Recyclage : comment les startups structurent leurs modèles économiques (2/3)

ANALYSE. Convaincus et passionnés, ils ont décidé de se lancer dans le recyclage ou le réemploi pour donner du sens à leur travail. Les fondateurs de plusieurs startups girondines partagent les coulisses de leur activité entre modèles économiques à bâtir, matières premières à collecter et obstacles à surmonter.
Nomads Surfing propose à la vente des planches et accessoires de surf eco-conçus.
Nomads Surfing propose à la vente des planches et accessoires de surf eco-conçus. (Crédits : Nomads Surfing)

Ils ont décidé de recycler des peintures inutilisées, des capsules de café, des mégots, des planches de surf, des biodéchets ou encore du plastique à usage unique. Leur point commun ? Donner du sens à leur activité professionnelle, à l'image de Nicolas Thyebaut, le co-fondateur de Nomads Surfing à Bordeaux :

"Cette entreprise, c'est l'histoire de trois surfeurs expatriés en Asie du Sud Est qui, pour aller surfer, devaient se frayer un chemin sur des plages polluées et dans une eau remplie de plastique. Travailler pour des grands groupes, c'était cool, mais on s'est demandé si on ne pouvait pas se lancer dans une activité qui ferait sens pour nous. En l'occurrence, alors qu'il y avait très peu d'alternative sur le marché du surf, nous avons réfléchi à ce que nous pouvions apporter à cette industrie qui, elle-même, contribue à la pollution. Nous avons créé une marque de planches et d'accessoires éco-responsables."

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Dans le même esprit, Séverine Frechou, la fondatrice de Neoless, a décidé de creuser une idée quand on lui a offert une machine à café à capsules.

"En réalité, on ne fait rien de ces capsules. Elles sont enfouies ou incinérées !", déplore-t-elle.

Même chose pour les 28 millions de litres de peintures acryliques envoyées à l'incinération chaque année et que Circouleur a décidé de recycler ou encore pour les biodéchets qui finissent dans les poubelles noires alors qu'ils pourraient être compostés, envoyés dans des usines de méthanisation ou, à terme, produire de l'hydrogène comme l'envisage BicyCompost à Bordeaux.

Circouleur

Les pots de peinture Circouleur. (crédits : Circouleur).

Vente ? Collecte ? Quel modèle économique ?

Mais quel modèle économique mettre en place pour assurer une rentabilité à ces projets ? Circouleur a opté pour un schéma classique : la société tire une rémunération de la vente des pots de peintures qu'elle fabrique. Elle n'a pas encore atteint la rentabilité, mais table sur une augmentation de sa production dans le cadre d'un partenariat qui va lui permettre un meilleur accès à sa ressource déchet. Nomads Surfing s'achemine, pour sa part, sur un modèle mixte, à savoir vendre les produits qu'elle fabrique aujourd'hui, et pourquoi pas, à l'avenir, proposer une prestation payante de recyclage pour les anciennes planches de surf.

"Les modèles basés sur un service de collecte ne sont pas simples mais des entreprises trouvent des solutions", reconnait Maïlys Grau, fondatrice de Circouleur.

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Keenat vend, en l'occurrence, un "pack" de prestations aux collectivités, entreprises et organisations qui souhaitent recycler des mégots, des masques et désormais des chewing-gums. Il comprend des actions de sensibilisation, la mise à disposition de cendriers, des prestations de collecte, des rapports d'impact. Actuellement, en pleine levée de fonds, elle ne dévoile pas son chiffre d'affaires mais affirme être rentable depuis 2019. "Personne ne croyait que le sujet mégot serait générateur d'un modèle économique. Nous prouvons le contraire !", explique Sandrine Poilpré, co-fondatrice de Keenat.

Des freins à lever ?

Plusieurs problématiques se posent en effet à ces jeunes pousses : "Quand il est question de projets d'ordre public, beaucoup estiment que cela devrait être gratuit. Mais pour pouvoir créer une filière, il est évident qu'il faut faire payer une prestation", témoigne Sandrine Poilpré. "Si les entreprises se font désormais à l'idée, notamment parce que la règlementation évolue, cela reste en revanche compliqué du côté du particulier, un marché sur lequel nous souhaitons pourtant aller", souligne Séverine Frechou de Neoless.

Pour beaucoup, la question de la quantité de déchets disponibles se pose également. Des déchets qu'il faut trouver en quantité, mais aussi de qualité, ajoute Julie Robert de la Plastiquerie, spécialisée dans la création et la vente d'objets design en plastiques recyclés :

"Notre source de plastique en amont doit être bien étudiée et identifiée afin de garantir un produit non nocif. Nous allons faire appel à un laboratoire afin que chaque flux soit testé et surtout bien choisir nos gisements source. Cela demande des contacts, des investissements."

"Il faut par ailleurs réussir à communiquer sur une ressource plutôt qu'un déchet pour que nos objets soient et restent désirables", confie-t-elle également.

La Plastiquerie

Une applique design réalisée par La Plastiquerie. (crédits La Plastiquerie).

Quant à la question de la rentabilité, Nomads Surfing n'y est pas encore sur l'activité recyclage de planches "Tout est fait manuellement, c'est long et parfois compliqué. Pour que cela devienne rentable, il faudrait y passer moins de temps et donc que les planches soient construites différemment", explique Nicolas Thyebaut, abordant le sujet de l'éco-conception.

Nomads Surfing

Le recyclage des planches de surf. (crédits : Nomads Surfing).

Le recyclage à tout prix ?

Les startups doivent donc parfois adapter leur modèle, saisir aussi les opportunités. Si Nomads Surfing a débuté une activité de valorisation des planches en fin de vie, c'est parce qu'elle a été sollicitée, fin 2021, dans le cadre d'une étude. "Nous n'avions pas envisagé nous lancer la-dedans", reconnaît Nicolas Tyebau. De la même manière, alors que la société prévoyait de fabriquer ses propres planches à partir de déchets, elle a revu sa copie.

"En faisant des expériences avec du 100 % recyclé, nous n'obtenions pas les mêmes caractéristiques techniques, les mêmes performances. Plutôt que d'aller sur du recyclé, nous partons finalement sur du biosourcé. Notre planche est constituée d'un pain de mousse à partir d'huile végétale et d'une résine à 50 % issue de la biomasse", explique-t-il.

La société fabrique en revanche des ailerons de surf à partir de filets de pêche, et des grip à partir de bouchons en liège et, demain, des tongs. "Aujourd'hui, rien n'est fait dans la filière des tongs, et puisque nous avons besoin de cette mousse, peut-être que nous mettrons en place, demain, des lieux de collecte", déclare-t-il.

"Il y a plein de flux de déchets qui ne sont pas traités de façon optimale. Il reste des choses à faire pour rationaliser les circuits de collecte", insiste Maïlys Grau, aguerrie.

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