« La French Tech devrait passer la barre des 700 millions d'euros levés en Nouvelle-Aquitaine »

INTERVIEW. Dynamisme inédit des levées de fonds, mais aussi entreprises en difficulté et compensation de l'empreinte carbone : Cyril Texier, le président de la French Tech Bordeaux, fait le tour de l'actualité de l'écosystème régional de l'innovation alors que le label Capitale French Tech, obtenu en 2019, sera remis en jeu dans les prochaines semaines.
Président de la French Tech Bordeaux, Cyril Texier loue la dynamique des levées de fonds en Nouvelle-Aquitaine malgré certaines situations difficiles.
Président de la French Tech Bordeaux, Cyril Texier loue la dynamique des levées de fonds en Nouvelle-Aquitaine malgré certaines situations difficiles. (Crédits : Agence APPA)

LA TRIBUNE - Comment se porte l'écosystème régional dans le contexte économique actuel toujours plus incertain ?

Cyril TEXIER - Je ne suis pas inquiet parce que si on regarde les chiffres de la French Tech Bordeaux, qui compte désormais plus de 800 entreprises adhérentes et 32.000 emplois hors grands groupes, on voit qu'on est déjà dans la région à 657 millions d'euros levés sur les dix premiers mois de l'année 2022 ! On devrait passer la barre des 700 millions en fin d'année en Nouvelle-Aquitaine alors même que nous n'étions qu'à 280 millions d'euros en 2021 et à moins de 100 millions d'euros les années précédentes. Il faut donc se rendre compte de la performance de ce que cela représente et du chemin parcouru alors même qu'au niveau national les montants levés sont quasi identiques en 2021 et 2022. S'il y a autant d'argent levé dans la région, c'est souvent parce que les investisseurs consolident leurs participations dans des entreprises où ils sont déjà avec la volonté affirmée de bâtir des vrais champions pour demain, au niveau français, européen voire mondial.

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Pourtant on a vu ces dernières semaines plusieurs startups être à court de financement au point de se trouver en cessation de paiement ou à deux doigts de l'être, à l'instar de Jechange.fr, Sunday ou encore Marbotic ?

Oui, bien sûr, il ne s'agit pas de prétendre que tout va bien ni que c'est l'hyper-croissance pour tout le monde. Des accidents de parcours il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Dans le contexte actuel, il y a des startups, souvent assez anciennes, qui peuvent avoir du mal à lever ou à convaincre leurs investisseurs de les suivre parce qu'elles n'ont probablement pas trouvé le bon modèle économique. Dans ce cas-là, la rentabilité se pose de manière plus frontale mais, là encore, c'est plutôt sain de questionner la rentabilité d'une entreprise dix ans après sa création. D'autant que si cela se traduit finalement par un rachat, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. Et même si la boîte va au tapis, ce n'est pas une honte non plus, ça arrive tous les jours, il faut l'accepter et en parler !

Parallèlement, ce qu'il se passe c'est qu'un entrepreneur qui arrive avec un Powerpoint et un budget prévisionnel assez léger, il n'arrivera plus à lever 500.000 ou un million d'euros comme avant. Là encore, c'est probablement un peu plus sain d'un point de vue rationnel. Mais, à l'inverse, les entreprise liées à l'écologie ou à la souveraineté économique et industrielle n'ont pas de mal à trouver des financements, parfois très importants. Et j'ajoute que ces investisseurs-là ne sont pas des purs philanthropes ! S'ils investissent dans ces projets à impact c'est bien parce qu'ils y identifient une rentabilité économique. Et ça c'est une très bonne nouvelle ! Des startups comme Materrup, Toopi Organics, Tehtris, HelloAsso ou encore Valoregen ont de vraies cartes à jouer.

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Lors de votre réélection il y a deux ans, vous aviez fixé à la French Tech Bordeaux un objectif de neutralité carbone pour 2023. Où en est cette démarche ?

Elle avance bien. Nous avons demandé à un cabinet extérieur de mesurer l'empreinte carbone de toutes les activités de notre équipe de sept collaborateurs. Le résultat c'est une empreinte annuelle de 100 tonnes de CO2. Et le premier poste d'émission carbone, devant les déplacements domicile-travail de nos collaborateurs, ce sont les évènements que nous organisons, à l'instar du French Tech Day qui a réuni 1.500 participants. C'est donc là-dessus que nous allons travailler l'an prochain. Dès cette année, nous avons, par exemple, proposé des déplacements gratuits en trottinette électrique via un partenariat avec Pony. Nous irons plus loin.

Les autres priorités concernaient la cybersécurité et l'inclusion. Qu'est-ce qui a changé ?

Sur la cybersécurité, on a la chance d'avoir Elena Poincet, la CEO de Tehtris, au conseil d'administration de la French Tech Bordeaux. En levant 44 millions d'euros, elle a encore démontré tout son savoir faire local et international. C'est un vrai atout pour l'écosystème régional. Et cela se conjugue avec le lancement du Campus Cyber régional cette année sous l'impulsion de la Région et auquel nous participons. Sur l'inclusion, on continue à progresser à travers le programme Tremplin [qui accompagne des créateurs d'entreprise issus de populations sous-représentées ou discriminées dans l'écosystème, NDLR]. Mais on voit aussi les limites de ce programme puisque la question d'un accompagnement dans la durée va se poser, pas seulement lors de l'incubation. C'est un vrai sujet pour la suite. Et si dans le prochain board, nous avions la chance d'avoir une personne en situation de handicap, ce serait un vrai pas en avant.

La suite justement, c'est le renouvellement du conseil d'administration dans six mois avec le départ d'une partie des membres concernés par la limite de deux mandats. Comment envisagez-vous cela ?

En ce qui me concerne, je resterai au board pendant deux ans en tant que président d'honneur, cela facilitera le passage de témoin. La French Tech s'est vraiment transformée ces trois dernières années avec une équipe de sept personnes et un nombre d'adhérents qui a triplé. Pour les tous prochains mois, l'enjeu c'est d'arriver à renouveler le label Capitale French Tech pour trois ans. La réponse devrait intervenir fin 2022 ou début 2023. Cela ouvre le droit à une forte visibilité et à des programmes nationaux tels que Central, Tremplin et Visa. Ensuite, le futur conseil d'administration devra continuer à faire vivre cette dynamique.

La French Tech doit-elle être davantage politique, prendre position sur des sujets de société ?

Non, parce que ce n'est pas le rôle de l'association ! Nous avons réussi à nous affirmer à Bordeaux depuis 2015 en démontrant à tous nos partenaires publics que nous n'étions pas politisés. Notre engagement est sociétal et économique, il est au service des entrepreneurs, de l'écosystème, des salariés et des investisseurs.

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