Les patrons girondins au soutien d'un contournement autoroutier de Bordeaux

Mirage ou vraie hypothèse de travail ? Alors que le weekend a été marqué par la mobilisation contre le projet d'autoroute Toulouse-Castres, le grand contournement de Bordeaux refait parler de lui. 17 organisations patronales girondines le réclament « de façon urgente » pour en faire « un laboratoire des mobilités » sous la forme d'une concession à péage. Soutenu par le président de Bordeaux Métropole, ce vieux projet de barreau autoroutier, qui dépend de la volonté de l'Etat, fait toutefois face à de nombreux obstacles à commencer par l'urgence climatique.
Le vieux projet de contournement routier de Bordeaux par l'Est ressort à nouveau des cartons.
Le vieux projet de contournement routier de Bordeaux par l'Est ressort à nouveau des cartons. (Crédits : Regis Duvignau)

Un an après avoir, déjà, poussé un coup de gueule sur les conditions de circulation, les patrons girondins appuient à nouveau sur ce problème structurel qui se cristallise sur la rocade bordelaise. « Nos salariés et nos entreprises de Gironde sont gênées comme elles ne l'ont jamais été par les problèmes de mobilités ! », résume Pierre Goguet, le président du groupe de travail sur la mobilité mis sur pied l'an dernier par 17 organisations patronales du département. Emmenées par le Medef, la CPME, l'U2P et des représentants du bâtiment, de la restauration, des transporteurs ou encore des artisans (*), elles soutiennent « les récentes déclarations des élus girondins, qui ont le courage de ressortir ce serpent de mer qu'est le contournement de la Métropole via des barreaux routiers même si ce n'est bien sûr pas une solution miracle », avance Pierre Goguet.

Un chantier « urgent »...

Une référence à la récente prise de position d'Alain Anziani et Philippe Buisson, les présidents socialistes de Bordeaux Métropole et de la Communauté d'agglomération du Libournais. Faute d'obtenir un péage à court terme sur la rocade, ils demandent à l'État « d'engager des études rapidement sur la construction » d'un barreau autoroutier pour éloigner les poids-lourds de transit de la rocade bordelaise. Au risque d'artificialiser des centaines d'hectares supplémentaires et d'induire du trafic routier polluant supplémentaire, allant à l'encontre des recommandations du Giec sur la lutte contre le dérèglement climatique. Alors même que le transport est l'activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre de la France, pesant déjà près d'un tiers du total.

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Les organisations patronales veulent que ce chantier soit « réalisé de façon urgente », espérant une validation de principe avant 2027 pour « désengorger la circulation sur la rocade ». Elles pointent ainsi les nuisances sonores, environnementales et de qualité de l'air alors que, selon la préfecture, entre 85.000 et 140.000 véhicules par jour circulent sur la rocade bordelaise, dont 6.000 à 18.000 poids lourds.

... qui dépend d'abord de l'État

Pour autant, malgré le soutien de l'exécutif métropolitain et des patrons girondins, ce vieux projet de construction de barreaux routiers sur plusieurs dizaines de kilomètres à l'est de Bordeaux fait encore face à de nombreux obstacles. Notamment parce qu'un tel chantier ne relève pas des compétences de Bordeaux Métropole mais de celles de l'État. Et que cela ne manquera pas de susciter d'importantes oppositions à l'image de la mobilisation de ce weekend contre les 53 km de l'autoroute entre Toulouse et Castres qui artificialisera plus de 300 hectares de terres pour faciliter le trafic automobile.

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Face à ces attentes, Clément Beaune, le ministre des Transports, s'est récemment exprimé lors d'une conférence organisée par Sud-Ouest pour souffler le chaud et le froid sur ce projet qui ne figure pas dans le dernier rapport du Conseil des infrastructures de transport dévoilé il y a quelques semaines :

« Je souhaite qu'on puisse reprendre un certain nombre d'études en prenant en compte davantage la dimension environnementale, l'impact notamment sur le vignoble bordelais et donc remettre à l'étude des projets mais sans s'enfermer dans des schémas du passé qui, je crois, ne fonctionneront plus. »

Et le ministre de rappeler que les priorités de l'État vont d'abord à la mise à 2x3 voies de la rocade, en passe de s'achever, et aux réflexions en cours sur une voie réservée aux poids lourds sur l'A10 et à des tarifications spécifiques.

Une ligne rouge avec les Verts

Bien qu'un tel projet ne relève pas de ses compétences, la Métropole peut le soutenir politiquement et financièrement. Mais ce dernier point est particulièrement sensible au sein de la majorité métropolitaine issue d'une alliance entre socialistes et écologistes, ce qui a abouti à une passe d'armes lors du dernier conseil métropolitain entre Alain Anziani, le président (PS) de la Métropole, et Pierre Hurmic, le maire (EELV) de Bordeaux. Du côté des écologistes, on rappelle qu'il y a une ligne rouge à ne pas franchir : « C'est écrit noir sur blanc dans le contrat de mandature : il ne peut y avoir de financements d'études sur ces barreaux routiers jusqu'en 2026 ! C'est à l'État de prendre ses responsabilités en étant plus courageux face aux transporteurs pour instaurer un péage poids-lourds sur la rocade. »


Imaginer un « site pilote » ?

« Nous souscrivons totalement aux discours du ministre », réagit Pierre Goguet. « La seule condition pour que ce projet ait une chance de passer c'est de prendre en compte tous les enjeux environnementaux avec une grille de lecture différente pour en faire un laboratoire des mobilités et des énergies. »

Les organisation patronales proposent donc de se servir de ces futurs barreaux routiers - dont le premier de 80 km pourrait relier Langon, sur l'A62 en Gironde, et Mussidan, sur l'A89 en Dordogne - pour tester grandeur nature différentes solutions : les revêtements des chaussées perméables, l'éclairage solaire, la régulation des flux, la disponibilité de toutes les énergies (hydrogène, bio-carburants, bornes électriques), des aires de repos améliorées, le respect de la biodiversité, la compensation carbone, des dispositifs anti-bruit ou encore de la production d'énergies renouvelables bénéficiant aux territoires traversés.

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Pour autant, pour les chefs d'entreprises girondins, il n'est pas question de passer à la caisse. « Nous ne voulons pas d'une fiscalité additionnelle ! Nous préconisons un modèle de concession avec péage avec une tarification incitative pour les véhicules les moins polluants », précise l'ancien président de CCI France et de la CCI Bordeaux Gironde. Sachant qu'en cas d'autoroute payante, il sera indispensable d'instaurer également un péage sur la rocade bordelaise ou d'en interdire l'accès pour dissuader les transporteurs de privilégier le trajet le moins cher.

(*) Medef Gironde, CPME Gironde, U2P Gironde, Bordeaux Négoce, Capeb Gironde, Mobilians, FEP CSO, FFBâtiment Gironde, Prism'emploi, Syrpin, TLF Nouvelle-Aquitaine, UIMM Gironde-Landes, Umih 33, Union Maritime et Portuaire de Bordeaux, Unis, France Chimie Nouvelle-Aquitaine, FNTR Aquitaine.

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