« Imet Alloys va développer une économie circulaire autour de matières critiques »

INTERVIEW. "Notre but est de créer une chaîne d'approvisionnement interne à l'Europe", assure Nicolas Courteix, le directeur général d'Imet Alloys France. Depuis le 1er mai, l'entreprise écossaise a ouvert sa première usine en France à Eyrein (Corrèze) en reprenant le site libéré par l'équipementier automobile BorgWarner. Son objectif est de créer un hub d'économie circulaire pour valoriser des matières réversibles tels que le titane et les superalliages pour le marché de l'aéronautique européen. Entre 70 et 100 emplois devraient être créés d'ici dix ans.
IMET Alloys va installer ses chaînes de traitement dans l'ancien usine BorgWarner à Eyrein, en Corrèze.
IMET Alloys va installer ses chaînes de traitement dans l'ancien usine BorgWarner à Eyrein, en Corrèze. (Crédits : Imet Alloys)

LA TRIBUNE - Quelle est la nature de l'activité déployée par Imet Alloys en Corrèze ?

Nicolas COURTEIX - Leader mondial dans la valorisation des matières réversibles titane et superalliages, l'entreprise créée en 2012 est implantée aux Etats-Unis, en République Tchèque et en Ecosse où elle a son siège social. En France, c'est notre premier site, à Eyrein, et c'est aussi notre siège social européen. Nous investissons dix à quinze millions d'euros pour construire une plateforme européenne avec le soutien de l'Etat notamment grâce au dispositif Territoire d'Industrie. Le but est de développer une économie circulaire autour de matières critiques en Europe, le titane et les superalliages.

Souvent, les gens qualifient cette activité de recyclage mais nous, nous parlons de valorisation et pas de déchets mais de matières réversibles. Ce sont des chutes de matière solides, des tournures (copeaux), des pièces rebutées voire des pièces d'avion en fin de vie. On les traitera sur nos chaînes pour leur redonner leur qualité initiale tout en garantissant la traçabilité complète. Elles sortiront de l'usine prêtes à être refondues en lingots de qualité aéronautique par des élaborateurs de matières pour redevenir des pièces d'avions. C'est un cercle vertueux.

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Quel est l'intérêt de valoriser ce type de matières ?

Notre but est de créer une chaîne d'approvisionnement interne à l'Europe. Le premier intérêt est l'impact environnemental car on réduit les besoins en matières. Le second est l'indépendance par rapport au titane. Aujourd'hui, les industriels en achètent majoritairement en Russie, avec des problèmes d'approvisionnement vu le contexte actuel. Cela réduira leur dépendance. Le troisième est l'économie d'énergie pour la phase de fusion. L'industrie aéronautique pourra être plus compétitive au niveau mondial. L'objectif est aussi de diversifier nos marchés de l'ordre de 10 % dans le médical et l'énergie.

Pour quelles raisons avez-vous choisi la Corrèze ?

Nous avons choisi Eyrein car c'est un site stratégique au croisement des autoroutes A20 et A89 pour transporter nos produits vers ou depuis nos partenaires qui se trouvent dans le Sud-Ouest, en Auvergne et région parisienne. En outre, le bâtiment de 15.000 m2 est récent, de bonne qualité, très bien entretenu et il correspondait à nos critères de recherche, c'est une opportunité immobilière. Nous avions visité d'autres sites en Nouvelle-Aquitaine et en Rhône-Alpes. Nous avons investi en travaux d'adaptation et dans quatre lignes pour traiter les deux familles de matières et de formes. Le site fait plus de cinq hectares, on a la place pour se développer sur cinq à dix ans. À terme, nous comptons ouvrir un centre de R&D pour répondre à deux objectifs, d'abord optimiser notre équipement industriel et au niveau commercial, aider nos partenaires à innover.

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A quel rythme comptez-vous embaucher ?

Actuellement, douze salariés ont été recrutés et sont formés à nos méthodes de travail par une dizaine d'Ecossais qui ne resteront pas ensuite. L'idée est d'arriver à quinze en fin d'année puis de monter à un rythme de croissance de dix personnes par an. On va accélérer en anticipant la ligne des tournures titane qu'on voulait installer dans deux ou trois ans car il y a des besoins clients. On s'est fixé une cinquantaine d'emplois en cinq ans et entre 70 et 100 sur dix ans. Il faut rester prudent sur un site qui a connu beaucoup de pertes d'emplois (368 licenciements, NDLR), il y a beaucoup d'attention sur nous. Nous avons d'ailleurs embauché 75 % d'anciens BorgWarner grâce à ce vivier local aux compétences similaires. Cela reste une activité de niche et il est difficile de trouver des gens qui ont l'expérience de ce que l'on fait mais ils seront vite opérationnels. Le démarrage de l'activité est prévu en fin d'année.

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La guerre en Ukraine affecte-elle vos approvisionnements ?

Le marché est porteur car plus il y aura de crise, plus le coût de l'énergie va grimper, plus on essaiera de protéger nos ressources et plus notre activité aura du sens. La guerre en Ukraine n'impacte pas notre développement. Nous n'avons pas de problème d'approvisionnement car notre matière première est considérée comme un déchet par tout le monde. Il fallait un outil industriel pour traiter cela, nous l'avons et nous n'avons pas de concurrence à ce niveau. Seul le coût de l'énergie impacte notre activité, ce n'est pas forcément un sujet pour nous. Nos ingénieurs ont beaucoup travaillé pour réduire la consommation d'énergie de nos installations, c'est notre ADN comme l'empreinte carbone.

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Commentaire 1
à écrit le 16/11/2022 à 19:06
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"au croisement des autoroutes A20 et A89 pour transporter nos produits vers ou depuis nos partenaires" mais aucune ligne SNCF pour 'remplacer' (voire compléter, ne rêvons pas) les camions ?

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