« Dès septembre, on risque d'avoir une explosion du nombre de procédures collectives »

INTERVIEW. Beaucoup d'entreprises commencent à rembourser leur prêt garanti par l'Etat (PGE) obtenu il y a deux ans pendant le 1er confinement. Mais dans le contexte inflationniste actuel, cela tend encore un peu plus la trésorerie de certaines PME. Au point d'entraîner une hausse du nombre de défaillances ? C'est la crainte d'Alexandra Blanch, administratrice judiciaire.
Alexandra Blanch, administratrice judiciaire, s'inquiète du nombre croissant d'entreprises en difficultés dans les couloirs du Tribunal de commerce de Bordeaux.
Alexandra Blanch, administratrice judiciaire, s'inquiète du nombre croissant d'entreprises en difficultés dans les couloirs du Tribunal de commerce de Bordeaux. (Crédits : Alexandra Blanch)

LA TRIBUNE - Le nombre de défaillances d'entreprises est en pleine hausse depuis le début de l'année (+ 49 % au 2e trimestre en France) sans pour autant renouer avec les niveaux d'avant la crise. Le mur de la dette est-il en train d'arriver ?

Alexandra BLANCH - On en parle depuis plusieurs mois maintenant mais, oui, je constate dans les demandes de rendez-vous, pour des conseils sur l'analyse de la situation, qui sont faites auprès de l'étude, qu'il s'agit de dirigeants qui n'ont plus de trésorerie et qui, parallèlement, doivent commencer à rembourser les PGE (prêts garantis par l'Etat) ou qui le feront à partir de septembre. Dans le même temps, l'Urssaf a recommencé les assignations pour retard de paiement de cotisations, le Trésor public les inscriptions de privilège [pour créances fiscales, NDLF] et la Banque de France indique qu'un décalage de remboursement du PGE entraînera une décote de la notation de l'entreprise... ce qui dissuade certains chefs d'entreprise de le faire. Mais c'est absurde : il vaut mieux être décoté aujourd'hui et sauver son entreprise plutôt que conserver sa notation et disparaître dans quelques mois !

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Quel est le profil de ces entreprises en difficultés ?

Ce sont notamment des entreprises dont le PGE sera exigible au mois de septembre. Nous recevons des PME, des entreprises du bâtiment, de la restauration, des traiteurs, des salles de sports... Autant de secteurs qui ont subi l'impact de la crise sanitaire et qui sont, ces derniers mois, touchés par les multiples incertitudes liées à la guerre en Ukraine, la baisse du pouvoir d'achat conjuguée à une hausse du coût des matières premières et de l'énergie, l'évolution des modes de consommation et aussi des annulations liées au rebond du Covid au printemps.

Pour certaines de ces entreprises, comme cette salle de sport qui ne s'est jamais remise du Covid, on aurait pu geler les dettes, au minimum pendant la période Covid, dans le cadre d'une conciliation ou d'un mandat ad hoc mais, là, quand il n'y a plus suffisamment de trésorerie pour payer les salaires du mois d'août, et qu'on nous téléphone à ce moment-là, c'est trop tard pour essayer de les sauver  avec une procédure amiable !

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Vous craignez donc un second semestre 2022 très sombre ?

Oui mais c'est déjà le cas ! Le mois d'août va être très compliqué et on risque d'avoir une hausse du nombre de procédures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire) à la rentrée de septembre et au mois d'octobre. Je suis très inquiète... Dès le mois de septembre, on risque d'avoir une explosion du nombre de procédures collectives.

Le but est de ne surtout ne pas être dans la situation de se dire plus tard : "si j'avais su  !" Donc je le répète à nouveau à tous les chefs d'entreprises, si vous avez des difficultés : faites-vous aider ! Venez nous voir c'est gratuit et cela n'engage à rien, dans la mesure où l'échange et confidentiel, ou allez voir le plus tôt possible votre expert-comptable, votre avocat, votre commissaire aux comptes ou le tribunal de commerce. Il y a des solutions mais n'attendez-pas qu'il soit trop tard !

D'autant que la situation actuelle porte des aléas économiques énormes sur le coût de l'énergie et des matières premières. Là encore, s'il y a un endettement et des tensions de trésorerie, ça va poser de gros problèmes à beaucoup d'entreprises dans les semaines et les mois qui viennent.

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