Médicaments stratégiques : vers un prix différencié du paracétamol ?

Stocks critiques, chaîne d'approvisionnement, production locale, prix : c'est pour s'intéresser à ces aspects stratégiques pour la souveraineté française que la sénatrice Laurence Harribey (PS, Gironde) s'est rendue dans l'usine d'Upsa, à Agen (Lot-et-Garonne), où sont fabriqués des comprimés de paracétamol. De quoi nourrir les travaux de la commission d'enquête « sur la pénurie de médicaments » et plaider pour « une politique différenciée du médicament ».
À Agen, Upsa dispose d'importants stocks permettant de garantir 45 jours de stocks en cas de rupture d'approvisionnements.
À Agen, Upsa dispose d'importants stocks permettant de garantir 45 jours de stocks en cas de rupture d'approvisionnements. (Crédits : PC / La Tribune)

Ce sont 500 palettes qui entrent chaque jour dans le site de production d'Upsa, à Agen (Lot-et-Garonne), pour y apporter les ingrédients du paracetamol dont l'indispensable principe actif. L'entreprise y dispose de 15.000 emplacements de stockage dans un vaste hangar logistique lui permettant d'assurer une autonomie de 45 jours en cas de rupture de la chaîne de livraison. « C'est à la fois beaucoup et très peu lorsqu'il y a un vrai problème d'approvisionnement », remarque la sénatrice Laurence Harribey (PS, Gironde) qui est aussi vice-présidente de la commission d'enquête sénatoriale « sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française ». Une visite qui intervient quatre mois après celle du ministre de l'Industrie qui était venu sur ce site d'où sont sorties 350 millions de boîtes l'an dernier.

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Et c'est précisément parce que les 1.500 salariés d'Upsa ont réussi à éviter la pénurie de paracétamol cet hiver que la sénatrice est venue sur place examiner la stratégie du laboratoire qui y dispose du premier site de fabrication de médicaments à base de paracétamol de France et pèse 29 % de parts de marchés du paracétamol adulte. « Je viens voir quels sont les problèmes industriels qui se posent dans la chaîne de fabrication et en prenant en compte le prix et le coût de revient des médicaments, notamment ceux qui sont matures », précise la sénatrice.

Diversifier les approvisionnements

Un outil industriel décisif puisque le paracétamol figure parmi les 48 premiers médicaments stratégiques sur un plan industriel et sanitaire (MSIS) identifiés par le gouvernement et nécessitant une continuité de production. « Le problème étant que vous pouvez maîtriser votre filière de production de B à Z, mais s'il vous manque le A, vous avez potentiellement un gros problème. Il est donc essentiel d'avoir en France un savoir-faire industriel comme celui d'Upsa mais il faut aller encore plus loin sur le principe actif », observe Laurence Harribey en référence au principe actif qui n'est plus produit en France. « Chez Upsa, nous achetions 85 % du principe actif aux États-Unis l'an dernier mais nous avons diversifié nos fournisseurs avec deux tiers aux États-Unis et le reste en Inde et en Chine même si cela fluctue énormément », fait valoir Laure Lechertier, la directrice de l'accès au marché.

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Pour aller plus loin sur la souveraineté, le laboratoire agenais investit aux côtés de Seqens dans la future unité de production de paracétamol dont l'ouverture est prévue en 2025 en Isère et s'est engagé sur des volumes d'achats jusqu'en 2029. Upsa, racheté par le groupe japonais Taisho en 2019, travaille aussi avec des startups pour identifier d'autres sources de production en France à l'avenir.

Faudra-t-il payer le paracétamol plus cher ?

Il reste que les laboratoires, comme Upsa qui investit 17 millions d'euros par an à Agen, dénoncent le plafonnement du prix de médicaments comme l'EfferalganMed et le Dafalgan : « Le prix fabricant de la boîte de paracétamol est plafonné à 0,76 euro HT. C'est un facteur bloquant et nous demandons donc une hausse de ce prix pour prendre en compte non seulement l'inflation de nos coûts mais aussi notre empreinte territoriale en France. C'est une possibilité ouverte par la loi mais qui n'est toujours pas appliquée. On espère qu'elle le sera dans les prochains mois », avance Laure Lechertier qui semble avoir été entendue par la sénatrice de Gironde. Faut-il alors s'attendre à payer plus cher sa boîte de comprimés ?

« Ce sont des médicaments matures dont le prix a été tiré vers le bas depuis des années mais le prix ne peut être la seule grille d'analyse si on veut préserver notre souveraineté industrielle et sanitaire. Il faut une politique différenciée sur le prix entre un médicament produit par une multinationale à l'étranger et un autre fabriqué en France par une PME », juge Laurence Harribey, qui ne reprend pourtant pas à son compte le terme de « protectionnisme » :

« La question n'est pas celle du protectionnisme mais celle de la transparence et de l'évaluation de l'utilisation de l'argent public. Quand on soutient une filière, il faut savoir jusqu'où l'on va et quelles sont les retombées en France », argumente-t-elle. Les travaux de la commission sénatoriale, qui a auditionné Upsa début mai, devraient s'achever fin mai. Le rapport sera publié en juillet pour alimenter ensuite une proposition de loi sur le sujet.

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Commentaire 1
à écrit le 24/05/2023 à 21:22
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Par le prix il faut montrer que ce qui est fabriqué en France est cher (ce qu'on savait déjà) ! De toute façon ça ne peut pas être autrement (normes environnementales, prix de la main d’œuvre, etc). Avoir la matière active (comme on dit) ne suffit p...

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