Un an de guerre en Ukraine : comment ces six entreprises néo-aquitaines se sont adaptées

Startup ou grands groupes, ETI ou coopératives agricoles, plusieurs entreprises de Nouvelle-Aquitaine sont directement concernées par l'invasion russe de l'Ukraine et la guerre qui dure depuis un an. Comment ont-elles réagi ces derniers mois ? Quels ont été les impacts du conflit sur leurs activités respectives ? La Tribune fait le point avec six entreprises de Gironde, Charente-maritime, Haute-Vienne et des Landes.
À Borodyanka, à 55km au nord-ouest de Kiev, les dégâts restent très importants mais la vie quotidienne et économique s'est adaptée et continue.
À Borodyanka, à 55km au nord-ouest de Kiev, les dégâts restent très importants mais la vie quotidienne et économique s'est adaptée et continue. (Crédits : ©Lam Duc Hien / Agence VU)

Elicit Plant a pris racine en Ukraine

Pour la startup charentaise Elicit Plant, l'allongement de la guerre en Ukraine n'a pas été un frein pour développer ses activités. Bien au contraire. La jeune pousse de l'agritech, qui développe un produit réduisant les besoins en eau des cultures, dispose d'un bureau à Kiev où officient trois commerciaux depuis un peu plus d'un an. « Ils veulent absolument rester là-bas pour aider leur pays et développer le business » relaie Aymeric Molin, co-fondateur d'Elicit Plant.

Comme beaucoup d'Ukrainiens, les trois salariés ont rapidement appris à vivre dans le contexte de la guerre. « Les habitants voient d'un bon œil qu'on se développe en Ukraine et qu'on participe à maintenir l'activité. Les agriculteurs ukrainiens ont besoin de produire, d'exporter pour alimenter leur économie et avoir une vie un peu plus normale » abonde-t-il encore. Le travail comme moyen de penser à autre chose qu'à la tragédie humaine qui a cours depuis un an. Et qui permet aussi de se développer sur un marché à un moment très opportun.

Au début de la guerre, Elicit avait fait livrer l'équivalent de 200.000 euros de son produit innovant en cadeau aux agriculteurs ukrainiens. Qui le lui ont bien rendu, puisqu'une commande de 15.000 litres est prévue pour avril. Désormais, le marché ukrainien représente 10 % du chiffre d'affaires de la startup charentaise. Les trois commerciaux continuent donc à démarcher des agriculteurs. Vinnytsia, Dnipro, Kharkiv : ils n'hésitent pas à s'approcher au plus près des terrains d'affrontement. « Ils me disent : « Ne t'inquiète pas, on est du bon côté de la ville ! » Je leur réponds : « Ok, je vois que vous êtes à 50 kilomètres du front, ça me rassure » ironise-t-il.

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Un marché stratégique pour Maïsadour et Euralis

Présent sur le marché ukrainien depuis la fin des années 2000, le groupe Maïsadour, à Haut-Mauco (Landes), qui a réalisé un chiffre d'affaires de 1,4 milliard d'euros et emploie 4.300 salariés en France, n'a pas quitté l'Ukraine ni cessé son activité sur place. Mais le groupe communique au compte-goutte sur le sujet, dans une ambiance de guerre totale où chaque information est susceptible de provoquer une catastrophe. Le groupe coopératif landais emploie 180 salariés en Ukraine, où il possède près de 3.000 hectares de terre agricole près de Dnipro, mais aussi une station de recherche à Kiev.

« Nous ne tenons pas à communiquer à ce sujet, car la situation change tous les jours et que tous nos efforts vont à la protection de nos salariés et de leurs familles en Ukraine. Ce qui nous incite à nous montrer très prudents. Nous ne voulons mettre en danger ni nos salariés ni nos clients », confirme à La Tribune la porte-parole de Maïsadour.

Autre groupe néo-aquitain présent en Ukraine, Euralis, à Pau, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 1,6 milliard d'euros lors de son dernier exercice avec 5.000 salariés a officiellement cessé toute activité sur place dès le début de la guerre. Euralis, qui a racheté un ancien kolkhoze ukrainien en 2013, y possède 5.000 hectares de terres agricoles et y emploie 140 salariés.

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L'Ukraine constitue pour ces deux groupes une nouvelle ligne d'horizon sur le marché en pleine croissance des semences. Parce que ce pays n'a pas cessé d'augmenter sa production agricole et donc ses besoins en semences, et que les deux groupes veulent y développer de nouvelles variétés végétales par croisement génétique. Pour obtenir des plants à fort rendement qui soient résistants au stress hydrique.

C'est si vrai que le 31 décembre dernier le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a, dans le cadre de la Conférence bilatérale résilience et reconstruction de l'Ukraine, annoncé le déblocage d'une garantie de 20 millions d'euros pour couvrir le risque export de semences en Ukraine pour seulement trois groupes coopératifs : Euralis, Maïsadour et Ragt, basé à Rodez. Des ambitions d'autant plus légitimes que, comme le souligne l'Union française des semenciers (UFS), la France est le premier exportateur mondial de semences et bénéficie d'une excellente image de marque.

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Corep Lightning a fermé son usine de Tchernihiv

« Les chars russes sont passés devant la porte de l'usine », témoignait Alain Petit, le président de l'ETI bordelaise Corep Lighting, quelques jours après l'invasion russe de l'Ukraine. Ce fabriquant de luminaires pour les grandes enseignes de bricolage et d'ameublement y disposait depuis une petite dizaine d'années d'un site d'assemblage à Tchernihiv, au nord du pays, non loin de la frontière biélorusse, pour alimenter notamment le marché moscovite. Cette filiale qui employait 20 salariés avant la guerre ne pesait qu'environ 5 % de l'activité totale du groupe.

Malgré le retrait des troupes russes au printemps 2022, Alain Petit n'a pas tergiversé, prenant rapidement la décision de fermer son site et d'en rapatrier la production à Bègles, près de Bordeaux, comme il l'explique à La Tribune : « La ville a été pas mal bombardée au début de la guerre et continue à l'être régulièrement comme la plupart des villes ukrainiennes. Notre usine était à 90km de la frontière biélorusse donc on demeure très inquiet sur la suite des évènements et on restera sur ce statu quo jusqu'à nouvel ordre. » Quatre salariés - un Français et trois Ukrainiens - sont rentrés en France. Pour le groupe, l'exercice 2022 restera « une année très moyenne » avec les impacts conjugués de la guerre en Ukraine, de la hausse des coûts des conteneurs de transport et de l'appréciation du dollar face à l'euro. L'entreprise de 270 salariés dont 150 à Bordeaux affiche ainsi environ 39 millions d'euros de chiffre d'affaires l'an dernier (-5 %).

Legrand se retire du marché russe

Basé à Limoges, le fabricant français de matériel électrique Legrand a frôlé en 2022 le milliard d'euros de bénéfice net, en hausse de 10,5 % sur un an, grâce notamment aux besoins croissants de décarbonation, d'électrification et d'efficacité énergétique. Une croissance soutenue malgré la dépréciation de 148 millions d'euros d'actifs, liée au désengagement de l'entreprise du CAC 40 de Russie après l'invasion de l'Ukraine en février 2022. Ce retrait n'a été annoncé que fin janvier 2023 alors que Legrand faisait partie des rares entreprises françaises qui avaient poursuivi leurs activités en Russie. Legrand comptait quatre usines en Russie employant 1.100 personnes qui représentaient en 2022 environ 1,5 % de ses ventes. Le groupe examine encore ses options pour assurer un transfert des activités mais considère désormais que « ce désengagement constitue la meilleure option afin de poursuivre le respect des réglementations applicables et de préserver à long terme une continuité des activités locales pour ses collaborateurs et ses clients ».

Legrand vise en 2023 une croissance du chiffre d'affaires hors effets de change entre +2 % et +6 %. « La guerre en Ukraine a pesé sur l'activité, probablement sur le moral des foyers européens. Et, dans certains pays, nous avons vu des situations économiques difficiles, comme en Chine avec la politique zéro Covid, qui n'a pas aidé les chaînes d'approvisionnement/ Cela fait beaucoup de facteurs adverses », considérait Benoît Coquart, son directeur général début février 2023 lors de la présentation des résultats 2022.

Ceva Santé Animale reste en Ukraine

Avec plus de 6.350 salariés dans 47 pays, dont 1.500 en France, pour 1,53 milliard d'euros de chiffre d'affaires, Ceva Santé Animale figure dans le top cinq mondial des laboratoires vétérinaires. Le groupe girondin dirigé par Marc Prikazsky employait l'an dernier 36 salariés en Ukraine et 70 en Russie. L'entreprise a accueilli quelques salariés ukrainiens au début de la guerre mais ils sont tous repartis travailler en Ukraine depuis. S'agissant de la Russie, Ceva assure « suivre strictement les recommandations et appliquer les mesures prises par les autorités françaises et internationales ». Par ailleurs, Marc Prikazsky, qui préside le Club des ETI de Nouvelle-Aquitaine, envisage de lancer prochainement une grande collecte au sein du club pour soutenir la population ukrainienne.

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