Quand le Covid remet en question les carrières professionnelles

Si la crise Covid a paralysé des secteurs entiers de l'activité, elle a également accéléré les interrogations autour du sens au travail. Remise en question, reconversion, quête de valeurs, le sens que l'on attribue au travail est devenu plus que jamais un sujet incontournable.
Gérald Maury dirige le service Conseil en évolution professionnelle en Nouvelle-Aquitaine.
Gérald Maury dirige le service Conseil en évolution professionnelle en Nouvelle-Aquitaine. (Crédits : Agence APPA)

Certains le ressentent comme une envie, d'autres comme une nécessité. La « pause » chômage partiel ou confinement a été parfois une révélation sur les trajectoires professionnelles, à travers cette question capitale, à laquelle on a enfin pris le temps de répondre : mon travail a-t-il un sens ? Selon une enquête CEP (Conseil en évolution professionnelle) Nouvelle-Aquitaine, 57 % des actifs dans notre région disent avoir un projet de reconversion dans les 12 prochains mois. En 2021, ils ont été 18.000 à avoir sollicité le CEP et plus de 14.000 demandes ont abouti à un accompagnement soit plus de 37 % d'augmentation par rapport à l'année 2020.

"Ce sont des salariés qui s'interrogent sur leurs conditions de vie au travail, le salaire, l'équilibre vie professionnelle/vie privée, qui se questionnent sur la possibilité d'une évolution dans le même secteur professionnel, dans le cadre d'une problématique de mobilité interne ou encore s'interrogent sur un changement de cap. La pandémie a exacerbé ces éléments émotionnels", précise Gérard Maury, le directeur du CIBC 33 (Centre interinstitutionnel des bilans de compétences de la Gironde) et du projet CEP en Nouvelle-Aquitaine.

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Le CEP, créé dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, est un service d'accompagnement gratuit et personnalisé qui permet à tout actif, à n'importe quel moment de sa vie professionnelle, de disposer d'un temps d'écoute entièrement dédié à ses envies d'évolution. "En 2021, nous avons reçu des actifs du secteur sanitaire et social, du commerce, secteurs impacté par le Covid dont 63 % de femmes, de tout âge avec une proportion plus importante de 35/45 ans", détaille Gérard Maury.

Plus que jamais dans l'air du temps, la quête de sens est un des principaux ressorts de la reconversion professionnelle volontaire. "Les processus de réorientation à 360° ne sont pas si massifs que ça mais le sujet est plus mature d'un point de vue individuel", observe Gérard Maury. Les fameux banquiers, ingénieurs... CSP + bien intégrés dans leur univers professionnel et souvent bien rémunérés ne sont pas si nombreux à bifurquer vers un chemin de traverse. Mais pour ceux là, avoir le sentiment d'être utile aux autres est un moteur puissant.

Pourquoi changer de carrière ?

À l'aube de la cinquantaine, Frédérique Delaunay, chef de projet supply chain international a négocié une rupture conventionnelle pour changer d'orientation : "Ma motivation ? Une recherche de sens. Ce n'est pas un rejet de mon métier que j'ai aimé, mais je souhaitais travailler dans une relation d'aide en lien avec les enfants. J'ai passé le concours d'institutrice que j'ai obtenu." Une fois en poste, Frédérique s'aperçoit qu'elle n'avait pas anticipé la gestion de classe, une compétence qu'elle a estimé à cinq ans d'expérience pour arriver à un niveau de maîtrise qui lui permette de travailler cette relation d'aide. Trop long ! "À nouveau, grosse remise en question Je me suis alors orientée vers la graphothérapie que j'exerce aujourd'hui. J'ai monté un cabinet pour ne pas être isolée, avec des collègues dans le même esprit du soin : une praticienne en réflexes archaïques, une sophrologue... Bien sûr, j'ai laissé tomber mes prétentions salariales, mais c'est un luxe que je pouvais me permettre après 23 ans de carrière."

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Changer de vie et donner du sens, c'est aussi le chemin qu'ont pris Stéphane et Marie-Pierre Vincent, laissant derrière eux une vie active assez classique entre CDiscount, et Leroy Merlin pour lancer en plein confinement We Go GreenR, une plateforme de tourisme durable. Sensibilisés à la reconversion, leurs premières recrues font partie de cette même tribu : "L'une avait une carrière chez Chanel, avec des compétences en logistique et s'était à nouveau formée sur un bachelor en tourisme. Elle est responsable des relations avec les hébergeurs. La seconde, cadre au sein du groupe Accord, formée aux enjeux RSE a été recrutée pour produire des contenus de formation pour les hôteliers. Étant nous-mêmes passés par cette étape, ces parcours aux compétences transférables, nous ont séduit", confie Marie-Pierre.

Et il est fort possible qu'à l'avenir, au regard des tensions exacerbées par la pandémie sur certains secteurs, les entreprises ouvrent de plus en plus le champ des possibles en misant sur les reconversions professionnelles, et s'émancipent de la culture du diplôme, si valorisée en France.

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