ESG, rentabilité, trésorerie : ce qui change dans les critères des levées de fonds

Critères ESG, trésorerie, modèle économique, deeptech, BtoB : regards croisés de trois fonds d'investissement régionaux - Irdi, Newfund et Techno'Start - sur l'évolution de leurs stratégies, attentes et grilles d'analyses pour investir dans les startups sur fond de raréfaction du financement et d'incertitudes économiques.
Lors du 2e Fund Connect organisé par Bordeaux Technowest le 12 octobre, 14 fonds d'investissement régionaux et nationaux ont pitché devant 35 startups.
Lors du 2e Fund Connect organisé par Bordeaux Technowest le 12 octobre, 14 fonds d'investissement régionaux et nationaux ont pitché devant 35 startups. (Crédits : Bordeaux Technowest)

Malgré la flamboyante annonce de Tethris qui vient de réunir 44 millions d'euros dans la cybersécurité, la tendance est connue depuis quelques mois : il est plus difficile et plus long de lever des fonds pour un certain nombre de startups. Dans les faits, la réalité est plus nuancée et il y a encore des opportunités de financement malgré la conjoncture économique plus incertaine : "Il y a moins d'argent globalement et c'est donc plus compliqué de lever des fonds pour les startups en amorçage. C'est un processus de plus en plus long et complexe parce qu'il y a davantage de tris qu'avant parmi les projets financés. Mais il y a de grandes différences entre les secteurs d'activité", résume François Baffou, le directeur général de Bordeaux Technowest et de son fonds d'amorçage Techno'Start lancé il y a dix ans, à l'occasion de la 2e édition de Fun Connect, un évènement qui permet à 14 fonds régionaux et nationaux de se présenter devant 35 startups.

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Après plusieurs années de croissance soutenue, la tendance des augmentations de capital en Nouvelle-Aquitaine pourrait donc se tasser ou se reconfigurer autour de levées de fonds moins nombreuses mais de tickets moyens potentiellement plus importants. On constate aussi, souligne François Baffou, "un retour en grâce des deeptech et des startups industrielles, qui effrayaient souvent les investisseurs il y a encore quelques années et qui s'inscrive désormais dans les priorités politiques du gouvernement avec France 2030". Un mouvement de balancier qui se fait au détriment des projets purement numériques d'applications mobiles ou d'énièmes places de marché ou solutions de mises en relation. "Ceux-là auront plus de difficulté à réunir des fonds à moins d'avoir un élément très différenciant", prévient Vincent Brousse, directeur d'investissement chez Irdi Capital Investissement.

Des financeurs plus regardants sur le modèle économique...

"En général, les fonds sont aujourd'hui plus attentifs à la ligne du résultat net, aux dépenses et à la rentabilité qu'à la croissance des revenus comme c'était le cas il y a encore deux ans", poursuit ce financeur. "Cela pourrait avantager les profils pragmatiques et gestionnaires plutôt que les entrepreneurs purement flamboyants."

Julie Roblot, chargée d'investissement capital risque chez Newfund, abonde en rappelant ce qui semble une évidence : "l'objectif d'une entreprise est de gagner de l'argent, pas d'en dépenser. Et certains l'avaient peut-être un peu oublié ces dernières années !". Selon la responsable de ce fonds régional basé au Pays-basque :

"Les investisseurs attendent désormais une visibilité plus longue en termes de trésorerie, sur 18 mois plutôt que sur douze. Ce qui signifie que la levée de fonds doit durer plus longtemps, que la dépense du cash doit être maîtrisée dans la durée."

C'est la même tendance en amont, lors de la sélection des dossiers : "les négociations et la durée d'analyse des dossiers s'allongent et tendent plus vers neuf mois que sur six", indique Vincent Brousse.

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Dans ce contexte, les startups BtoB, les profils d'ingénieurs et les modèles à revenus récurrents via les logiciels sur abonnement - le fameux Saas (software as a service) - pourraient ainsi bénéficier de l'argent disponible mais pas encore investi par les fonds. Mais pas à n'importe quelle condition !

... et sur les impacts sociétaux et environnementaux

Car, parallèlement, le critère financier reste le plus déterminant mais a perdu progressivement du terrain par rapport à d'autres considérations extra-financières. Ce sont les fameux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) qui prennent de plus en plus de poids au point d'être parfois un motif de refus, un "deal breaker", assure Vincent Brousse :

"Il y a cinq ans, l'ESG c'était quelques lignes cosmétiques à la fin de la présentation. Aujourd'hui, les entrepreneurs doivent prouver comment ils maîtrisent leur dépense d'énergie ou leur impact sur l'environnement, justifier leur gouvernance interne ou le recours exagéré à des freelances, etc. Ce sont des demandes très prégnantes de nos souscripteurs."

Même son de cloche chez Julie Roblot de Newfund : "Il est aujourd'hui indispensable d'avoir une réelle dimension ESG dans le projet de l'entreprise. C'est une manière d'évaluer sa valeur sur des critères non-financiers mais qui ne sont pas du tout incompatibles avec la réussite financière qui, évidemment, reste essentielle."

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Le financement est donc loin d'être tari mais il faut s'en donner les moyens. Les montants levés par les startups de Nouvelle-Aquitaine depuis le 1er janvier 2022 dont ainsi déjà très nettement supérieurs à la totalité de l'année 2021 avec d'importants tours de table :

Les plus grosses levées de fonds en Nouvelle-Aquitaine au premier semestre 2022 :

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