
Les projecteurs médiatiques sur les levées font de l'ombre aux alternatives. Quand un dirigeant cherche des financements, son entourage a le réflexe « levée », « fonds », et « investisseurs ». Et c'est parfois la bonne stratégie. Mais il existe des alternatives, moins coûteuses en temps et en énergie, pour trouver les financements d'abord, et gérer les financeurs ensuite.
Cela va peut-être mieux en le disant, il existe des typologies d'entreprise qui n'ont pas d'autre choix que de lever des fonds. Beaucoup de fonds. Pour faire de la recherche, pour financer de lourds investissements industriels... La levée n'est pas l'ennemi. Mais ce n'est pas forcément la solution la plus adaptée à toutes les entreprises pour financer leur croissance.
Parmi les profils de dirigeants que l'on peut croiser dans l'écosystème entrepreneurial, certains pilotent des entreprises qui existent depuis plusieurs années. Elles ont une gestion saine et une rentabilité structurelle sur leur activité historique (les fameuses « bootstrap » pour les start-ups parmi elles). Mais ils et elles restent convaincus que le seul argent à aller chercher est celui des Venture Capitalists et autres Business Angels ou fonds d'investissement. Hormis celui des clients bien sûr.
Les dangers de la levée
Une levée fait les gros titres. Mais il serait intéressant de parler de ce qui se passe avant les communiqués de presse, car la réalité que vivent les dirigeants mérite d'être connue.
Cela va commencer par les roadshows, ces tournées de présentation devant les investisseurs. Viennent ensuite les documents à amender, Business Plan et autres tableaux financiers. Les questions auxquelles les dirigeants doivent répondre - et les changements de stratégie suggérés. Sans parler des coûts financiers : leveurs, conseils, et autres avocats facturent leurs services de coquets montants pour gérer les différentes étapes de ce qui est un véritable marathon, entre 6 et 12 mois en moyenne, et qui laisse nombre d'entrepreneurs sur les rotules.
C'est pour les chefs d'entreprise sans associés à leurs côtés pour prendre le relais que ces moments sont les plus difficiles. Sans partenaire avec qui partager les doutes, et des charges de travail doublées - relative à la levée et toujours l'opérationnel, difficile de prendre de la distance, d'autant que pendant les travaux, la vente continue et l'entreprise doit bien tourner !
Et ce n'est pas fini une fois le pacte d'associés signé et l'argent versé. Une levée fournit des financements et des conseils, certes. Mais elle implique aussi une gouvernance modifiée, des reportings multipliés, et parfois des conflits stratégiques à gérer. Un temps à dédier que de nombreux dirigeants anticipent mal - voire pas du tout, et qui peut les conduire à de mauvaises décisions à différents niveaux, avec un impact humain non négligeable dans l'entreprise.
Les alternatives existent
Pourtant, ces mêmes dirigeants mal équipés pour piloter une levée de fonds dans le contexte actuel, sont souvent les mieux armés pour actionner d'autres sources de financement.
Ils peuvent se tourner vers leurs partenaires financiers existants d'abord. Certes, il est plus difficile en ce moment d'obtenir des prêts - mais pas plus que de lever. Pour des entreprises rentables depuis quelques années, sans dette existante, ou avec un bon historique de remboursement, leurs banques actuelles sont le plus souvent proactives à leur proposer des accompagnements en financement. Ce qui n'empêche pas de faire un peu de comparaison et négociation. Ce que ces gestionnaires « en bon père de famille » excellent à faire avec leurs clients, fournisseurs et prestataires. Alors pourquoi autant de réticence à faire appel à son banquier - aux bonnes conditions ?
Les dirigeants peuvent se tourner vers les différents mécanismes de financement aux différents étages de l'Etat et des collectivités ensuite. Crédit Impôt Recherche, subventions, appel à projet ou à manifestation d'intérêt... Certes, cela nécessite parfois un conseil spécialisé pour bien identifier les opportunités et aider à la préparation des dossiers, mais qui est le plus souvent largement amorti par les résultats.
Un rapprochement avec un partenaire industriel, que ce soit une autre start-up ou une entreprise plus établie, devient une option plus fréquente ces derniers temps. De la prise de part en « silent partner » à l'intégration complète, le champ des possibles est large. Du gros client industriel à l'entreprise apporteur d'affaires très efficace, en passant par celles qui partagent la même cible client, les pistes de rapprochement sont nombreuses. Il vaut mieux les explorer avec sérénité quand tout va bien que se précipiter quand la trésorerie n'est plus au beau fixe.
Les clients, enfin, ne sont pas à négliger dans cette réflexion globale. Si l'entreprise est rentable, mais manque de trésorerie, différents mécanismes peuvent être mis en place pour anticiper les rentrées de cash. Escompte pour paiement anticipé, revue de la grille de prix, offres annuelles, voire offres « lifetime » pour les logiciels SaaS, les possibilités sont nombreuses !
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Laura Bokobza est dirigeante-fondatrice du cabinet LBk Consulting qui aide les dirigeants à développer leur business à toutes les étapes de la vie d'une entreprise, de la startup à l'entreprise établie. Elle est membre élue au Conseil d'Administration de l'association Finaqui des Business Angels de Nouvelle-Aquitaine.
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