L’aéronautique, secteur qui fait rêver, mais peine aussi à recruter

Avant de dévoiler le nom des lauréats 2016 des Talents aquitains de l’aéronautique et de l’espace, La Tribune et BAAS (Bordeaux Aquitaine Aéronautique et Spatial) avaient convié de grands acteurs du secteur en Nouvelle-Aquitaine à échanger autour du thème "L’humain au cœur de la filière".
De gauche à droite : Jean-Michel Ramirez (JVgroup), Philippe Pastor (Airbus Safran Launchers), Frédéric Lherm (Dassault Aviation), Pierre Goguet (CCI Bordeaux Gironde), Miguel Brehin (Thales Avionics)

Grand témoin des Talents aquitains de l'aéronautique et de l'espace qui ont distingué cette année 8 lauréats, Gil Michielin, PDG de Thales Avionics, rappelait en ouverture de cet événement que le secteur est porté par un contexte favorable, une croissance de l'aéronautique civile de plus de 5 % par an, ainsi qu'une reprise des investissements militaires. Contexte favorable, certes, mais avec "un défi des ressources et des compétences" qui marque l'entrée du secteur dans une nouvelle ère.
Le groupe Thales réalise 14 Md€ de CA, avec 62.000 collaborateurs, dont 35 % dédiés à la R&D, présent dans 56 pays, n°1 mondial dans la gestion de trafic aérien.

Pour le PDG de Thales Avionics, "l'humain dans l'aéronautique, c'est l'humain au service de l'innovation. Nous devons maintenir notre compétence en R&D et veiller au renouvellement des générations. Nous menons une politique volontariste en matière d'égalité hommes-femmes avec un objectif ambitieux : 30 % des femmes à des postes à responsabilité contre 15 % aujourd'hui. L'objectif est de recruter 40 % de femmes au niveau mondial (30 % aujourd'hui en France) en tenant compte des notions de diversité d'âge, culturelle, d'expérience, de formation, de lutte contre la discrimination, de promotion de la diversité."

Le groupe Thales, c'est 6.000 recrutements dans le monde, 2.500 en France, 400 postes en Nouvelle-Aquitaine, dont 200 stages et 60 en alternance.

"L'enjeu est de réussir à attirer des nouveaux talents, déterminants dans la réussite de notre industrie, expliquait Gil Michielin, PDG de Thales Avionics. Nous rencontrons tous des problèmes de recrutement."

"Notre ambition est de faire rêver les jeunes talents. L'humain est réellement une force fondamentale de Thales. Les TAAE sont des outils de promotion très forts car cela permet de valoriser et de faire progresser les métiers de l'aéronautique."

Philippe Pastor est le DRH d'Airbus Safran Launchers qui emploie 9.000 personnes, sur 16 sites en France et en Allemagne dont trois sites en Nouvelle-Aquitaine (3.500 personnes), ce qui en fait le 1er employeur privé de la région. Cette année 400 personnes ont été recrutées dont la moitié en Nouvelle-Aquitaine dans un contexte que rappelle Philippe Pastor :

"Le secteur en pleine mutation, nos clients veulent la meilleure technologie au meilleur prix d'où la nécessité de l'innovation pour la compétitivité. Le coût d'Ariane 6 sera deux fois moindre que celui d'Ariane 5."

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"Chez Dassault, on entre pour faire du Falcon et du Rafale. On n'a pas de problèmes de recrutement, ce n'est pas la même chose chez nos fournisseurs. On peut cependant les aider dans leurs recrutements en rappelant que dans ses entreprises aussi les opportunités de carrière sont intéressantes car, quand eux n'arrivent pas à recruter, nous en subissons aussi les conséquences", rappelait Frédéric Lherm, est le directeur général opérationnel de Dassault Aviation, présent sur 4 sites en Nouvelle-Aquitaine, qui emploie 2.700 personnes dont 1.200 compagnons.

"On fait par ailleurs très attention à l'ascenseur social, une carrière c'est très long. On essaie de revitaliser l'ascenseur social car à force de recruter des ingénieurs, on s'est rendu compte qu'on avait créé un plafond de verre, créateur de frustration, expliquait Frédéric Lherm. Il faut repérer les talents, les amener le plus loin possible."

"Chez Airbus Safran Launchers, 50 % de nos postes sont pourvus par le recrutement interne, il faut donner des perspectives d'évolution", confirmait Philippe Pastor.

"Les ingénieurs en R&D représentent 30 à 40 % des effectifs de Mérignac, ils sont souvent à l'extérieur de leurs postes, nous avons donc développé des espaces de collaboration à 3, 4 ou 5 sur le nouveau Campus. L'innovation est le maître-mot du campus, avec 1.600 m2 réservés. En 2016, un poste sur deux a été pourvu en interne, expliquait Miguel Brehin est responsable des ressources humaines de Thales Avionics (2.000 personnes à Mérignac, bientôt 2.600 sur le campus Thalès). La diversité est un sujet d'actualité chez Thales, un levier de mixité. Nous menons un travail d'attractivité vis-à-vis des jeunes femmes, c'est un travail de longue haleine."

Le rêve aéronautique fonctionne encore

Jean-Michel Ramirez, PDG de JVgroup, a racheté en 2002 MPRD à Artigues-près-Bordeaux, une société de 16 personnes qu'il fait grandir pour donner naissance en 2010 à JVgroup qui emploie aujourd'hui 270 personnes.

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JV Group compte désormais 4 sociétés en Gironde, 1 en Charentes, pour un chiffre d'affaires de 22 M€ et espère atteindre les 30 à 50 M€ dans les 7 à 10 ans. Lui le dit clairement :

"Pour les recrutements, on galère. Il y a de moins en moins de compagnons formés, et quand ils existent, ils sont attirés par les grosses structures. Aujourd'hui on en est rendus à chasser hors région et à aider les gens à déménager. Mais nos moyens nous permettent d'attirer les amoureux de la mécanique. Le rêve aéronautique fonctionne encore, c'est plus attirant que de fabriquer des pièces pour des tracteurs."
Ce que confirme Philippe Pastor, DRH d'Airbus Safran Launchers : "On a la chance d'être dans l'aéronautique, un secteur qui fait rêver. On vend de la fascination pour les belles choses, les belles machines. Tant que l'on aura cela, on aura des gens qui sont mieux dans leur travail."

"Mais devant d'Airbus Safran Launchers ou Dassault et les avantages sociaux qu'ils proposent on ne peut pas lutter", insiste Jean-Michel Ramirez, PDG de JV Group.
Même si pour eux non plus, tout n'est pas simple : "Il y a des métiers manuels qui nous posent des difficultés, il faut communiquer pour faire connaître ces métiers", explique Philippe Pastor.

"Il ne faut pas relâcher les efforts avec l'Education nationale pour qu'elle continue à former  sur des métiers tels que fraiseurs. Aujourd'hui il y a une stratégie pour renforcer nos effectifs sur Mérignac pour la maintenance et le soutient militaire", explique Frédéric Lherm, directeur général opérationnel de Dassault Aviation. "On profite d'une région attractive, d'un secteur attractif, mais c'est plus difficile sur les profils de haute expertise. L'enjeu, c'est de s'assurer du renouvellement du savoir, et du transfert de compétences", reconnaît Miguel Brehin, responsable des ressources humaines de Thales Avionics.

Pierre Goguet, président de la CCI Bordeaux Gironde, rappelait la nécessité de la diversité, l'évolution des métiers, dans un contexte particulier puisque ce secteur est sur des cycles longs : "Partout il y a des problématiques de formation." Alain Rousset, qui rappelait la puissance économique de ce secteur dans la région et son exemplarité industrielle en ouverture de ce rendez-vous, a insisté l'existence de l'Aerocampus de Latresne, de l'Institut de maintenance aéronautique, élément essentiel pour Dassault, Thales, Airbus, etc. et estimé qu'il "faut désormais réfléchir à une école d'ingénieurs".

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