Après l'abaissement, l'été dernier, de son plan de charge à sept lancements annuels au lieu des onze initialement prévus, l'annonce par ArianeGroup de près de 600 suppressions de postes était tombée dès le mois de septembre 2021. A l'issue de trois mois de négociations, le plan d'adaptation des effectifs a reçu lundi 6 décembre un avis défavorable unanime des quatre syndicats représentatifs (CFE-CGC, CFDT, CGT et FO). Mais l'accord de rupture conventionnelle collective (RCC) a lui été signé mercredi 8 décembre par trois des quatre syndicats (CFE-CGC, CFDT et FO).
"On ne remet pas en cause la réalité de la baisse de -36 % du plan de charge de l'entreprise mais on ne peut pas pour autant cautionner un plan de baisse des effectifs, notamment au regard des risques liés à la charge de travail qui retombera sur les équipes restantes", explique à La Tribune Philippe Géry, délégué syndical de la CFE-CGC, le 1er syndicat représenté chez ArianeGroup. "En revanche, nous avons signé la RCC pour permettre aux candidats au départ de bénéficier de meilleures conditions sur le principe du double volontariat qu'il n'y aura aucun licenciement économique chez ArianeGroup d'ici la fin 2022."
Du côté de la direction, Florence Gallois, la directrice des ressources humaines, salue également la signature de cet accord à l'issue de sept réunions depuis le 11 octobre : "Ces échanges en profondeur ont permis de bâtir un projet d'accord signé par trois organisations syndicales (CFDT, CGC et FO), rassemblant une très large majorité. La négociation a permis de définir un dispositif complet de mesures visant à améliorer la compétitivité de l'entreprise, tout en préservant ses compétences. Le principe de cet accord est d'organiser les départs sur la base du double volontariat des salariés et de l'entreprise en excluant tout licenciement pour motif économique en 2022".
264 suppressions en Gironde
Seule la CGT a donc refusé de parapher le document qui prévoit la suppression de 588 postes dont 527 en France, d'ici la fin de l'année 2022. Comme anticipé dès le mois de septembre, 264 suppressions, soit la moitié des départs, concernent les trois établissements girondins où ArianeGroup emploie près de 3.500 salariés : Le Haillan (75 départs), Saint-Médard Poudrerie (61 départs) et Saint-Médard Issac (128 départs). "Tous les métiers qui ne sont pas en lien direct avec le volume de production et l'activité opérationnelle sont concernés par la RCC selon le principe du double volontariat du salarié et de l'entreprise. Ce sont les fonctions supports mais aussi, par exemple, des postes de logisticiens, de programme, de qualité, etc.", précise Philippe Géry.
Mais au-delà de cette réduction des effectifs, la coentreprise entre Safran et Airbus qui développe le lanceur lourd Ariane 6, dont le tir inaugural a été reporté au troisième trimestre 2022, fait face à d'importants défis en interne et en externe. "Nous souffrons d'un énorme retard sur le sujet du numérique par rapport à nos maisons mères. Nous n'avons, par exemple, toujours pas d'outils de signature électronique ni d'ERP [logiciel de gestion intégré] global opérationnel. Ce qui fait qu'on a d'énormes doutes sur la capacité de l'entreprise à absorber ces 600 suppressions grâce à la transformation numérique comme le prévoit la direction", poursuit le responsable CFE-CGC.
Et Philippe Géry pointe également un enjeu plus profond pour expliquer les difficultés internes de la coentreprise : l'absence d'une culture d'entreprise commune aux différents sites et salariés issus d'Airbus et Safran. "Nous avons des coûts cachés très élevés liés à des manières de fonctionner et des pratiques managériales très différentes. Nous considérons que l'harmonisation des statuts et la création d'un management unifié doit être la priorité de la direction en 2022 pour que l'on apprenne à vivre et travailler ensemble", avance-t-il.
Peu de visibilité après 2022
D'autant qu'outre ces difficultés internes, ArianeGroup fait face à une concurrence accrue de la part des acteurs du new space, tout particulièrement l'Américain SpaceX, et à un horizon compliqué. Le premier lancement d'Ariane 6 devrait intervenir au troisième trimestre 2022. "Est-ce que le calendrier sera tenu et est-ce que ce premier vol sera un succès ? Ce sera un élément industriel et technologique déterminant pour la suite alors que, sur le plan politique, la prochaine conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne se tiendra fin 2022", insiste Philippe Géry.
ArianeGroup vient également d'acter, début décembre, sa décision de se lancer sur le marché des mini-lanceurs réutilisables et espère également abaisser ses coûts de lancement en décrochant des marchés auprès des opérateurs de mégas-constellation de satellites. Deux décisions qui ne remettent pas en cause la RCC : "Le sujet des mini-lanceurs suppose, si on veut être vraiment disruptif, d'avoir des idées nouvelles et donc de recruter des personnes à l'extérieur venant d'autres horizons, de l'automobile, du numérique, etc.", fait valoir le responsable CFE-CGC. Cette nouvelle activité sera d'ailleurs logée au sein de la filiale MaiaSpace, avec une équipe agile, qui devrait être recrutée en grande partie à l'extérieur.
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