Comment Previmeteo mise sur l'économie de la fonctionnalité pour se démarquer

INTERVIEW. Fondateur de Previmeteo, Jean-Pierre Bouchillou fait partie des "pionniers" de l'économie de la fonctionnalité et de la coopération en Nouvelle-Aquitaine. Face à la gratuité des applications météo, il s'efforce depuis plusieurs années d'embarquer sa société dans un modèle économique plus durable, en personnalisant au maximum les services proposés aux clients. Mais commence à toucher les limites de ce développement "sur mesure".
Face à la concurrence des offres gratuites, l'entreprise bordelaise Previmeteo a fait évolué son modèle vers des services personnalisés.
Face à la concurrence des offres gratuites, l'entreprise bordelaise Previmeteo a fait évolué son modèle vers des services personnalisés. (Crédits : Previmeteo)

LA TRIBUNE - Depuis quand êtes-vous engagé dans une démarche EFC ?

Jean-Pierre BOUCHILLOU - J'ai commencé à me poser des questions sur l'avenir de l'entreprise quand les smartphones se sont massivement déployés, avec pléthore d'applications météo gratuites. Aujourd'hui on accède gratuitement aux services météo, et on trouve ça naturel ! Et en parallèle, la moitié de l'économie mondiale est impactée par la météo donc il y a une totale décorrélation entre le prix du service proposé et son impact sur la société. Je pressentais déjà il y a une dizaine d'années qu'il fallait changer de modèle parce que nous étions pris dans un effet de ciseaux : il fallait à la fois financer la R&D pour gagner en performance, et en même temps, faire face à une forte baisse des prix. Mais c'est véritablement en assistant à une conférence de Christophe Sempels, le "prêtre" de l'EFC en France, organisée par le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises il y a cinq ans, que j'ai eu le déclic.

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Comment s'est traduit ce déclic : en quoi consiste la démarche EFC chez Previmeteo ?

L'idée a été de revenir au besoin du client, de systématiquement se demander à quoi lui servent nos prévisions, et comment améliorer la plus-value de notre offre. C'est d'ailleurs dans l'ADN de la société, que j'ai créée quand j'étais instructeur de montgolfière pour savoir quand faire venir les élèves pour voler en toute sécurité. Donc, depuis cinq ans environ, nous nous efforçons de chercher la valeur que notre service génère chez nos clients, pour ensuite co-construire avec eux des solutions sur mesure. Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, il a fallu acculturer les collaborateurs pour que cette démarche devienne un réflexe.

Et finalement, quelles nouvelles offres proposez-vous aujourd'hui ?

Nous avons par exemple développé en 2018, avec un partenaire québécois, un logiciel qui quantifie la quantité de sel de déneigement à déverser sur les routes en fonction de conditions météorologiques, et qui détermine quand il faut déverser le sel. C'est là où la dimension coopérative prend tout son sens : nous nous sommes associés à un partenaire complémentaire, pour proposer un service qui permettra à nos clients de réduire leur impact économique et environnemental. Aujourd'hui, la solution est utilisée par le ministère des transports du Québec, qui gère toutes les routes nationales. Nous construisons notre nouvelle offre un peu à la manière d'une construction lego, brique après brique. Nos clients proviennent de secteurs très variés (aéronautique, BTP, grande distribution, etc.), donc nous devons être flexibles et capables de nous adapter à des besoins très divers.

Cette dimension coopérative implique aussi que les clients revoient parfois leur modèle d'affaires...

Oui, et tous ne sont pas prêts à le faire ! J'ai en tête l'exemple d'Eurodisney, avec qui nous avons travaillé pendant près de 14 ans : ils utilisaient nos données météo pour décider de saler ou non les allées du parc. Nous leur avons proposé de bâtir ensemble leurs besoins en volume de sel - à l'époque le partenariat québécois n'existait pas encore, en leur expliquant qu'ils pouvaient économiser 10 à 20 % de sel, mais ils ont refusé ! Parce que celui qui achetait le service météo n'était pas le même que celui qui achetait le sel, et que donc, au plan purement comptable, le premier se voyait imputer une hausse des prix sans bénéficier de l'économie dont aurait profité le deuxième.

Aujourd'hui, que représente l'EFC dans votre modèle économique ?

Elle pèse un poids encore relativement marginal dans notre chiffre d'affaires (qui était de 600.000 euros en 2020), de l'ordre de 15 à 20%. Nous n'avons pas basculé de modèle, je dirais même que notre transition plafonne. Nous touchons aujourd'hui la limite du "sur mesure", parce que nous gérons des clients de secteurs d'activités différents. Donc nous sommes en train de changer notre fusil d'épaule, pour basculer d'une offre non pas individualisée mais personnalisable. Depuis cet automne, nous essayons de constituer des collectifs d'entreprises clientes avec lesquelles nous pourrions bâtir un socle de besoins communs pour coconstruire des solutions mutualisées.

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