Guerre en Ukraine : Lilian Boulard, un Bordelais à la frontière

Aquitains d'ailleurs. Il n'a pas hésité à mettre sur pause pour une durée indéterminée son poste de directeur d'agence immobilière aux Chartrons et sa société de taxis VTC. Début mars, Lilian Boulard a filé en Pologne, à la frontière avec l'Ukraine, donner un coup de main pour aider les réfugiés jetés sur les routes par la guerre.
Le Bordelais Lilian Boulard et son couvre-chef, au centre, avec des bénévoles dont l'acteur Mathieu Kassovitz, au premier plan, et l'artiste JR, en orange, à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine en mars 2022.
Le Bordelais Lilian Boulard et son couvre-chef, au centre, avec des bénévoles dont l'acteur Mathieu Kassovitz, au premier plan, et l'artiste JR, en orange, à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine en mars 2022. (Crédits : Lilian Boulard)

Ici, on l'a tout de suite rebaptisé Jack Sparrow, rapport au chapeau tricorne de pirate qu'il portait à son arrivée, comme Johnny Depp dans Pirates des Caraïbes. C'est même devenu sa marque de fabrique. "Ma fille me l'avait confié pour que je l'offre à un petit Ukrainien", raconte Lilian Boulard. "Mais comme il faisait -8 degrés quand on est arrivé, je l'ai tout de suite mis sur ma tête pour me protéger du froid." C'est en voyant les images de la guerre sur les chaînes info, fin février, que le chef d'entreprise a décidé d'aller là-bas, avec un copain chauffeur de VTC, juste pour aider. Et comme ils sont partis à deux voitures, ils se sont baptisés avec un brin d'ironie le "Convoi de la solidarité".

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Un élan de solidarité

"Dès qu'on a commencé à parler de notre projet sur Internet, en particulier sur le réseau WhatsApp", se souvient-il, "il y a eu une solidarité et une générosité incroyables ! Les gens, les pharmaciens des Chartrons à Bordeaux, et une association bordelaise, Gargantua, nous ont donné de la nourriture et des produits pour bébés."

Lilian Boulard

Lilian Boulard.

Le fulgurant succès de l'opération a d'abord un peu dépassé le Français. Aujourd'hui, l'initiative est mieux encadrée avec un groupe de discussion créé par département dans toute la France. Leur premier voyage remonte au 8 mars dernier et il y en a eu d'autres depuis. A chaque fois ou presque, le duo termine son périple à Médyka, à 24 heures de routes, devenue capitale mondiale de la solidarité à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine. "La première fois, il y avait des milliers et des milliers de personnes qui arrivaient", se souvient Lilian Boulard. "Ils tapaient sur la porte de nos voitures en criant «aidez-nous, aidez-nous !» Du coup, on s'est arrêté là !"

Une planche, deux tréteaux et Mathieu Kassovitz

A ce moment-là, ils étaient 80.000 chaque jour à fuir les combats et les bombardements. Ils sont dix fois moins aujourd'hui. A leur arrivée, les deux Français ont installé une table de fortune, une planche sur deux tréteaux, pour distribuer le fruit de leur collecte à ces femmes et ces enfants, les hommes étant au front, en transit vers Cracovie ou Varsovie.

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Une partie de la marchandise part aussi vers ceux qui sont restés en Ukraine. "C'est comme un service de restauration mais 24 heures sur 24 !", témoigne le Français, marié et père de trois enfants. "Le plus difficile, c'était de savoir où tous les dons allaient. Maintenant, on a nos contacts sur place et une traçabilité exacte avec photos."

Lilian Boulard parle aussi des belles rencontres qu'il a faites en Pologne, comme celle avec l'acteur réalisateur Mathieu Kassovitz et JR. L'artiste a réalisé à Lviv, en Ukraine, une fresque éphémère de 40 mètres de long, à l'effigie d'une fillette souriante, en hommage au peuple ukrainien. "Ils sont passés à Médyka et ont vu la misère humaine", raconte le Bordelais. "Ils ont distribué avec nous des compotes et des couvertures. On est devenus très proches. Ils ont créé une association et nous envoient toutes les semaines un camion avec les besoins qu'on a sur place."

Enfin de semaine dernière, Lilian Boulard, 50 ans, est quand même rentré quelques jours à Bordeaux pour prendre un peu de repos et de recul après ce qu'il a vu sur place. "Psychologiquement, c'est très dur. Je n'ai jamais pleuré auparavant, plutôt un peu mec quoi, et là ça m'arrive à peu près trois fois par jour avec des souvenirs qu'il est difficile d'évoquer", confie non sans pudeur ce grand gaillard.

Aller plus loin : Le Convoi de la solidarité

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