À la barre de Beyond the Sea, un nouveau directeur général pour deux capitaines ?

Arrivé en septembre comme directeur général de Beyond the Sea, Marc Thienpont semble se plaire à la barre de l'entreprise arcachonnaise qui développe des ailes de kite géantes pour décarboner la flotte maritime mondiale. En privilégiant la maturité technique à une commercialisation prématurée, l'ancien naviguant explique comment il manœuvre, sous l’œil directif du capitaine de bord Yves Parlier.
Maxime Giraudeau
Yves Parlier à gauche, fondateur de Beyond the Sea, a accueilli Marc Thienpont, à droite, en tant que nouveau directeur général.
Yves Parlier à gauche, fondateur de Beyond the Sea, a accueilli Marc Thienpont, à droite, en tant que nouveau directeur général. (Crédits : Beyond the Sea)

C'était sur les pontons du salon nautique d'Arcachon, « il y a cinq ou six ans » hésite Marc Thienpont, qu'il croise Yves Parlier en train de présenter son innovation. Une aile de kitesurf légère capable de tracter une embarcation à moteur. « Il faisait la démonstration sur une pinasse [ces bateaux à fond plat typiques du Bassin d'Arcachon, ndlr], mais j'ai tout de suite vu la vocation industrielle » se souvient-il. C'est la seule fois que Marc Thienpont, ancien naviguant diplômé de l'école nationale de la marine marchande, a pu rencontrer le loup de mer Parlier. Jusqu'à ce qu'un appel à candidature ne vienne déjouer les plans de croisière de l'homme de 43 ans natif de Bayonne.

Il y a un an, l'entreprise Beyond the Sea célébrait tout juste une levée de fonds d'un million d'euros portée par l'ambitieux collectif à impact Time for the Planet. Séduits par la pépite arcachonnaise qui veut décarboner le trafic des plus gros navires du monde, Time a mobilisé ses financeurs sur le projet d'Yves Parlier. A la condition de pouvoir nommer un nouveau directeur général aux côtés du skipper pour accomplir la destinée industrielle et environnementale. Alors qu'il se trouve dans une période de questionnement sur son avenir professionnel, Marc Thienpont ne sait rien de ce virement de bord. « J'avais envie de prendre des fonctions plus importantes, rejoue-t-il. J'étais alors directeur de flotte, c'est-à-dire numéro 2 ou 3, dans une société d'activités maritimes. »

« Je n'avais pas l'intention de renverser les choses »

L'offre lancée par Time for the Planet fait mouche auprès de ce spécialiste des enjeux du monde marin qui a grandi autour d'Arcachon. Entre sa connaissance des exigences du milieu et son expérience dans les innovations du transport maritime, il se voit bien naviguer sous les ordres du capitaine Parlier. Car non, le skipper et fondateur de Beyond the Sea ne s'éloignera pas d'une encablure de son vaisseau.

Lire aussiÀ Arcachon, ce grand skipper prépare l'avenir du trafic maritime avec ses voiles de kitesurf

« On a proposé quatre profils de CEO à Yves [Chief executive officer en anglais, Directeur général, ndlr] et aucun ne lui a convenu. Il ne se laisse pas convaincre, révélait Arthur Auboeuf, co-fondateur de Time for the Planet, à La Tribune en juin dernier. Il s'en fiche d'aller vendre son produit à des armateurs, ce qu'il veut c'est atteindre des voiles de 3.000m² et améliorer les performances. » Avec son intérêt marqué pour l'innovation et la recherche, Marc Thienpont possédait donc un atout de poids face à ses concurrents. « Je n'avais pas du tout l'intention de renverser les choses, bien au contraire. Yves est toujours présent, c'est le capitaine » s'incline-t-il.

Le nouveau binôme semble donc voguer sous les mêmes latitudes. En témoigne le refus d'une nouvelle levée de fonds dès cette année, afin de laisser du temps pour parfaire toute la technique autour des ailes. Et aussi pour commencer à signer des contrats avec de grands armateurs. Rien n'est encore bouclé mais le directeur général assure que les affaires sont en bonne voie. « Ce sont des gens prudents, comme tous les marins, ils ont un sens extrême de la vigilance par rapport aux risques, et ne font confiance que lorsque tous les éléments techniques et réglementaires sont au point » prévient le vice-capitaine Thienpont.

Arrivé pour les premiers essais en mer

N'empêche que l'ancien de la marine marchande peut déjà faire jouer de son réseau pour accroître la visibilité de Beyond the Sea, lui qui est resté employé huit ans dans le domaine maritime chez l'entreprise de géociences CGG. Dans un coin de sa tête, il y a aussi la Marine nationale, qui devra probablement elle aussi décarboner son activité à terme. Les concurrents du tandem Parlier-Thienpont sont nombreux, pour certains complémentaires, mais il faudra en tout cas savoir gagner sa place pour chacun au moment voulu. « On est peut-être tous un peu en retard de phase par rapport aux besoin du marché, mais il n'est pas intéressant de proposer des systèmes pas encore aboutis » fait valoir le directeur général.

Lire aussi« Le meilleur argent pour une startup c'est celui des clients, pas des investisseurs »

Un mois après son arrivée en septembre 2022, les équipes ont débuté les tests en mer avec un catamaran sans mât. L'embarcation est de sortie sur le Bassin d'Arcachon « dès que le temps le permet », soit une dizaine de jours depuis l'automne. Une aubaine pour le nouveau directeur quand on sait qu'Yves Parlier travaille aux modélisations et aux maquettes depuis une quinzaine d'années. « Le challenge technologique est incroyable, on défriche tous les jours » assure Marc Thienpont.

Le voilà donc de retour à bord, lui qui depuis 2007 était « sédentaire », comme le veut ce qualificatif attribué aux marins qui n'effectuent plus de missions en mer. Habitué aux contraintes d'un métier très prenant, le quarantenaire investit ses qualités dans la pérennisation de la mission Beyond the Sea. Tout en restant guidé par la sagesse de son maître. Alliance du moderne et de l'ancien. Il n'y a pas de navire sans capitaine. Le leur en a désormais deux.

Biographie.

Né à Bayonne en 1979

Manager maritime chez CGG de 2011 à 2019

Première rencontre avec Yves Parlier en 2016 ou 2017

Directeur général de Beyond the Sea depuis septembre 2022

Lire aussiGrand port maritime de Bordeaux : le président Jean-Frédéric Laurent optimiste pour 2023

Maxime Giraudeau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.