse de -12 % sur un an, pour 2.800 ventes. Alors qu'il était quasi-équivalent en 2017 (3.130 unités) en 2017 mais plus du double de ventes (6.900 transactions). À Bordeaux Métropole, ce stock se monte à 2.700 logements neufs en 2022, en baisse de -11 % sur un an, pour près de 2.200 ventes. Contre un stock de 2.640 logements en 2017 pour près de 5.800 ventes !

Alors crise ou pas crise ? Si en 2017 le volume de logements neufs en stock était très faible par rapport aux ventes, à la limite de la rupture, la courbe s'est franchement inversée depuis. Mais Christophe Duportal se refuse à schématiser la situation en utilisant seulement l'indicateur de durée de commercialisation. C'est pourquoi la dernière étude de l'Oiso entre dans les détails, ce qui lui permet d'éclairer une dynamique préoccupante à l'œuvre à Bordeaux Métropole puisque 75 % des logements neufs qui constituent le stock sont des T3 (38 %) et des T4 (34 %) : des biens plus grands recherchés par les familles mais aussi plus chers. Les T1 et les T2 ne constituant respectivement que 2 % et 16 % des stocks. Sachant que les T5 représentent 10 % du stock.

« Les T3, les T4 et les T5 sont au cœur des ventes les plus tardives, particulièrement les T4 et les T5. Pour ces grandes surfaces, dans 80 % des cas, les familles n'achètent pas sur plan : elles veulent voir les biens une fois construits. Ce qui pose des problèmes de portage financier aux promoteurs. Garder plus longtemps ce type de biens est d'autant plus compliqué que les logements coûtent de plus en plus cher à construire. Cet attentisme fait qu'actuellement 6 % des logements en stocks sont à livrer dans les trois mois et 5 % sont livrés mais sans acheteurs. Le niveau global du stock n'est pas alarmant, mais ce phénomène de retard à la vente est à surveiller », décrypte Christophe Duportal.

Pour le président de l'Oiso, qui refuse de parler crise, les difficultés actuelles du marché, où l'offre a du mal à suivre la demande, tiennent à plusieurs paramètres : la hausse du prix du foncier, l'augmentation des coûts de construction, mais aussi les difficultés rencontrées par les acheteurs, qui ne doivent plus investir plus de 35 % de leur reste à vivre dans l'achat d'un logement et qui sont bridés par un taux d'usure encore trop bas.

Des investisseurs minoritaires à Bordeaux Métropole

Parallèlement, pour la première fois depuis près de dix ans, les investisseurs sont minoritaires dans les achats de logements neufs au profit des propriétaires occupants qui ont représenté 55 % du total des ventes dans la métropole en 2022.

« Nos études distinguent les propriétaires occupants, des investisseurs, qui achètent pour louer. Beaucoup de ces investisseurs sont des particuliers qui ne peuvent pas finaliser leurs opérations parce qu'ils auraient un taux d'endettement supérieur à 35 % de leur reste à vivre. Le problème c'est qu'un grand nombre d'entre eux dispose d'un très confortable reste à vivre même avec un peu plus de 35 % de taux d'endettement... », nuance Christophe Duportal.

Une situation qui explique, selon lui, en partie la baisse des ventes également observée dans l'étude du marché. Des ventes qui se concentrent sur les communes ou quartiers bordelais qui ont été alimentés en mises en ventes en 2021. C'est ainsi que Bordeaux intra-boulevards et Bordeaux Rive droite dominent le marché des ventes en 2022, avec 10 à 15 % des transactions métropolitaines grâce à l'opération d'intérêt national Bordeaux Euratlantique. Devant les communes de Bruges, Floirac, Lormont et Villenave-d'Ornon (10 %), les échanges dans l'écrasante majorité des autres villes de la métropole étant inférieur à 5 %.

Et si le marché du logement neuf n'est pas au mieux à Bordeaux Métropole (4.829 euros/m2 avec une baisse des ventes de -23 % sur un an), mais c'est également le cas dans plusieurs grandes métropoles, où les prix montent quand les ventes baissent en volume. Il en va ainsi à la Métropole de Lyon, où les prix montent pour atteindre 5.630 euros/m2, avec un recul des ventes de -12 % sur un an, Montpellier Méditerranée Métropole, où les prix sont à la hausse, à 5.530 euros/m2, tandis que le nombre de ventes chute de -38 %, Nantes Métropole, avec des prix haussiers à 5.290 euros/m2 pour des ventes qui plongent de -31 % ou encore Toulouse Métropole, avec des prix à la hausse, à 4.660 euros/m2, et un volume de ventes à -27 %...

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