WeWork : sauter pour mieux rebondir ?

[Idées] WeWork vient d'accepter la proposition de sauvetage de SoftBank, qui s'apprête à en prendre le contrôle. Le géant mondial du coworking peut encore recouvrir la confiance de ses partenaires au prix d'une restructuration profonde. Par Agathe Martin, analyste financière, Fabernovel.
(Crédits : Kate Munsch)

Le directoire de WeWork s'est réunit mardi suite à l'IPO manquée et l'étude de différents plans de sauvetage, il accepte finalement la proposition de SoftBank, investisseur principal de la société. Celle-ci n'est pourtant pas anodine : une enveloppe de près de 5 milliards de dollars, mais sur la base d'une valorisation à moins de 8 milliards de dollars. En sus, Softbank exigerait le départ d'Adam Neumann du directoire, ainsi qu'une partie de ses droits de vote, prenant ainsi le contrôle de la société.

Un plan de sauvetage inéluctable pour un modèle financièrement gourmand

WeWork s'est imposé comme le géant du coworking en quelques années seulement. Née en 2010, l'entreprise a su rapidement convaincre investisseurs, bailleurs, employés et clients (B2C puis B2B). Ainsi, à fin juin 2019, WeWork avait déjà construit un empire de 528 espaces dans 111 villes du monde, offrant 625 000 postes de travail et comptant déjà 527 000 membres et plus de 12 500 employés. Une croissance phénoménale qui s'est toutefois accompagnée de pertes abyssales. En 2018, l'entreprise a enregistré 1,8 milliard de revenus pour 3,2 milliards de coûts d'opération, réalisant ainsi une perte opérationnelle de 1,4 milliard!

Or, même en ôtant les coûts liés à la croissance, le modèle de WeWork semble aujourd'hui pas ou peu rentable, en raison notamment de deux choix stratégiques : accepter des loyers particulièrement élevés et offrir nombre de services à ses membres. Pour autant, il reste encore possible pour WeWork d'actionner certains leviers pour améliorer sa rentabilité et réaliser ses ambitions.

A court terme, mesure et discipline sont de rigueur

Fini la course effrénée et les multiples de valorisation au sommet, les investisseurs ont montré leur réticence et les bailleurs ont eux aussi commencé à douter. L'enjeu majeur pour WeWork est de recouvrir cette confiance via une restructuration rapide et efficace.  En attendant la nomination d'une nouvelle tête de file - on parle, dans le cadre de la reprise de SoftBank, de Marcelo Claure, exécutif du groupe nippon - les managers actuels sont attendus sur un redressement rapide des finances.

Côté valorisation, WeWork s'est vu infliger plus qu'une simple mesure. Sa valeur est passée de 47 milliards à moins de 8 milliards en quatre mois, passant d'un multiple de près de 15 fois son chiffre d'affaires à moins de 2,5 fois. WeWork quitte ainsi le club prisé des sociétés technologiques à forte croissance pour rejoindre celui des sociétés plus traditionnelles de son secteur.

Et si WeWork pouvait vraiment valoir 100 milliards de dollars ?

Si WeWork s'est toujours présentée comme une entreprise technologique, elle n'a de ressemblance avec d'autres licornes que par son rythme de croissance et de levée de fonds. Elle ne présente en effet à aujourd'hui aucun des facteurs clés de succès caractéristiques des entreprises technologiques (tels que définis dans l'étude Gafanomics) : ni magnétique comme Airbnb, ni temps-réel comme Amazon, ni infinie comme Facebook, ni intime comme Netflix. C'est notamment l'intensité capitalistique de son modèle qui l'en empêche.

Pour autant, elle s'est dotée de bases solides, sur lesquelles elle peut capitaliser : un immense parc immobilier (à l'heure où les "pure players" misent sur des stratégies brick-and-mortar, mixant physique et digital), une audience de 5 millions de personnes qui transitent dans les espaces WeWork, ainsi qu'un savoir-faire et une large collection de données sur l'aménagement d'espaces. Alors après une restructuration nécessaire, le second enjeu pour WeWork, comme pour Softbank, sera de pivoter vers un modèle plus léger en termes de coûts. C'est ce qu'a compris plus rapidement la startup Oyo, dans le giron elle aussi de l'investisseur nippon, devenue en six ans la plus grande chaîne hôtelière indienne.

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L'auteure

Agathe Martin a rejoint Fabernovel fin 2017 pour créer au sein du groupe une nouvelle offre de conseil stratégique et financier ayant pour mission d'aider les entreprises à articuler, piloter et valoriser leur stratégies de transformation. Avant de rejoindre Fabernovel, elle a cumulé cinq ans d'expérience dans l'analyse financière, d'abord en private equity chez Amundi PEF à Paris, puis sur les sociétés cotées chez Exane BNP Paribas à Londres où elle fut equity analyst dans le secteur de la Distribution puis des télécoms. Elle fut notamment en charge de couvrir les opérateurs français (Orange, Bouygues, Iliad, Altice) et italiens (Telecom Italia). Diplômée de l'ESSEC (promotion 2013), elle est titulaire d'un MBA de la Queen's University de Kingston (Canada).

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Commentaire 1
à écrit le 25/10/2019 à 13:35
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Wework est un bon investissement reposant sur une bonne idée de départ car palliant à la spéculation immobilière qui fait qu'il est trop coûteux de se mettre à son compte et de s'équiper seul, donc il a sa place dans l'économie réelle dans laquelle l...

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