Il fait bon dans la rue Sainte-Catherine, principale avenue commerçante du centre-ville d Bordeaux, malgré les chaleurs caniculaires ! Et pour cause : 80 % des boutiques situées entre la place de la Comédie à la place Saint projet, ont les portes ouvertes alors que leur climatisation tourne à plein régime. Une pratique absurde en regard de l'urgence climatique actuelle comme en termes de consommation énergétique.
« Pour fermer les portes, on doit négocier avec la direction »
"Les portes sont ouvertes, car la direction nous y oblige ! Pour pouvoir les fermer, on doit négocier avec eux. Été comme hiver. [...] Dimanche dernier, il faisait près de 43°C à l'extérieur et on avait la clim à 19°C... [...] Étant pro-écolo, je trouve que c'est une aberration écologique, mais on n'a pas le choix", témoigne Adélaïde (*), vendeuse dans une enseigne de cosmétique du centre-ville.
Une situation loin d'être isolée rue Saint-Catherine. Sarah, vendeuse dans une enseigne de prêt-à-porter, tient le même discours : l'ouverture des portes s'explique par une obligation de la direction, une stratégie commerciale et un confort nécessaire pour les salariés et la clientèle. "Si l'arrêté municipal de Bourg-en-Bresse entre en vigueur à Bordeaux, je pense que nos pratiques vont évoluer", espère-t-elle cependant. A Bourg-en-Bresse ou encore à Lyon, la mairie vient d'interdire cette pratique avec une amende à la clef. Mais à Bordeaux, pour la municipalité écologiste, l'heure est encore à la pédagogie plutôt qu'à la sanction comme l'explique à La Tribune l'adjoint au maire en charge du dossier.
Une étude du CNRS et de Météo France montrait déjà en 2010 une augmentation de la température de 0.25 à 1°C à Paris uniquement à cause des climatiseurs. Un véritable cercle vicieux. Mais malgré des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et intenses, les commerçants maintiennent leurs mauvaises habitudes.
L'enseigne de prêt-à-porter Mango se cache ainsi derrière un discours quelque peu original : "On n'a pas de porte donc on ne peut pas fermer." Les salariées d'une enseigne de lingerie, ne souhaitent, quant à elles, pas s'exprimer non pas par manque d'intérêt pour le sujet... mais par interdiction de la direction.
« Laisser les portes ouvertes, c'est très Bordelais. »
Mais les consommateurs ont aussi leur rôle à jouer et ce n'est pas forcément gagné. "Voir une porte ouverte me certifie que la boutique l'est aussi. [...] Les portes ouvertes ça me donne envie de consommer. [...] et puis, le confort avant tout !" De nombreuses passantes rencontrées ne prêtent pas attention au phénomène ni à son impact environnemental.
Eve, vendeuse en maroquinerie, assure à La Tribune que "la porte fermée, c'est une barrière psychologique pour le client." Une porte manuelle difficile à ouvrir, un emplacement pas très favorable, l'enseigne met tout en œuvre pour gagner en visibilité en oubliant parfois le climat et le montant de sa facture d'électricité. "On fait comme dans les centres commerciaux, on laisse ouvert avec la clim. C'est très Bordelais comme pratique. Tout le monde fait ça !" Mais Eve assure qu'elle se pliera à une éventuelle réglementation... si tous les commerces suivent.
Interrogé sur le sujet par La Tribune, Eric Malézieux, directeur général de l'association Commerçants et artisans des métropoles de France (CAMF), considère que "tout est une question d'habitude." Complètement détaché de la situation, il estime que "la plupart des grandes enseignes ont les portes fermées. Par exemple, si vous prenez les galeries Lafayette qui sont un des moteurs de la rue Sainte Catherine, l'enseigne a toujours maintenue son credo : clim ou chauffage avec les portes fermées !" L'arbre qui cache la forêt.
Quelques bons élèves
Picture, Lush... de rares enseignes choisissent effectivement de limiter leur consommation de climatisation au strict minimum, et ce, en gardant les portes de leurs magasins fermées. La marque auvergnate, Picture, n'utilise le climatiseur que lors de fortes chaleurs : "On est en plein soleil aux alentours de 15h, là c'est vrai qu'utiliser la clim c'est nécessaire ne serait-ce que pour le confort des clients. [...] Et puis, on fait attention à l'écart de température, on ne descendra pas en dessous des 26°C par exemple." explique à La Tribune Ludovic un vendeur de la marque. Il assure que portes fermées ou non le flux de la clientèle reste identique.
Quelques mètres plus loin, la marque anglaise Lush, prend aussi le parti d'utiliser la climatisation avec parcimonie. "Aujourd'hui ce n'est plus une question d'argent, c'est une question de survie pour l'environnement !", confie Yann le responsable de la boutique, également située Promenade Saint-Catherine, un centre-commercial qui a incité au début du mois les commerçants à fermer leur porte pendant les fortes chaleurs.
Mais, plus largement, le gaspillage énergétique, qui reste la règle dans la majorité des enseignes de la rue Sainte-Catherine, fait réagir. "Foutage de gueule", pour certains tandis que d'autres croient en la responsabilité de chacun. Qui plus est, ce sujet en soulève d'autres comme le souligne Fabrice, un passant "Si les portes sont ouvertes ça ne sert à rien de mettre la climatisation en marche ! Mais ça ne sert à rien non plus de laisser les lumières et les panneaux publicitaires allumés la nuit..."
(*) Les prénoms de tous les salariés ont été modifiés à leur demande.
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