Le free-floating roule bridé à Bordeaux, six mois après l'encadrement du marché

ENJEUX. Six mois après l'arrivée de la réglementation métropolitaine sur le free-floating à Bordeaux, opérateurs et élus saluent le respect mutuel des nouvelles règles du jeu, notamment sur le stationnement. Mais le déploiement en première et deuxième couronne se fait de façon poussive, contraignant encore le potentiel commercial des six opérateurs de mobilités autorisés dans l'agglomération.
Maxime Giraudeau
Selon Bordeaux Métropole, 90 % des trottinettes respecteraient désormais les emplacements dédiés à leur stationnement.
Selon Bordeaux Métropole, 90 % des trottinettes respecteraient désormais les emplacements dédiés à leur stationnement. (Crédits : PC / La Tribune)

Il devait y avoir un avant et un après. En six mois, la promesse d'apaisement semble tenue. Le 1er novembre dernier, seuls six opérateurs de micro-mobilité, sélectionnés parmi une vingtaine de candidatures, étaient autorisés à poursuivre l'exploitation de véhicules en libre-service sur Bordeaux Métropole. Aujourd'hui, les lauréats et les représentants de la Métropole interrogés par La Tribune se satisfont à l'unisson de la mise en application de la réglementation sur l'un des périmètres les plus vastes de France avec 24 communes.

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« Les règles étaient très claires et nous sommes satisfaits à 100 % du cadre construit par la collectivité », indique sans retenue Guillem Leroux, responsable des affaires publiques de Pony, opérateur des vélos deux places à Bordeaux. Abolie l'époque du stationnement sauvage sur la voie publique et la multiplication du nombre de trottinettes et vélos sur la ville de Bordeaux. Bien qu'il y ait désormais davantage de véhicules avec un plafond fixé à 3.500 unités, la réglementation prime désormais sur la guerre commerciale et impose aux opérateurs de répartir leur flotte sur les communes métropolitaines. Mais derrière l'entente cordiale, les lauréats sont en réalité bridés par un cadre encore en construction.

Les ilots de stationnement à développer

« On ne parle plus de free-floating mais de semi-floating. » Comme l'évoque la conseillère métropolitaine en charge des mobilités alternatives, Isabelle Rami, la réglementation a apporté un tournant : la fin du stationnement sauvage. Les ilots délimités sur d'anciennes places de parking ou autour de carrefours font désormais loi. « Il y a une nette amélioration par rapport à la situation initiale », observe l'élue, avançant que la part des véhicules mal stationnés est tombée à moins de 10 %.

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Si la réglementation a mis fin à l'anarchie, elle a mécaniquement fait augmenter le nombre de véhicules en circulation, avec 1.500 trottinettes, 1.500 vélos et 500 scooters. D'où l'importance de créer de nouveaux ilots de stationnement à Bordeaux mais également sur toutes les communes qui n'accueillaient pas le free-floating jusqu'alors. « Plus vous avez de zones de stationnement sur le territoire, plus vous donnez la sensation d'un trajet "porte à porte" à vos utilisateurs », illustre Guillem Leroux.

De l'aveu même d'Isabelle Rami, les marquages au sol ont pris du retard en raison des conditions météorologiques pluvieuses. En attendant, certains opérateurs prennent les devants et négocient des emplacements exclusifs ou mutualisés sur le domaine privé. C'est le cas de Tier, lauréat pour ses trottinettes, qui vient d'investir le parking d'un hôtel de l'aéroport de Mérignac et réfléchit à se déployer à proximité de supermarchés. « L'idée est de mutualiser ces espaces et de pouvoir aller aussi sur les emplacements que nos confrères auront négociés », projette Hugo Miramon, directeur régional de Tier.

Pour les scooters, les plus gros véhicules de micro-mobilité à Bordeaux, c'est une autre histoire. La ville ne dispose que de quelques centaines de places. « Bordeaux a besoin d'emplacements motos, il y a vraiment un enjeu sur le stationnement des deux-roues », martèle Jean-David Mora, président d'eDog, le nouveau venu bordelais qui se partage le marché des scooters avec le franco-espagnol Yego.

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Le déploiement périurbain, grand inconnu

La réglementation métropolitaine encadre le free-floating dans 24 des 28 communes de l'agglomération, dont la plupart n'ont jamais vu de véhicules en libre-service sur leur territoire. Le potentiel de nouveaux usagers est important mais le déploiement s'annonce très progressif : pour l'instant, Bird n'a mis en service que 600 vélos sur 750 autorisés et les scooters de Yego sont seulement présents dans six communes.

« On pense que le marché est mature tout autour de la ville centre, mais on souhaite d'abord avoir un retour sur les données d'utilisation avant d'ouvrir d'un coup une zone très grande », s'explique Clément Lauze, responsable des affaires publiques de Yego France. Mais les opérateurs n'ont pas la main : la réglementation impose de ne pas déployer plus de la moitié de leur flotte sur la ville centre. Une contrainte encore difficile à tenir. « 90 % de notre flotte est stationnée à Bordeaux », évalue Anissa Fersi, qui officie au même poste chez Bird. « Même si certaines villes sont prêtes, on attend encore que des continuités cyclables y soient déployées. »

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Tous les opérateurs réalisent au moins les trois quarts de leur chiffre d'affaires sur la seule ville de Bordeaux. Au bas mot. « Quand on regarde sur Bordeaux, en avril, on est en moyenne à six trajets par trottinette et par jour. En première et deuxième couronne, on est plutôt entre 0,5 et 1,5 », annonce Manon Pagniez, directeur de Dott en France. « Les habitants périurbains ont l'habitude de prendre leur véhicule personnel. » L'acculturation va-t-elle se faire ? « C'est tout l'enjeu du déploiement en deuxième couronne. On ne sait pas comment les usagers vont réagir », reconnaît Isabelle Rami.

L'avantage est cette fois du côté du scooter : capable d'effectuer des trajets plus longs, l'adhésion semble prendre hors de Bordeaux. « On observe des déplacements pendulaires, on permet de passer de Villenave d'Ornon à Gradignan, via les arrêts de tramway qui sont les endroits où le service fonctionne le mieux », déroule Jean-David Mora, l'un des neuf associés de l'autodidacte eDog.

Autoriser plus de véhicules ?

Avec l'arrivée de la réglementation, l'avantage a été double pour les opérateurs retenus : le nombre de concurrents s'est vu réduit alors que le volume des flottes exploitées a augmenté. Mais leurs appétits commerciaux ne sont pas rassasiés pour autant. Rien d'étonnant pour des startups de la mobilité douce qui poussent déjà leurs pions. « La question c'est la taille de la flotte, 250 scooters c'est un peu juste pour répondre aux besoin de 10.000 utilisateurs par semaine », assure Clément Lauze, pour Yego, tout en reconnaissant que « le sujet du stationnement doit d'abord être réglé ».

Son homologue Dott, présent dans plusieurs centaines de villes du monde, n'en attend pas moins pour les trottinettes. « On a une particularité à Bordeaux : les forfaits abonnements représentent 25 % de notre activité. Dans les autres villes, le ratio c'est 50/50. Il n'y a pas assez de trottinettes pour inciter les utilisateurs à prendre un abonnement mensuel », argumente Manon Pagniez.

Le sujet sera sur la table en novembre prochain, à l'occasion du renouvellement des autorisations d'occupation des territoires communaux. Si les places de stationnement sont déployées d'ici là et que le service est bien étendu aux 24 communes, les opérateurs devraient se faire entendre. Mais la Métropole a fixé des limites : les flottes totales ne dépasseront pas 2.500 vélos, 2.000 trottinettes et 500 scooters. Autrement dit, les opérateurs de vélos ne pourront prétendre qu'à 500 unités supplémentaires chacun et 250 pour les opérateurs de trottinettes. En attendant, tous attendent l'été avec impatience, période la plus propice pour le business du free-floating. Une saison qui s'ouvrira par un comité de suivi le 15 juin prochain entre le groupe des six et la Métropole.

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Maxime Giraudeau

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