Éolien offshore à Oléron : les pêcheurs défendent une zone stratégique pour la filière

DOSSIER (4/4). Le projet de parc éolien prévu au large de l'île d'Oléron suscite l'inquiétude des pêcheurs de la région. Des craintes largement exprimées lors du débat public qui vient de s'achever. La Tribune publie cette semaine une série de quatre articles pour aborder les différentes facettes de ce projet contesté.
Bateaux de pêche au Château d'Oléron, en Charente-Maritime.
Bateaux de pêche au Château d'Oléron, en Charente-Maritime. (Crédits : CC by Jean-Pierre Bazard Wikimedia Commons)

C'est un "NON" ferme et définitif que le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) oppose au projet de parc éolien offshore prévu au large de la Charente-Maritime. Et pour cause : "les éoliennes seront tout pile dans la zone de pêche", résume Johnny Wahl, vice-président du comité et figure de proue de l'opposition locale.

La zone d'étude en mer sur laquelle le projet est envisagé, passée de 300 km2 à 743 km2 au cours du débat public, est en effet située dans la bande des 20 miles nautiques, au-delà de laquelle les bateaux de moins de 12 mètres ne peuvent pas naviguer. Soit près de 80 % des navires de pêche actifs en Charente-Maritime.

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Le projet en bref


  • Porté par l'Etat et par RTE, le projet « éolien en mer en Sud-Atlantique » prévoit à horizon 2030 un premier parc de 35 à 70 éoliennes posées au large des côtes charentaises, d'une puissance cumulée de 0,5 à 1 GW. Et éventuellement un second parc, posé ou flottant, d'une puissance d'au plus 1 GW. Avec un coût global estimé entre 1,5 et 3 milliards d'euros. Il s'inscrit dans la continuité d'un premier projet de 600 MW envisagé dès 2015, et réorienté depuis, au regard des objectifs inscrits dans la Programmation pluriannuelle de l'énergie : le lancement de projets éoliens pour une puissance cumulée de 3,35 GW entre 2019 et 2023, puis d'un GW par an ensuite.

Certes, à ce stade, le maintien d'une activité de pêche reste envisagé sur le futur parc - sachant que la décision finale reviendra au préfet maritime, qui confirmera ou non l'autorisation de pêche au moment de la mise en service. Quand bien même, l'expérience des pêcheurs étrangers laisse leurs confrères français perplexes.

Retours d'expériences peu convaincants

Invités à l'une des réunions organisées par la CNDP sur le sujet, fin novembre 2021, trois pêcheurs anglais, écossais et néerlandais ont tous fait état de difficultés et de risques à naviguer au sein d'un parc éolien - lorsque l'activité y est autorisée - et nuancé l'impact des effets "récif" et "refuge" que provoque un parc éolien interdit d'accès à la pêche (1).

"Globalement, on voit surtout une recomposition des territoires de pêches, et une réduction des volumes pêchés", résumait l'anglais Marlin Jackson. Pour l'écossais Malcom Morrison, la promesse d'une "cohabitation des activités" est un leurre : "la plupart du temps, quand un parc est en projet, on nous dit 'vous allez pouvoir continuer à pêcher dedans'. Mais pour moi, c'est surtout un moyen de repousser la discussion des compensations qui seront reversées aux pêcheurs".

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Co-auteur d'une étude de référence sur le sujet, Steven Degraer, chercheur au Royal Belgian Institute of Natural Sciences dit pourtant avoir observé "un pouvoir d'attraction pour certaines espèces aux abords des parcs" :

"En Belgique la capture a d'ailleurs augmenté pour une espèce de poissons plats à forte valeur marchande. Et l'effet réserve joue pour de nombreuses espèces : le bar, le tacaud, le cabillaud, la raie... Mais là où Marlin et Malcom ont raison, c'est que la plupart du temps, les poissons se concentrent à proximité des turbines. Il y a une différence entre le poisson présent dans le parc et celui que l'on peut pêcher."

4,8 millions d'euros produits chaque année sur la zone d'étude

Or, l'enjeu économique est de taille : en 2021, 41 % des produits vendus sous criées néo-aquitaines provenaient des criées charentaises, "ce qui correspond à 53 % de la valeur régionale", d'après le comité régional. La zone d'étude soumise au débat "est très importante pour les flottilles charentaises", abonde le Comité départemental des pêches de Charente-Maritime (CDPMEM), qui chiffre à 4,8 millions d'euros la valeur produite chaque année par les professionnels charentais sur les 743 km2 en question.

Également défavorable au futur parc, le CDPMEM pose toutefois une série de conditions en cas de lancement du projet. Il appelle notamment à réaliser des exercices de simulations de pêche aux arts dormants et traînants, "pour vérifier leur mise en œuvre et les conditions de sécurité" et à "adapter la configuration du parc si besoin", ou encore à "garantir des conditions permettant les pratiques de pêche au sein des couloirs par un écartement minimal de 1.000 mètres entre chaque ligne d'éoliennes".

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« Une alchimie à mettre en place »

Le CDPMEM plaide aussi pour intégrer les préconisations des pêcheurs dans le cahier des charges qui sera soumis aux candidats, lesquels devront s'engager à "travailler en étroite collaboration avec les pêcheurs". Une posture de construction saluée par Pierre-Emmanuel Vos, directeur du projet à la Dreal, pour qui la mise en œuvre du parc offshore de Saint-Nazaire fait figure d'exemple à suivre. "Les développeurs et les pêcheurs locaux ont collaboré pour limiter au mieux l'impact sur l'activité, en construisant par exemple de parc par quart et en autorisant les pêcheurs à naviguer sur la zone pendant la phase de construction. C'est une alchimie à mettre en place".

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Cet article est le dernier volet d'une série de quatre épisodes sur le projet de parc éolien offshore au large de l'île d'Oléron, en Charente-Maritime, publiés du 10 au 13 mai 2022 dans La Tribune :

(1) Les fondations des éoliennes peuvent générer en mer un « effet récif » et attirer la faune et la flore, tandis que l'arrêt de la pêche sur la zone du parc favorise le renouvellement des espèces marines, engendrant de fait un surcroît de population autour du parc.

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