Moon Safari signe une commande de 90 millions d'euros avec le ministère des Armées

INTERVIEW. L’agence d’architecture bordelaise Moon Safari a commencé à travailler sur les futurs hébergements des personnels civils et militaires du ministère des Armées. Elle a remporté avec le groupement dirigé par SEG-Fayat un contrat cadre de quatre ans. Une manière de se positionner sur le logement modulaire préfabriqué et de soutenir l’activité de l’agence en période de crise. Rencontre avec Arnaud Guirao, co-fondateur de l’agence, qui esquisse sa vision du bâtiment où l’environnement occupe une place de choix.
Arnaud Guirao, co-fondateur de l'agence d'architecture Moon Safari qui compte 50 salariés.
Arnaud Guirao, co-fondateur de l'agence d'architecture Moon Safari qui compte 50 salariés. (Crédits : Moon Safari)

LA TRIBUNE - Vous êtes lauréat du projet Campo au sein du groupement SEG-Fayat (1). De quoi s'agit-il ?

ARNAUD GUIRAO - C'est un projet qui vise à répondre au besoin de loger les troupes français du ministère des Armées. Le contrat a été divisé en lots, en l'occurrence, nous nous occupons de la zone Sud-Ouest. Le point de départ de notre concept architectural et constructif repose sur un espace élémentaire, l'espace chambre, qui est modulable. Parmi les caractéristiques notables, les bâtiments auront une forme proche des lettres de l'alphabet I, L et U pour faciliter leur implantation à côté d'autres bâtiments déjà construits, tandis que sur le volet environnemental, les bâtiments en béton bas carbone seront équipés de puits climatiques. Mais la spécificité de ce projet repose aussi sur la préfabrication de nombreux éléments. Les salles de bains seront réalisées en usine, de même que les murs, le plancher ou encore la charpente.

Moon Safari

Le projet lauréat (crédits : ministère des Armées)

Qu'est ce qui vous séduit dans la fabrication hors-site et en quoi cette technique vous incite-t-elle à travailler différemment ?

Il faut savoir que la préfabrication est une voie que prend le bâtiment et qu'elle présente plusieurs avantages : les finitions réalisées en ateliers sont mieux exécutées, les déchets sont mieux gérés, les nuisances sont limitées sur un chantier dont la durée est réduite et les conditions de travail sont meilleures pour les professionnels du bâtiment. Il y a malgré tout des contraintes qui impliquent des études très précises en amont, en lien avec le gabarit et le poids des ouvrages préfabriqués. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que l'on touche du doigt de nouvelles façons de construire.

Que représente ce projet pour votre agence ?

Il constitue justement une référence très intéressante en bâtiments modulaires 2D et 3D. Pour positionner l'agence stratégiquement par rapport aux futures commandes de bâtiments d'hébergement modulaire, c'est un projet qui va faire date, par son degré de préfabrication et par son échelle. C'est aussi évidemment une grosse commande qui intervient en période de Covid et permet de soutenir l'activité de l'agence. Cela va même bien plus loin, puisque cela représente quatre ans de travail ! Nous sommes sur un contrat cadre qui donne de la profondeur à notre carnet de commande et permet de pérenniser des emplois. Pour nous, qui employons 50 salariés, ce n'est absolument pas neutre.

Moon Safari

Le projet lauréat (crédits : ministère des Armées)

Quel impact a eu la crise sur votre activité ?

Nous avons la chance de ne pas être sectorisé et donc de travailler à parts égales (10 à 15%) dans les domaines du logement, du tertiaire, de la défense, de l'enseignement, et de l'hôpital, ce qui permet de ne pas trop mal nous en sortir. En revanche, trois projets aéroportuaires se sont arrêtés net, côté civil et non militaire. Ainsi, l'extension de l'aéroport de Biarritz a été stoppée. Concernant l'aéroport de Bordeaux, nous étions sur des concours qui se sont également arrêtés. Ce sont des projets entre 10 et 30 millions d'euros. A titre de comparaison, le projet Campo représente 90 millions d'euros sur quatre ans ! C'est le plus gros projet que l'agence n'ait jamais fait.

Quel regard portez-vous sur un possible frein de la construction à Bordeaux ?

L'essentiel de nos commandes se situe plutôt hors de Bordeaux. Mais en tant qu'habitant et acteur je suis donc intéressé, mais nous ne savons pas dans quelle mesure cela va freiner et quand. Je suis donc en attente. Ceci étant dit, que les projets à Bordeaux prennent un tournant plus environnemental nous va très bien puisque cela correspond à la façon dont nous concevons le bâtiment.

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Quelle est votre proposition de valeur d'un point de vue environnemental ?

Notre agence est impliquée dans le retour d'expérience du point de vue des consommations relevées dans les bâtiments que nous avons livrés. Nous le faisons notamment pour l'école Kedge Business School à Talence (Gironde) et douze bâtiments du Conseil départemental de la Gironde livrés il y a huit ans. Ce qui n'est pas classique pour un architecte mais important puisqu'il arrive que les utilisateurs ne soient pas en adéquation avec le bâtiment ou avec la façon de l'utiliser. Il faut les accompagner pour essayer de réduire les coûts de fonctionnement.

Voyez-vous des choses à changer en amont également ?

En ce qui concerne le tertiaire, nous demandons beaucoup au bâtiment, c'est-à-dire de savoir gérer des moments très chauds et froids alors que cela ne représente que 30 à 60 jours par an et que gérer les extrêmes coûte très cher en terme d'investissement et de maintenance. Il y a une question de fond qui se pose. Ne devrait-on pas gérer ces pics avec des dispositifs mobiles plutôt qu'avec de l'ingénierie embarquée, et modifier nos façons de vivre autour de ces périodes très contraignantes ?

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Des souhaits pour l'avenir ?

Nous aimerions davantage travailler sur l'urbain, car réfléchir à ce que sera la ville de demain est extrêmement stimulant. Cette ville sera nécessairement frugale et tournera autour d'une économie la plus proche possible dans un secteur le plus restreint possible. Tout le monde est plus ou moins d'accord. La question est de savoir quand !

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(1) La composition du groupement lauréat : SEG-Fayat, entreprise générale mandataire, Moon Safari, architecte + Egis, bureau d'études tous corps d'état + Gastel Paysages, paysagiste + Acoustib, BE Acoustique + Elioth, bureau d'études structure et environnement + Engie Axima, maintenance

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