Des couloirs sans âme qui vive, des open-spaces déserts, des bars, des pubs et des restaurants fermés par manque de main d'œuvre et de clients. La City, le grand quartier des affaires de Londres où travaille Jérémie Darrieux, a perdu de son énergie. "Ici, le télétravail est beaucoup plus développé qu'en France", témoigne-t-il. "Depuis le Covid-19, il y a moins de monde qui se rend physiquement sur place. Pour le déjeuner par exemple, beaucoup de commerces de bouche ont fermé depuis deux ou trois ans et ça a changé l'ambiance dans la City."
Dans le sillage de la "grande démission" aux États-Unis, à Londres on parle de "grand reset" (remise à zéro, ndlr), un sujet qui n'existait pas il y a encore quelques années, assure Jérémie Darrieux :
"C'est quelque chose que les entreprises regardent ici : comment organiser le travail et quels sont les modes de travail acceptés par les employés ? Surtout dans la jeune génération, les gens ont des idées beaucoup plus arrêtées sur l'équilibre entre leur qualité de vie et l'investissement au travail. C'est peut-être l'effet positif de la crise."
Gel des prix de l'énergie
Né à Dax, dans les Landes, Jérémie Darrieux est arrivé à Londres en 2011, juste avant les Jeux olympiques de 2012, avec la volonté au départ de parfaire son anglais. D'occasions en opportunités, il est finalement resté sur les rives de la Tamise, jusqu'à obtenir la nationalité britannique il y a deux ans ! Après plusieurs postes, le jeune homme, âgé de trente-cinq ans, est désormais employé au département marketing du géant américain Amazon. "Il commence à y avoir une pénurie de main d'œuvre dans le secteur tertiaire, tut ce qui est marketing et même dans la finance. Alors qu'il y a une dizaine d'années, Londres était une ville prospère", témoigne-t-il.
Le Royaume-Unis est aussi aux prises avec une inflation record de plus de 10 % depuis cet été. Conséquence de la guerre en Ukraine et de l'absence de bouclier tarifaire comme en France, la hausse des tarifs de l'énergie aurait pu atteindre 80 % dès le mois prochain si la nouvelle Première ministre Liz Truss, n'avait pas annoncé un gel pour deux ans des tarifs des particuliers, soit une économie d'environ mille livres par an et par famille, une première au Royaume-Uni. L'addition s'élève à 150 milliards de livres.
"Cette menace de hausse a créé pas mal de protestation, observe Jérémie Darrieux. Il y a notamment un mouvement baptisé « Don't Pay UK » qui rassemble aujourd'hui plus de 1,3 million de ménages britanniques qui refusaient de payer leurs factures de gaz et d'électricité tant qu'elles ne seraient pas redescendues à un niveau jugé raisonnable."
Tension autour du logement
Le Français vit à Islington, un quartier plutôt résidentiel dans le nord de Londres. Et même ici, au détour des maisons victoriennes et petites rues paisibles qui font le charme du lieu, les effets de la crise sont bien visibles, constate-t-il : "Ce qui est assez révélateur, c'est le départ de plus en plus d'habitants vers l'extérieur de Londres. La ville a toujours été plus chère que les autres et les familles vont de plus en plus loin pour trouver des loyers plus abordables." Ceux qui choisissent de rester vivre à Londres optent pour des appartements plus petits.
La tension autour du logement n'est, certes, pas nouvelle en Angleterre, mais elle atteint cette année des sommets, ajoute le Français : "Une des spécificités de Londres, c'est que la colocation est beaucoup plus développée ici qu'en France. Les Européens ou les Français qui viennent à Londres ne prennent en général jamais d'appartement seuls. La crise actuelle ne fait qu'augmenter ce mouvement-là." Le Français pour l'instant tient bon. "Cela fait à peu près huit ans que je dis que je reste encore un an et je suis toujours là !", sourit-il. "Mais c'est vrai que je pense à revenir en France de plus en plus. Il y a une qualité de vie dans le Sud-Ouest qu'on ne retrouve pas à Londres. A contrario, les opportunités de travail y sont beaucoup plus rares."
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