Alain Afflelou tire les leçons de 50 ans de coups marketing et de succès commercial

Alain Afflelou est passé en un demi-siècle d'une boutique à Bordeaux-Bouscat à 1.440 magasins dans le monde à grands renforts d'une communication savamment orchestrée. L'entrepreneur a tenu à célébrer les 50 ans de son essor commercial sur un marché de la lunette jusque-là plutôt habitué à l'austérité des opticiens traditionnels. Morceaux choisis dans La Tribune.
Alain Afflelou, le 3 mars 2022 à Bordeaux, 50 ans, jour pour jour, après l'ouverture de sa première boutique au Bouscat.
Alain Afflelou, le 3 mars 2022 à Bordeaux, 50 ans, jour pour jour, après l'ouverture de sa première boutique au Bouscat. (Crédits : One Style Production / We&BY events)

C'est à seulement 24 ans, le 3 mars 1972, qu'Alain Afflelou a ouvert sa première boutique de lunettes, sur 70 m2, barrière du Médoc, au Bouscat, près de Bordeaux. 50 ans plus tard, le réseau, qui a opté pour la franchise en 1978, aligne 1.440 magasins dans 19 pays, principalement en Europe mais aussi en Afrique francophone. Une croissance  bâtie sur des intuitions commerciales, une communication bien rodée et des spots publicitaires innovants. Le fondateur de l'entreprise, minoritaire au capital depuis 25 ans mais toujours aux manettes, revient sur les étapes marquantes de cette success story.

  • La première pierre

À plus de 70 ans, Alain Afflelou ne s'en cache pas : son attachement à sa première boutique reste extrêmement fort : "Toutes les habitudes de mon quotidien dans ce premier magasin sont inscrites dans ma mémoire, chaque geste, la météo de chaque jour de la première année, tout est là !". D'autant qu'à 24 ans, ce premier magasin fait aussi office de formation sur le tas au métier d'opticien pour le fraîchement diplômé de l'OCP (institut et centre d'optométrie) : "On y apprend tout des clients et on y apprend tout de la vie, surtout pour un métier que je ne connaissais pas, je n'avais aucun lien avec l'optique avant de me lancer !" Un secteur d'activité que l'entrepreneur, bordelais d'adoption, n'a pas hésité à bousculer d'entrée de jeu : "On a immédiatement choisi de bannir les blouses blanches des opticiens traditionnels en partant du principe que nous voulions vendre des lunettes qu'on avait envie d'acheter et de porter." Le tout dans des boutiques remises au goût de la mode d'alors.

Alain Afflelou

L'une des campagnes publicitaires marquantes d'Alain Afflelou (crédits : Alain Afflelou).

  • La stratégie low-cost

C'est l'une principes cardinaux de la stratégie commerciale d'Alain Afflelou :

"Personne n'accepte de payer plus s'il peut payer moins pour le même produit. Je pensais viser surtout les gens modestes avec mes prix bas mais en réalité j'ai touché tout le monde ! [...] Je ne suis pas très fort en mathématiques mais j'ai rapidement fait un petit calcul pour comprendre qu'en baissant ma marge je pourrai me rattraper en attirant plus de clients, il m'en fallait 18 % de plus à l'époque !", rigole-t-il encore.

Le secret c'est aussi un approvisionnement principalement opéré à l'étranger pour diminuer les coûts, particulièrement en Chine. Ici pas de cocorico autour du fabriqué en France même si des collections Alain Afflelou ont adopté ce positionnement depuis quelques années. Avec entre 2,5 et 3 millions de paires de lunettes vendues par le réseau chaque année, Alain Afflelou met aussi en avant des questions de capacité de production pour justifier son recours au made in China. Mention obligatoire qui est d'ailleurs à l'origine de l'offre "Tchin Tchin". "J'ai adopté ce slogan contre l'avis de l'ensemble de l'entreprise mais c'était pour faire de la Chine une force commerciale plutôt qu'une honte !", souligne-t-il.

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  • Publicité et franchise

Pour se faire connaître sur un marché dominé par des opticiens très sérieux, Alain Afflelou assume avoir "lancé une énorme campagne de pub" : "on a bastonné en publicité si bien que tout le monde parlait de moi, en bien ou en mal !" Six ans après l'ouverture de la 1ere boutique, deux autres magasins s'installent en plein centre de Bordeaux : cours de l'Intendance puis rue Sainte-Catherine. Mais, à l'époque, aucun des trois points de vente ne reprend le nom d'Afflelou. Ce n'est qu'avec la bascule vers le modèle de la franchise que ce nom s'est imposé de lui-même :

"A la fin des années 70, des opticiens d'Aquitaine et d'ailleurs sont venus me demander conseil pour faire la même chose et c'est alors qu'on a envisagé le système de la franchise. Ce n'était pas prémédité ! Et il alors fallu trouver un nom. Un publicitaire y a beaucoup travaillé pour finalement me proposer Alain Afflelou parce qu'il y a deux A et parce que c'est nom peu courant dont on se souvient une fois mémorisé. D'où ensuite le slogan "On est fou d'Afflelou" pour jouer sur la sonorité. Contre toute attente c'est quelque chose qui me suivra toute ma vie !"

Alain Afflelou

L'une des campagnes publicitaires marquantes d'Alain Afflelou (crédits : Alain Afflelou).

La croissance et l'international

Après la première boutique en 1972, le premier magasin franchisé ouvre à Rouen en 1978 puis tout s'accélère : 100 boutiques en 1985, 500 en 2002 puis un millier en 2009. Aujourd'hui, le réseau Alain Afflelou c'est 850 magasins en France et 1.440 au total avec une présence dans 19 pays dont principalement l'Europe et l'Afrique francophone. En revanche, les lunettes Afflelou n'ont jamais traversé l'Atlantique :

"Il faut être vraiment très fort et avoir beaucoup de moyens pour apprendre à des Américains à vendre quelque chose, surtout des lunettes !", s'exclame Alain Afflelou. "J'ai toujours en tête ce principe fondamental de ne pas se lancer dans un projet dont l'échec pourrait mettre en péril l'ensemble de l'entreprise."

La concurrence actuelle

Quant au regard sur le marché actuel de la lunette qui a, entre temps, attiré plusieurs réseaux de franchisés et, ces dernières années, de nouveaux acteurs ouvertement positionnés sur une baisse drastique des prix et des délais de production, Alain Afflelou n'est pas inquiet. "Le marché se porte très bien et on ne voit pas beaucoup d'opticiens faire faillite ! Notamment parce qu'il est sponsorisé en France par le gouvernement avec les remboursements de frais même je suis convaincu qu'on vendrait plus de lunettes sans remboursement. Parce que le remboursement pose les lunettes comme un produit médical qu'elles ne sont pas et, finalement, insiste sur le reste à charge", analyse le chef d'entreprise, désormais également positionnés sur le marché des dispositifs auditifs.

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Minoritaire au sein de son entreprise depuis 25 ans, il y garde néanmoins une place prépondérante auprès de trois de ses fils à la fois pour incarner la voix dans les publicités mais aussi sur le plan stratégique avec l'innovation comme fil rouge :

"Les vraies questions que l'on doit se poser en permanence ce sont : qu'est-ce qu'on a qui ne fonctionne pas suffisamment bien ? Que veulent les gens qui n'existent pas sur le marché ? Peut-on l'inventer ?".

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