Transports : l'Assemblée met la pression pour accélérer les RER métropolitains (J-M Zulesi)

INTERVIEW. Permettre à la Société du Grand Paris (SGP) d'intervenir dans les chantiers des RER métropolitains partout en France : c'est l'objectif de la proposition de loi portée par le député Jean-Marc Zulesi, le président (Renaissance) de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. À l’invitation de son collègue Thomas Cazenave, il était de passage à Bordeaux ce 11 mai pour en parler avec les élus girondins. Financements, calendrier, rôle de la SNCF et projets concernés, il répond aux questions de La Tribune.
Les députés Renaissance Thomas Cazenave (Gironde) et Jean-Marc Zulesi (Bouches-du-Rhône), qui préside la commission du développement durable de l'Assemblée nationale et porte la proposition de loi sur « les services express régionaux métropolitains ».
Les députés Renaissance Thomas Cazenave (Gironde) et Jean-Marc Zulesi (Bouches-du-Rhône), qui préside la commission du développement durable de l'Assemblée nationale et porte la proposition de loi sur « les services express régionaux métropolitains ». (Crédits : PC / La Tribune)

LA TRIBUNE - Que contient votre proposition de loi sur les « services express régionaux métropolitains » ?

Jean-Marc ZULESI - Ce texte poursuit plusieurs objectifs. Le premier est de définir ce qu'est un RER métropolitain, avec le label « service express régional métropolitain », en mettant l'accent sur l'intermodalité, comme c'est déjà le cas à Bordeaux. Le deuxième c'est que la Société du Grand Paris (SGP), qui pourrait être rebaptisée Société des Grands Projets, puisse apporter à d'autres territoires son expertise et son savoir-faire obtenus sur le chantier du métro du Grand Paris Express depuis 2010. Cela pourrait passer par des sociétés de projet capables de lever une fiscalité dédiée mais aussi de mobiliser des fonds et de lever de la dette. Au fond, le sujet c'est de simplifier et d'accélérer les chantiers : ce n'est pas normal de mettre dix ans pour créer une ligne de cars express entre Bordeaux et Blaye ou pour rouvrir une gare !

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Pourquoi êtes-vous venus rencontrer les élus girondins (*) ?

Thomas CAZENAVE - Parce qu'en Gironde, le projet de RER métropolitain est déjà bien lancé même s'il reste de gros enjeux, en termes de fréquences notamment. Nous avons voulu échanger sur ce projet pour nourrir et amender la proposition de loi et inspirer d'autres territoires.

Jean-Marc ZULESI - Ce travail de co-construction est essentiel pour intégrer au texte les sujets de préoccupation des élus locaux déjà à l'œuvre.

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Qu'apportera la labellisation « service express régional métropolitain » prévue par le texte ? Des financements ?

Jean-Marc ZULESI - Je ne suis pas venu faire miroiter n'importe quoi aux élus. On veut accélérer les projets mais je ne promets pas qu'on réduira les délais de moitié ! De même, à ce stade, le texte ne comporte pas de dispositions financières mais l'intérêt de cette labellisation c'est que, demain, s'il y a des fonds supplémentaires débloqués par l'État, ils seront très probablement fléchés vers les projets labellisés. Par ailleurs, la Première ministre devrait détailler au mois de juin

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Pour piloter le chantier du métro du Grand Paris Express, la SGP possède des compétences dérogatoires, y compris en termes d'urbanisme pour aménager les quartiers autour des gares. Quelles seront ses prérogatives hors de l'Île-de-France ?

Jean-Marc ZULESI - La SGP viendra avec toutes ses compétences dérogatoires et on veut même aller plus loin. Les élus nous demandent de pouvoir recourir à ces procédures plus rapides pour faire aboutir leurs projets. Mais le texte prévoit que la SGP n'intervienne que sur les créations d'infrastructures nouvelles, pas sur le réseau existant qui reste dans le giron de SNCF Réseau. Mais on peut aussi envisager de lui permettre d'intervenir, par exemple, sur des réouvertures de lignes ferroviaires délaissées. Un autre cas de figure pourrait être la possibilité donnée à SNCF Réseau de déléguer sa maîtrise d'ouvrage à la SGP pour tel ou tel chantier.

Thomas CAZENAVE - La question derrière tout cela c'est aussi de savoir si on se contente, en Gironde, de la feuille de route actuelle du RER Métropolitain ou si, au contraire, on se projette à 20 ans pour imaginer quel sera le réseau compte tenu de la croissance démographique. On peut alors envisager de nouvelles lignes de train, de bus, de tramway, de bateaux ou de métro. Ce sont des cas de figure où la SGP pourrait intervenir.

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Jean-Marc ZULESI - Sur le plan de l'urbanisme ou de la construction de logements, le texte ne contient aucun objectif de construction, ce n'est pas son objet. Mais il ne me semble pas aberrent de construire des logements autour des gares ou des nouvelles lignes lorsqu'il y en a.

Avec ce texte, la SGP pourrait venir concurrencer la SNCF et SNCF Réseau. L'objectif est-il de leur mettre une forme de pression pour qu'ils accélèrent leurs propres projets ?

Jean-Marc ZULESI - Je ne veux pas faire de « SNCF bashing » et nous voulons travailler avec tout le monde. Mais je veux pas non plus sous-estimer la capacité de cette proposition de loi à montrer à la SNCF et à SNCF Réseau qu'ils peuvent être challengés par un autre acteur. Au fond, la SGP et la SNCF ne sont pas le sujet de ce texte qui vise d'abord à pousser et à faciliter les alternatives à la mobilité carbonée et à accélérer les projets de RER métropolitains et les mobilités du quotidien.

Mais, justement, les élus craignent que l'ajout d'un acteur autour de la table ne vienne encore ralentir des chantiers déjà extrêmement longs, surtout si cela revient à recentraliser à Paris les décisions sur le réseau girondin...

Jean-Marc ZULESI - On veut surtout éviter cela ! C'est pour ça qu'on n'impose rien, on ne fait que proposer des possibilités nouvelles aux élus locaux. Il n'y aura aucune obligation en termes de gouvernance. On cherche au contraire à proposer beaucoup de souplesse avec une structure ad hoc pour chaque territoire : une société de projet, un groupement d'intérêt public ou une filiale de la SGP. On peut tout à fait imaginer une SGB, une Société du Grand Bordeaux !

Quel est le calendrier prévu pour l'examen du texte ?

Jean-Marc ZULESI - La proposition de loi, qui est désormais soutenue par tous les groupes de la majorité. Elle sera examinée en commission du développement durable dès le 30 mai 2023 et sera discutée en séance publique au cours de la semaine du 12 juin d'initiative parlementaire transpartisane. Je discute déjà avec les groupes Liot, LR et PS et je suis plutôt optimiste sur le sort qui sera réservé à ce texte que j'estime plutôt consensuel. Mais il faut bien sûr rester prudent.

À Bordeaux, un texte jugé utile mais...

« C'est utile de préciser ce qu'est un RER métropolitain même si pour nous, à Bordeaux, on coche déjà toutes les cases », réagit Renaud Lagrave, le vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine en charge des transports, à la sortie de sa rencontre avec les deux députés. « Mais il faut tenir compte de la réalité : on a déjà une feuille de route et une gouvernance installée, le projet est en marche. » Pour améliorer le texte, l'élu PS propose notamment une programmation pluri-annuelle des engagements de l'État sur le ferroviaire et souhaite que d'éventuels financements ne soient pas conditionnés à un recours à la SGP. « La SGP pourra apporter de l'ingénierie et de la fiscalité dédiée pour de nouvelles infrastructures mais, à Bordeaux, il n'y pas d'infrastructure nouvelle et on a déjà mis en place une taxe additionnelle pour financer les lignes à grandes vitesses vers Toulouse et Dax. Donc, à ce stade, je ne vois pas bien la plus-value que pourra avoir la SGP en Gironde mais on regardera bien évidemment le sujet », détaille Renaud Lagrave, qui plaide plutôt pour un élargissement du versement transport additionnel.

(*) Il s'agit d'Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole, Renaud Lagrave, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine en charge des transports, Jean-Galand, vice-président du Département de la Gironde en charge des transports, et Christophe Duprat, vice-président de l'Association des maires de Gironde en charge des transports.

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