« Ce sont les contraintes d'offre qui pourraient freiner la dynamique de croissance »

INTERVIEW. Denis Lauretou, le directeur régional de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine, confirme la force en 2021 de la reprise économique néo-aquitaine en sortie de confinement. Ses prévisions restent optimistes pour 2022, faisant le pari que la surchauffe inflationniste se dissipera dans le courant de l'année.
(Crédits : Agence APPA)

[Propos recueillis le 8 décembre 2021]

LA TRIBUNE - L'an dernier vous aviez misé sur un retour fin 2021 au niveau d'activité de septembre 2020 en Nouvelle-Aquitaine. La reprise a été plus forte que prévu, comment analysez-vous ce rebond d'activité en 2021 ?

Denis LAURETOU - Après la chute d'activité historique de 2020, la vigueur de la reprise s'est confirmée en 2021, portée par la réouverture de l'économie, la demande intérieure, l'investissement des ménages et des entreprises, ainsi que par le fort soutien de l'économie par la puissance publique. Le PIB et l'emploi ont nettement rebondi au deuxième trimestre et l'économie française a retrouvé son niveau pré-crise durant le 3e trimestre, soit nettement plus tôt que prévu. Ainsi, la croissance du PIB devrait s'établir à 6,7 % en 2021, soit le plus haut chiffre depuis 50 ans, les dernières mesures sanitaires relatives à la cinquième vague et la variant Omicron n'étant susceptible de n'avoir qu'un impact limité sur cette orientation favorable. Il faut souligner que le tsunami de faillites de même que la vague-submersion de chômage qui avaient été annoncés ne se sont pas produits.

En Nouvelle-Aquitaine comme au plan national, la croissance est tirée par le secteur des services marchands, dont les volumes d'activité dépassent depuis septembre leur niveau pré-Covid. La restauration poursuit son redressement, l'hébergement, la réparation automobile, les activités de loisirs et les services aux entreprises progressent également.

L'industrie manufacturière reste en revanche globalement en deçà de son niveau d'avant crise, essentiellement du fait du secteur automobile pénalisé par les difficultés d'approvisionnement et, à un moindre degré, de l'industrie aéronautique liée en particulier à l'aviation commerciale civile. Quant au bâtiment, les affaires restent très dynamiques en Nouvelle-Aquitaine et l'activité ressort souvent à un niveau supérieur à celui de fin 2019. Pour autant, dans un contexte où les carnets de commandes se maintiennent à un niveau élevé, les tensions sur les approvisionnements conjuguées aux difficultés de recrutement freinent la réalisation des chantiers.

Existe-t-il encore un risque sérieux de voir ce rebond d'activité des entreprises et de consommation des ménages compromis en particulier en Nouvelle-Aquitaine par une reprise de la pandémie ?

On l'a vu, en 2021, la dynamique de croissance a été plus ample et plus précoce qu'estimée en tout début d'année mais, comme je l'ai exprimé à plusieurs reprises au cours des mois écoulés, la maîtrise de la situation sanitaire demeure la première condition à cette orientation favorable. Quoiqu'il en soit, comparativement à l'an passé à la même date, les entreprises régionales -et leurs salariés- ont appris à travailler avec les protocoles sanitaires et elles ont fait preuve de résilience. Aujourd'hui, il apparait que ce sont les contraintes d'offre qui pourraient freiner la dynamique de croissance, en Nouvelle-Aquitaine comme sur le plan national.

En effet, les difficultés d'approvisionnement et de recrutement observées dans certains secteurs pourraient s'accentuer et détériorer plus longuement la capacité des entreprises à répondre à la demande qui leur est adressée. De même, les tensions observées sur les prix de l'énergie et des intrants pourraient se diffuser davantage sur les prix des produits et peser sur le pouvoir d'achat des ménages ou potentiellement sur les marges des entreprises.

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Si l'on écarte ce risque pandémique des prévisions, comment se présente l'année 2022, sachant que le "choc de la reprise" s'accompagne d'une tendance inflationniste dont Jérôme Powell, le patron de la FED, estime qu'elle pourrait durer ?

En 2022, la croissance du PIB serait encore soutenue, toujours tirée par la demande intérieure, l'investissement mais également par le commerce extérieur grâce à la demande mondiale et au redressement des performances à l'exportation, en particulier dans les secteurs plus longtemps affectés (aéronautique notamment).

Nos projections macroéconomiques de septembre tablaient sur une inflation totale à 1,8 % en 2021 en France, avec des pics mensuels plus marqués, mais cette estimation pourrait être revue à la hausse d'ici à la fin de l'année. Pour autant, cette poussée, due notamment aux effets des augmentations des prix de l'énergie et des intrants industriels sur les produits manufacturés, devrait rester temporaire ; le niveau des prix revenant dans quelques mois dans la cible de la Banque Centrale Européenne.

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